Un projet consensuel devenu marginal
Signée Nadeau-Dubois, l’introduction présente ce qui a jeté les bases de l’idée de la gratuité scolaire au Québec. Il faut remonter aux années 60 et aux recommandations du rapport Parent sur la situation de l’éducation au Québec, qui suggère entre autres une abolition à long terme des frais de scolarité universitaire. « Le gel à long terme des frais de scolarité était compris comme une façon de réduire progressivement la contribution des étudiants au financement des universités », soutient Gabriel Nadeau-Dubois dans son texte.
Selon lui, depuis plus de 20 ans cependant, le concept d’accessibilité universelle semble s’effriter au profit d’une vision néolibérale et utilitariste. « Cela a pour effet de faire de plus en plus reposer sur les épaules des individus la responsabilité de leur sort », précise-t-il.
Possibilité ou utopie?
« Les finances publiques du Québec permettent la gratuité scolaire, assure le chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) Simon Tremblay-Pepin en entrevue. Comme d’autres États l’ont fait, avec de bons résultats en prime, l’abolition des frais de scolarité universitaire est certainement souhaitable. » Le chercheur, qui signe une partie de l’ouvrage, est catégorique au sujet du financement de la gratuité scolaire. « L’éducation postsecondaire accessible et gratuite pour tous fonctionne et le Québec le sait, estime le chercheur. C’est l’idée même des cégeps. » Pour combler ce manque à gagner, M. Tremblay-Pepin propose plusieurs solutions : hausse de l’impôt des particuliers, taxation accrue des entreprises, ou encore, rétablissement de la taxe sur le capital.
Démystifier le financement universitaire
Invité lui aussi à se prononcer sur l’exercice comptable lié à la gratuité scolaire, le professeur de philosophie à l’UdeM Michel Seymour expose la problématique du sous-financement universitaire. Selon lui, le déséquilibre qui existe présentement entre les fonds qui constituent l’enveloppe budgétaire des universités affecte ces institutions. « Il n’y a jamais eu autant d’argent investi dans les universités québécoises, mais la majorité de ce financement ne va pas au fonds de fonctionnement, qui lui sert à payer les salaires, les bourses et l’entretien, entre autres », assure M. Seymour en entrevue. Par cet argumentaire, le professeur entend déboulonner l’idée selon laquelle l’abolition des frais de scolarité ne peut être financée que par une hausse d’impôt. « L’argent est là, il suffit d’un peu de volonté politique », conclut-il.
Les Premières Nations impliquées
La dernière section de cet ouvrage collectif tente d’élargir le principe de gratuité et ce qu’il implique. Parmi les contributeurs, les cofondatrices de la branche québécoise du mouvement Idle No More, Melissa Mollen Dupuis et Widia Larivière, offrent un plaidoyer pour inclure les Premières Nations dans le projet de la gratuité scolaire. « Les cultures et les traditions autochtones, pour peu qu’on leur porte attention et qu’on les considère sérieusement, ont beaucoup à offrir à la société québécoise et au monde en général », soutiennent les deux femmes dans Libres d’apprendre. Toutefois, rejoindre ce projet collectif ne doit pas se faire à n’importe quel prix. « Pour que ce projet de gratuité soit intéressant pour les Premiers Peuples, il devra inclure des possibilités éducatives culturellement appropriées aux Autochtones », assurent-elles.