Campus

Jacques Brisson devant un des marais filtrants du jardin botanique de Montréal.
Crédit photo : Isabelle Bergeron

Infiltrer les marais

«Les problèmes qu’on tente de résoudre concernent la pollution de l’eau, la pollution de l’air, le bruit et la contamination des sols, présente le professeur au Département de sciences biologiques de l’UdeM et chercheur à l’IRBV Jacques Brisson. On tente d’y remédier par l’installation de marais filtrants et de murs végétaux, par exemple.»

M. Brisson est spécialiste en marais filtrants, des marais artificiels aménagés ponctuellement et utilisés pour épurer une large gamme d’eaux usées de provenance majoritairement domestique, mais aussi industrielle, municipale ou agricole. «On s’inspire de la faculté naturelle des milieux humides à épurer l’eau», indique le professeur qui est également fondateur de la Société québécoise de phytotechnologie. À Montréal, on retrouve ce type de bassins au parc Jean-Drapeau et au Jardin botanique, où se situe l’IRBV.

L’épuration dépend de procédés physiques, chimiques et biologiques. «Une grande partie du processus d’épuration se fait au niveau des racines des plantes», précise-t-il.

M. Brisson revient tout juste de Chine où il a supervisé l’installation d’une expérience se déroulant au Jardin botanique de Chenshan à Shanghai. «Il y a plusieurs marais filtrants parallèles qu’on va aménager avec différentes combinaisons d’espèces végétales et qu’on va surveiller pour voir comment ces combinaisons-là vont affecter la microbiologie dans le sol d’une rivière très contaminée», explique-t-il.

Des marais pour tous?

Les marais filtrants offrent certains avantages par rapport aux usines d’épuration des eaux conventionnelles, dont une consommation réduite d’énergie et un coût de fonctionnement moins élevé, mais ils demeurent malgré tout peu répandus. «Le Québec ne compte pas beaucoup de marais filtrants, affirme l’étudiante à la maîtrise au Département de sciences biologiques de l’UdeM Emmanuelle Demers. On doit travailler à un changement des mentalités. Il importe de faire la promotion de la recherche scientifique pour l’utilisation des marais filtrants pour le traitement de l’eau aux contaminants divers.»

Toutefois, il serait impossible pour l’instant de traiter les eaux d’une grande ville comme Montréal uniquement avec des marais. «En ce moment, les marais filtrants les plus performants, en France, nécessitent l’équivalent de deux mètres carrés par personne, observe M. Brisson. Pour une maison de cinq personnes, ça vous prend dix mètres carrés de marais filtrant.» La surface est donc une contrainte importante.

Les marais présentent aussi des problèmes quant à la biodiversité. «Un problème important à l’heure actuelle est l’envahissement des sites par le phragmite, affirme la doctorante du Département de sciences biologiques de l’UdeM Mariana Rodriguez. Le gouvernement du Québec interdit depuis 2012 l’utilisation de phragmite exotique dans le cadre d’aménagement de marais filtrants, car il remplace complètement la flore naturelle et appauvrit la biodiversité des écosystèmes qu’il colonise.» Cette plante, mieux connue sous le nom de roseau commun, détient pourtant des caractéristiques recherchées pour l’épuration des eaux, comme un important système racinaire.

La saturation des matériaux et l’absence de produits chimiques pour réguler les quantités de certains produits dans l’eau sont d’autres difficultés avec lesquelles les chercheurs doivent composer. «L’accumulation du phosphore dans les marais est un problème important», constate Mme Rodriguez. Des éléments absorbants comme les scories d’acier, des résidus de l’affinage de ce métal, pourraient remédier au problème, mais leur utilisation entraîne des coûts trop importants pour l’instant.

Un milieu fécond

L’IRBV tente actuellement de mettre sur pied une chaire de recherche dans le domaine des phytotechnologies. «C’est une chaire industrielle. Il faut aller chercher la moitié de l’argent du côté de l’industrie. Cette moitié est déjà acquise par Hydro-Québec et d’autres fonds, explique M. Brisson. Maintenant, il faut faire la demande au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.»

Partager cet article