Entrez «jeu vidéo» et «capitale» dans un moteur de recherche et vous verrez apparaître le doux nom de Montréal. La métropole porte le titre impérial de « capitale nord-américaine du jeu vidéo»: plus de 30 entreprises de logiciels et services, ainsi qu’une cinquantaine de développeurs – ce qui représente plus de 5 000 joyeux lurons – se dorent au soleil montréalais. Mais qu’a bien pu attirer des boîtes majeures comme Ubisoft, Eidos, EA Video Games ou Warner Bros Interactive Entertainment chez nous ? La qualité de vie ? Le bassin de talents artistiques et techniques spécifiques à la région ? Le fait que le Québec est une plaque tournante de diffusion entre les États-Unis et l’Europe ? C’est ce que les pachas numériques clament haut et fort. Personnellement, je pencherais davantage pour les 40 % de crédit d’impôt offerts par le gouvernement. Un remboursement annuel de 15000 $ par salarié, bel appât, non ?
Les jeux vidéo sont intimement liés à Montréal et l’idylle ne semble donc pas sur le point de s’arrêter. Cool (quoique les avis divergent pour d’autres raisons économiques). Mais alors pourquoi Arcadia n’existe plus ? Prématuré, le festival de jeux vidéo de Montréal a péniblement survécu quatre ans avant de disparaître. Les 20000 visiteurs attendus lors de la première édition en 2005 n‘étaient pas tous au rendez-vous, même si une fréquentation de 10 000 visiteurs est plus qu’honorable pour un premier essai. Deux ans plus tard, le festival s’est endetté de plus de 100000 $. Arcadia pousse son dernier râle en 2008. L’argent manque, on coupe la couveuse. Mes condoléances.
Je ne ferai pas l’erreur d’être utopiste pour un domaine qui ne l’est pas : les jeux vidéo, c’est cash-cash. Mais il me semble que les festivals sont des vitrines dorées où l’on fait chatoyer ce qui va se vendre au prix fort quelques mois plus tard. C’est un investissement à moyen terme. Comment une «dettounette» de 100000 $ (tout est relatif) a-t-elle pu faire tomber le festival, quand le gouvernement, en plus de son cadeau déductiblement huileux, sort de son chapeau des enveloppes de 3 et 7,5 millions de dollars pour décider les développeurs à pencher pour Montréal ? Ou quand l’on sait que le chiffre d’affaires d’Ubisoft était de 161 millions d’euros, uniquement pour le premier trimestre 2010-2011? À l’heure où Toronto aiguise ses dents pour mordre dans la part montréalaise, il serait temps de se démarquer. Et Arcadia aurait été une arme de choix.
Trêve de business : rêvons un peu. Los Angeles accueille annuellement l’E3 (Electronic Entertainment Expo), l’un des plus gros festivals du genre, la Mecque du jeu vidéo. Les visiteurs vont s’y défouler par dizaines de milliers pendant trois jours sur des exclusivités gardées au frais pour l’occasion, parfois pendant toute une année. Il ne s’agit pas moins de 67 000 mètres carrés réservés aux joueurs de tous poils. La ville de Dallas héberge le QuakeCon, qui propose un immense réseau permettant à plusieurs centaines de personnes de jouer simultanément à des nouveautés. L’évènement, entièrement gratuit et naturellement bondé chaque année, est sponsorisé par les entreprises qui y présentent leurs jeux. Les exemples d’initiatives similaires, couronnées de succès, ne manquent pas, tant aux États-Unis qu’en Europe ou au Japon. Des modèles si difficiles à suivre ? Il ne nous reste qu’à espérer qu’au-delà d’une gestion discutable (et discutée) du développement du multimédia au Québec, les passionnés pourront un jour revoir le festival sacrifié sur l’autel du sacrosaint dollar, malgré ses aficionados (air de violon).