Volume 22

Afrique du Sud : étudier après l’apartheid

« Les frais de scolarité sont très chers », juge l’étudiante au baccalauréat en anthropologie Geneviève Dorval, qui a effectué un échange à l’université de Stellenbosh, en 2012. À l’heure où un étudiant québécois débourse environ 1 500 $ pour un trimestre au premier cycle, cela grimpe du double au triple dans les universités d’Afrique du Sud. « Ceux qui ont accès aux études supérieures sont les riches, estime Geneviève. Dans mes cours, je retrouvais peu d’africains noirs, mais a contrario beaucoup d’étudiants venant d’autres pays d’Afrique. »

La professeure au Département d’études intégrées en éducation à l’Université McGill et à l’Université KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, Claudia Mitchell, estime que cette situation varie selon les établissements. « Les universités de Zululand et du Limpopo sont fréquentées presque à 100 % par du personnel et des étudiants noirs, explique-t-elle. En contrepartie, les universités Cape Town et Stellenbosh sont plutôt blanches, mais on sent qu’elles font de plus en plus d’efforts d’intégration. Elles semblent sur la bonne voie. »

Malgré les efforts fournis, la pression peut demeurer grande pour les étudiants noirs qui choisissent de poursuivre leurs études dans une université dans laquelle ils seront minoritaires. « Ma colocataire était noire, raconte la diplômée au baccalauréat en droit à l’UdeM Andrée-Anne Perreault-Girard, qui a elle aussi effectué un échange à l’université de Stellenbosh, en 2012. Quand elle m’a vue, elle a eu un choc, elle ne voulait pas que j’habite avec elle. »

Selon Andrée-Anne, le racisme se présente autant dans les cours, qu’à l’extérieur dans les sorties au bar.« Ma colocataire se faisait carter plus qu’il ne le fallait, ça allait jusqu’à lui refuser de lui servir de l’alcool, affirme-t-elle. Elle me racontait que dans sa faculté, elle était une des seules noires et qu’elle trouvait cela difficile. »

À l’Université Stellenbosh, la langue locale reste utilisée, même si l’anglais s’immisce de plus en plus. « L’université enseigne en afrikaans [NDLR : L’une des langues les plus parlées dans le pays], explique Geneviève. La demande étudiante était forte et l’université a décidé de créer un programme en anglais vraiment à part. Les cours sont adressés aux étudiants étrangers. »

Travailler dur

Andrée-Anne mentionne également que les travaux dans son université demandaient beaucoup de recherche et de rédaction. « On pouvait facilement ajouter un 15 % de charge de travail juste pour l’écriture des textes, indique-t-elle. Les travaux demandaient beaucoup de recherche et de rédaction, parce qu’en droit à l’UdeM on n’écrit jamais plus de 10 pages. Alors un rendu de 40 pages en anglais, c’était difficile. »

Mme Mitchell admet que le niveau est généralement plus élevé à l’Université où elle enseigne en Afrique du Sud. « Là-bas, un résultat de 70 % est vraiment très bien alors qu’à Montréal, si un étudiant obtient cette note, il sera fâché », soutient-elle.

La formalité dans le processus d’évaluation pourrait être à l’origine de ces résultats, à son avis. « Un consultant doit réviser le plan de cours et les questions d’examen avant le début du trimestre, explique-t-elle. Après avoir corrigé les examens, le professeur doit envoyer trois copies qui ont été très bien réussies, trois au résultat moyen et trois qui ont été plus faibles pour que le consultant révise les notes qui ont été accordées. »

Au-delà des devoirs, c’est aussi la façon d’enseigner qui a déboussolé Andrée-Anne. « À l’UdeM, on ne discute pas des idées, on applique la loi et c’est tout, explique-t-elle. Là-bas, il y a beaucoup de discussions. Je n’avais pas l’habitude et ça m’a pris un temps d’adaptation. Lorsque l’on me demandait de me positionner, c’était assez difficile. »

Mme Mitchell sent néanmoins une plus grande formalité dans les rapports entre professeurs et étudiants. « Ici, la plupart des étudiants m’appellent tout simplement Claudia, mais là-bas, malgré mes tentatives, les étudiants continuent de m’appeler Professor Mitchell », raconte-t-elle.

S’engager

Si le rang social est très valorisé dans les universités sud-africaines, l’engagement communautaire l’est tout autant, selon Mme Mitchell. « En tant que professeure, mes travaux de recherches et mes études sont valorisés, mais pas davantage que mon engagement social », juge-t-elle.

Chez les étudiants, l’implication bénévole demeure très importante dans le cheminement scolaire, ce qui donne lieu à la création d’une multitude de projets. « L’université essaie de faire le pont avec les bidonvilles en tentant, par exemple d’envoyer les étudiants y faire du bénévolat », indique Geneviève. Ces expériences font partie des efforts grandissants des universités pour atteindre une plus grande égalité, 25 ans après la fin de l’Apartheid.

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