Miss Quartier Latin
En 1950, le « concours de perfection » Miss Quartier Latin fait son apparition sur le campus. « La jeune fille sera couronnée lors du grand bal de l’AGEUM, et deviendra la coqueluche et la tuberculose de ce gala », peut-on lire dans l’annonce du premier concours. Aucune étudiante ne se portera candidate, ce qui n’empêchera pas le jury (composé d’hommes) de nommer une gagnante : Réjeanne Laberge.
Malgré cette participation nulle, le concours est repris l’année suivante avec quelques précisions quant aux critères. « Miss Quartier Latin est réservé à l’étudiante de l’Université qui s’est distinguée par son esprit universitaire, sa distinction, son dévouement, ses qualités intellectuelles et morales » , peut-on lire dans le Quartier Latin du 19 octobre 1951. Dans ce même article, on précise que les étudiantes de la Polytechnique ne sont pas admises [NDLR : Aucune femme ne fréquente Polytechnique en 1951]. « Exception faite pour Poly. D’ailleurs une jeune fille qui va à Poly, surtout qu’il s’agit de briser la glace, a déjà quelques mérites », lit-on.
Son côté exclusivement féminin sera remis en question dans un article intitulé « À la recherche de Monsieur Quartier Latin » publié le 31 octobre 1956. Toutefois, le concours Miss Quartier Latin existera jusqu’au début des années 1960.
Carabines, « poutchinettes »
et étudiantes
Au milieu des années 1950, les étudiantes de l’UdeM revendiquent le nom de « Carabines » au même titre que les étudiants sont des Carabins. « C’est pour montrer qu’on est étudiante et pas autre chose, soutient la professeure au Département d’histoire de l’Université du Québec à Rimouski Karine Hébert. Le mot Carabins est vraiment associé à l’image de l’étudiant : bohème, dans la rue. Les étudiantes veulent être reconnues dans ce groupe. » Ce nom s’oppose également à « poutchinette », surnom plus réducteur des étudiantes à l’époque. « C’est assez condescendant, poursuit Mme Hébert. Les filles sont plus présentes et plus affirmées, et on réagit à ça avec un nom cute. »
Les femmes non-membres
Jusqu’en 1945, les étudiantes ne sont pas membres de l’Association générale des étudiants de l’UdeM (AGEUM), qui est l’ancêtre de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM). « Jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, il y avait réticence quant à la légitimité des femmes à poursuivre des études , souligne la professeure au Département d’histoire de l’Université du Québec à Rimouski et auteure du livre Impatient d’être soi-même : les étudiants montréalais, 1895-1960, Karine Hébert. Ce n’est pas tant au niveau des compétences, mais il est clair que les femmes et les hommes n’auront pas les mêmes rôles dans la société. Alors on se demande ce que ça va donner aux femmes. » Les étudiantes ont tout de même accès aux activités, sauf le sport puisqu’aucune équipe féminine n’existe à cette époque. Pourtant, au milieu des années 1940, les femmes représentent déjà plus de 20 % des diplômés de l’UdeM.
En février 1944, Germaine Leclaire s’indigne de cette situation dans l’article « Pourquoi sommes-nous exclues de l’A.G.E.U.M. ? » publié dans le journal étudiant Quartier Latin. « Nous désirons simplement que vous nous considériez comme des êtres semblables sinon égaux. Comme des êtres normaux et non comme des phénomènes perdus dans un paradis exclusif », peut-on lire dans son texte.
Puisque le journal étudiant de l’époque appartient à l’association étudiante, elle recevra une réponse très moqueuse de la part d’un des officiers, Sylvain Cousineau. « Est-ce qu’on devrait organiser une équipe de hockey pour jeunes filles ? Ce serait amusant vraiment », répond-il. Celui-ci ne comprend pas quels avantages auraient les étudiantes à faire partie de l’AGEUM. « Les seuls avantages seraient pour l’Association qui y trouverait une nouvelle source de revenus », écrit-il.
Les femmes deviendront membres un peu moins de deux ans après cette tirade, à l’automne 1945.« On remarque un changement à partir de ce moment, souligne Mme Hébert. Elles prennent la parole plus fréquemment et cela les aidera à prendre leur place. » Elles ne paieront toutefois que la moitié de la cotisation des hommes cette année-là.
Les premières représentantes dans les associations
Même si les étudiantes ne sont pas membres de l’AGEUM avant 1945 (voir encadré ci-dessus), elles participent tout de même à la vie associative dès les années 1920. Par exemple, en 1927, les élections de l’École d’hygiène sociale appliquée élisent des filles à chacun des postes. Aussi, en 1928, le poste de conseiller aux études supérieures de la Faculté des sciences est occupé par une étudiante.
Il faudra attendre 1944 pour voir une étudiante nommée au sein de la rédaction de Quartier Latin. Il s’agit de Françoise Maillet, représentante des jeunes filles. Puis,en 1945, Madeleine Béique devient la première étudiante à être élue au sein d’un organe constitutif de l’AGEUM. Elle est vice-présidente de la Société artistique qui s’occupe des activités culturelles de l’Association. « L’A.G.E.U.M. pourrait former une constitutive essentiellement féminine pour s’occuper des étudiantes », suggère-t-elle dans une entrevue publiée le 12 octobre 1945 dans Quartier Latin. Au mois de novembre suivant, Monique Choinière est nommée déléguée des étudiantes à l’AGEUM.
« La marche vers la reconnaissance des étudiantes se concrétise le 6 mars 1958 avec une grève étudiante » , explique la professeure au Département d’histoire de l’Université du Québec à Rimouski Karine Hébert. Au comité de représentation auprès du gouvernement, on nommera trois étudiants, dont Francine Laurendeau. « C’était conscient de nommer une femme pour représenter la part des étudiantes, relate M me Hébert. On a plus le choix d’en avoir. » Selon la professeure, c’est toutefois seulement à la fin des années 1960 que les étudiantes auront accès à la présidence de l’Association.