Volume 20

Annulation de la loi 12 : Que vont devenir les étudiants sous enquête?

Au lendemain d’une soirée électorale agitée, Pauline Marois a réaffirmé son intention d’annuler la loi 12 (projet de loi 78). Comment la nouvelle première ministre peut-elle s’y prendre pour reléguer au passé cette loi controversée ? Et quel sera le sort des personnes mises sous enquête dans le cadre de cette loi ? Réponses du professeur de droit public à l’UdeM, Daniel Turp.

Quartier Libre : Quelles sont les possibilités judiciaires qui seront mises à la disposition du gouvernement afin d’abroger la loi 12 ?

Daniel Turp: La loi 12 stipule que ses dispositions ne s’appliqueront plus à partir du 1er juillet 2013, mais l’article 32 prévoit que le gouvernement peut décider qu’elle cesse d’avoir effet à une ou des dates antérieures. Pour cela, il suffit que le gouvernement adopte un décret lors du conseil des ministres. Cela ne prend donc qu’un acte du gouvernement. Il n’est pas nécessaire de faire adopter une loi d’abrogation par l’Assemblée nationale.

Q. L. : Quel est l’avantage pour le nouveau gouvernement d’utiliser le décret au lieu d’un vote à l’Assemblée nationale ?

D. T. : Dans le cas où le nouveau gouvernement opterait pour un décret suspensif de la loi 12, celle-ci peut cesser d’avoir effet sans qu’il soit nécessaire d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale. C’est donc avantageux pour le Parti québécois (PQ) minoritaire puisque le Parti libéral ne voterait certainement pas pour son abrogation. Quant à la Coalition Avenir Québec de François Legault, elle a appuyé la loi, mais s’est opposée au fait qu’elle restreigne le droit de manifester.

Q. L. : Quelle sera l’effet de l’annulation de la loi 12 sur les personnes sous enquête ?

D. T. : Il faut distinguer le cas des personnes physiques de celui des personnes morales. Si la loi 12 est annulée, des demandes de condamnation pour outrage au tribunal pourraient être introduites ou continuées en cas d’outrages faits par des personnes physiques mais pas morales. En ce qui concerne les injonctions, elles cesseront si la loi 12 est annulée par décret car elles seront caduques. On peut difficilement interpréter la loi 12 autrement. Il faut rassurer les étudiants, les demandes d’injonctions invoquées dans le cadre de la loi 12 ne pourraient se poursuivre après la date où la loi cesserait d’avoir effet.

Q. L. : Certains étudiants poursuivent les universités pour rupture de contrat du fait de l’annulation de certains cours pour lesquels ils auraient payés. Qu’arrivera-t-il au niveau de ces poursuites si la loi est annulée ?

D. T. : C’est une situation un peu préoccupante, car ces actions en civil n’ont aucun rapport avec la loi 12. Ces recours collectifs pourront continuer même si la loi 12 est abrogée. À voir si les universités et les demandeurs n’essayeront pas de trouver un règlement plutôt que de continuer de coûteuses procédures judiciaires.

Q. L. : Qu’en est-t-il du droit de grève si la loi 12 est annulée ?

D. T. : Un grand débat de fond devrait avoir lieu portant sur l’existence du droit de grève, sur le fait que les cours ne sont pas donnés en cas de grève étudiante mais aussi sur la reconnaissance par les universités de ce droit de grève sans que celles-ci ne soient accusées d’avoir rompu leur contrat. Il est difficile d’évaluer le résultat d’un tel débat. Est-ce que les tribunaux vont trouver par analogie qu’il y a un droit de grève ou au contraire reconnaître sa non-existence ? Pour répondre à ces questions, cela risque de prendre un certain temps avant d’avoir une décision finale. Les partis devraient pourtant régler cela de façon rapide et à l’amiable.

En attendant le gouvernement

Quartier Libre a pris contact avec le directeur des poursuites criminelles et pénales, ainsi qu’avec le service de police de la ville de Montréal. tous deux ont déclaré ne pas pouvoir se prononcer pour le moment. Le parti québécois n’a pas non plus souhaité donner suite à notre demande d’entrevue, arguant qu’il fallait attendre la réunion du prochain gouvernement.

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