Affaire Mamadi Fara Camara : Polytechnique se tourne vers l’avenir

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Par Bryan Ngo Bayemeck
mardi 2 mars 2021
Affaire Mamadi Fara Camara : Polytechnique se tourne vers l’avenir
Le 22 février dernier a commencé une enquête indépendante sur le Service de police de la Ville de Montréal ainsi que sur les événements ayant mené à l’arrestation de M. Camara. Crédit : Archives Quartier Libre, Pascal Dumont.
Le 22 février dernier a commencé une enquête indépendante sur le Service de police de la Ville de Montréal ainsi que sur les événements ayant mené à l’arrestation de M. Camara. Crédit : Archives Quartier Libre, Pascal Dumont.

Depuis la fin de la mise en accusation de Mamadi Fara Camara et sa libération le 3 février dernier, la communauté polytechnicienne exprime son soulagement. L’École, qui avait suspendu M. Camara de ses fonctions le temps de l’enquête, se tourne maintenant vers l’avenir et assure soutenir le chargé de laboratoire dans sa réintégration.

À la suite de l’annonce de l’arrestation de M.Camara, Polytechnique avait décidé de suspendre le chargé de laboratoire et de lui interdire l’accès au campus pendant la durée de l’enquête.

Le directeur du Département de génie électrique de Polytechnique, Yves Goussard, au sein duquel travaille M.Camara, justifie cette décision en rappelant les obligations de Polytechnique. « Polytechnique a comme responsabilités de maintenir un milieu de travail sain et sécuritaire, explique-t-il. Pour cela, nous nous basons sur les informations crédibles qui sont en notre possession. Les accusations qui ont été portées par les autorités judiciaires étaient extrêmement sérieuses et nous avons dû réagir en suspendant monsieur Camara pendant le temps de l’enquête. »

Si, après coup, cette suspension a été critiquée sur les réseaux sociaux, elle n’a pas fait l’objet de commentaires de la part de l’Association pour une solidarité syndicale de l’École polytechnique (ASSÉP). « La décision de suspendre Mamadi Fara Camara était une décision politique, déclare le coordinateur de l’ASSÉP, Sébastien Paquette. Notre unique but est de travailler à ce qu’il soit réintégré dans les plus brefs délais et qu’il sache que les syndicats lui offrent tout le support dont il a besoin. »

M. Paquette ajoute que M. Camara a droit au soutien du syndicat tant que son accusation n’est pas confirmée. « Le syndicat est et sera toujours en faveur de la présomption d’innocence, nous n’avions donc aucun intérêt à prendre position avant que sa culpabilité ne soit prouvée ou non », conclut-il.

Tournée vers l’avenir

M. Goussard affirme que Polytechnique se tourne désormais vers l’avenir« Dès que les accusations ont été abandonnées, nous avons, d’une part, été extrêmement soulagés, et d’autre part, nous avons rétabli à la fois les accès de monsieur Camara et son financement, assure-t-il. J’ai d’ailleurs, en compagnie du directeur général de Polytechnique, demandé une rencontre avec lui, qu’il a acceptée. »

Selon le directeur du Département de génie électrique, Polytechnique a garanti son soutien à M. Camara lors de cet échange. « Nous lui avons dit que nous sommes là pour soutenir sa réintégration dans la communauté à son rythme et selon ses capacités », précise-t-il. 

Si la décision d’un retour éventuel à Polytechnique revient à M. Camara, M. Goussard soutient que le chargé de laboratoire sera le bienvenu. « Monsieur Camara est un membre très apprécié de la communauté de Polytechnique, en tant qu’étudiant aux cycles supérieurs et en tant que chargé de laboratoire », affirme-t-il.

Une enquête indépendante

Le 22 février dernier a commencé une enquête indépendante sur le Service de police de la Ville de Montréal ainsi que sur les événements ayant mené à l’arrestation de M. Camara.

Cette annonce du gouvernement du Québec répond aux attentes des associations étudiantes telles que l’Association étudiante de Polytechnique (AÉP) ou encore la FAÉCUM. Par voie de communiqué, l’AÉP n’exclut pas l’existence du racisme systémique dans cette arrestation. « Si l’enquête révèle qu’il y a eu du racisme systémique, les faits devront être reconnus officiellement pour qu’on puisse, un jour, aspirer à ce que les choses changent », a déclaré l’Association.

L’enquête, menée par le juge à la Cour supérieure du Québec, Louis Dionne, devrait déboucher sur un rapport d’ici cinq mois. Selon un communiqué du cabinet de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, M. Dionne aura pour responsabilité de valider la pertinence des actions prises par les policiers en fonction du cadre légal et des pratiques reconnues en la matière. « À la fin de ce processus, le rapport pourra être rendu public, en tout ou en partie, dans la mesure où il sera possible de le faire sans nuire à une enquête policière ou à d’éventuelles poursuites judiciaires », précise le communiqué.

M. Camara et son avocat, Alain Arsenault, ont critiqué la forme de cette enquête, précisant qu’ils auraient préféré qu’elle prenne la forme d’une enquête publique. « La forme actuelle de cette enquête ne donne aucune garantie minimale qu’on pourra véritablement faire la lumière sur les événements », a souligné M. Arsenault au journal Le Devoir.