Volume 22

Plusieurs fois parle passé, les étudiants mexicains se sont massivement mobilisés pour défendre et choisir l’avenir de leurs universités.

Crier à l’injustice

Le récent diplômé d’un baccalauréat en anthropologie à l’UdeM Armin Ghaderi vient de passer six mois à l’Université autonome métropolitaine (UAM), qui compte plus de 92 000 étudiants. « C’est comme un microcosme au sein de la ville, indique-t-il. Lors de la journée de présentation de l’Université aux étudiants étrangers, nous avons effectué toutes sortes d’activités brise-glace”. Nous avons visité le campus, mais également les productions agricoles de l’Université, parce que la Faculté d’agronomie produit toutes les denrées nécessaires au fonctionnement des cafétérias. »

La professeure à l’Institut de recherche sociale de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM) Eugenia Allier est actuellement présente pour six mois sur le campus de l’UdeM. Elle travaille au sein du Réseau d’études sur l’Amérique latine du campus. L’UNAM est la plus grande université du Mexique : elle compte 350 000 étudiants, soit sept fois plus qu’à l’UdeM. « La grande différence avec l’UdeM est que neuf lycées sont rattachés à l’UNAM, ce qui représente une partie importante du nombre d’étudiants », explique Mme Allier.

Selon Mme Allier, de façon générale, l’organisation du cursus universitaire au Mexique est relativement similaire à celle du Canada, avec l’équivalent d’un baccalauréat, d’une maîtrise et d’un doctorat. Seul le baccalauréat, appelé licenciatura, diffère quelque peu, puisqu’il s’effectue sur quatre ans.

C’est dans le cadre de sa 4e année de licenciatura en sciences physiques que l’étudiante mexicaine Adriana Canales a décidé de participer au programme d’échange mis en place entre l’UdeM et l’UNAM. Dans son domaine, Adriana souligne la facilité avec laquelle il est possible d’aider les professeurs dans leurs travaux en dehors des cours, à l’UNAM. « J’ai simplement envoyé un courriel à l’un de mes professeurs dont les recherches m’intéressaient, puis je suis allée le voir à la fin du cours », raconte-t-elle. L’étudiante a ensuite eu l’occasion de présenter les résultats de ses travaux avec son professeur lors d’une conférence internationale.

« L’UNAM, en tout cas en sciences humaines, propose un enseignement assez traditionnel au niveau de la licenciatura, affirme Mme Allier. Les classes comportent au maximum une soixantaine d’étudiants. Le professeur expose son cours pendant que les étudiants prennent des notes. » Ce n’est cependant pas le cas partout, selon elle. « À l’UAM, les effectifs sont réduits, entre 15 et 20 étudiants, et le cours se déroule plus sous une forme de discussion », assure-t-elle.

Selon Armin, l’enseignement à l’UAM est pensé de façon à former des esprits critiques en sollicitant davantage la participation des étudiants durant les cours. « Même le déroulement d’une présentation orale est basé sur une discussion, contrairement à ce qui se fait dans les universités canadiennes, où l’on va dérouler son plan très linéairement puis ensuite répondre à toute une série de questions », précise-t-il.

La gratuité… ou presque

Une particularité des universités publiques au Mexique est qu’elles peuvent être gratuites ou quasi-gratuites, ce qui est le cas de l’UNAM, de l’UAM, et de bien d’autres universités publiques. « L’admission à la licenciatura n’est possible qu’après avoir réussi un examen d’entrée qui est propre à chaque université, qu’elle soit publique ou privée, explique Mme Allier. Pour pallier ce type de sélection, l’Université autonome de la ville de Mexico (UACM) a décidé de changer l’examen d’entrée en un tirage au sort. »

Face à cette sélection difficile au sein des universités publiques, il existe un grand nombre d’universités privées vers lesquelles les étudiants peuvent se tourner. « Il faut néanmoins savoir que ces universités ont un coût d’environ 10 000 $ US par an, précise Mme Allier. Plusieurs fois, le gouvernement a voulu imposer des frais d’inscription à l’entrée des universités, mais les fortes mobilisations étudiantes ont mis en échec toute tentative. »

Une culture de la mobilisation

Plusieurs fois par le passé, les étudiants mexicains se sont massivement mobilisés pour défendre et choisir l’avenir de leurs universités. En 1990, l’UNAM a été bloquée pendant presque un an, les étudiants refusant de voir leurs droits de scolarité augmenter d’un centime. L’an dernier, une forte mobilisation étudiante s’est également créée, pour s’indigner cette fois de la disparition des 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa. Adriana a pris parti pour cette mobilisation. « Durant deux mois, l’université était bloquée […]. Pendant cette même période, les Granaderos [NDLR : Police antiémeute] ont encerclé notre campus, ce qui a fait monter une certaine tension. » Adriana raconte qu’avec ses collègues de classe, elle a occupé les locaux nuit et jour au cours de cette période afin de surveiller et de protéger leur matériel d’éventuelles dégradations. Si ils ne l’avaient pas fait, les étudiants auraient pu en être tenus responsables, selon elle.

Selon Mme Allier, ces disparitions sont l’une des conséquences de problèmes graves et profonds au Mexique.« Bien qu’il soit important de manifester pour dénoncer ces abus, cela ne peut pas être la seule réponse apportée à ces problèmes », affirme M me Allier. Selon la professeure, ce mouvement devrait finalement s’estomper, puisqu’il ne s’est pas étendu spontanément dans tout le Mexique.

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