Volume 21

(Illustration : Mélaine Joly)

Edito : étudiants érudits

Seulement 10 % des diplômés de premier cycle à l’UdeM le sont grâce à un baccalauréat par cumul qui combine mineure, majeure ou certificats (p. 17). C’est une proportion très peu élevée des étudiants qui choisissent ce parcours plus « humaniste » associé avec la mission ancienne des universités.

Cela démontre bien que l’université d’aujourd’hui est de plus en plus axée sur le marché du travail. On ne souhaite plus former des intellectuels, mais plutôt des travailleurs spécialisés qui seront capables d’exercer un emploi dès l’obtention de leur diplôme.

Cette surspécialisation des diplômes a pourtant un effet néfaste sur certaines structures de programme qui sont remplies de cours plus ou moins futiles qui servent à atteindre le total de 90 crédits. Plutôt que d’offrir dans chaque baccalauréat des cours techniques sur la maîtrise de logiciels ou encore sur l’orientation post-diplôme, ne devraiton pas, à l’instar de la majorité des universités anglo-saxonnes de la planète, encourager l’ouverture intellectuelle des étudiants en les obligeant à suivre des cours de baccalauréat dans deux disciplines bien distinctes ?

Mais bien sûr, les entreprises préfèrent de loin que les étudiants apprennent à maîtriser les logiciels avant d’arriver dans leur compagnie et qu’ils aient des connaissances très pointues afin de devoir les former le moins longtemps possible. Les entreprises ont donc mis entre les mains des universités le devoir de formation de leurs employés. C’est ce qu’on appelle l’arrimage au marché et qui est souvent décrit comme bénéfique puisqu’il réduit le temps d’adaptation des jeunes travailleurs à leur milieu de travail.

Preuve de cet arrimage au marché du travail (ou peut-être simplement d’un monde changeant) ; la seule Faculté d’art appliqué de l’UdeM, la Faculté de musique, offre depuis l’automne dernier un baccalauréat spécialisé en musiques numériques (p. 20). Ce programme d’abord issu d’une mineure est celui, au sein de cette Faculté, qui répond le mieux aux besoins du marché en terme de musique. On y forme ainsi des musiciens technologues capables d’opérer des logiciels, de faire du montage sonore ou d’enregistrer dans un studio. Même si le programme comporte une bonne dose de créativité, il n’en demeure pas moins qu’il s’est modelé aux besoins des maisons de productions de jeux vidéo et de films afin de leur offrir des ouvriers qualifiés.

Cette tendance à la spécialisation des disciplines universitaires peut aussi créer des problèmes au niveau des ouvrages de référence. Certains professeurs enseignent des matières si pointues qu’ils sont parfois les seuls à avoir rédigé de la littérature en français dans ce domaine. Ils sont donc contraints d’imposer leurs écrits comme livre obligatoire (p. 4). Mais parfois, certains professeurs abusent et prescrivent leur oeuvre même si le sujet du livre est plutôt éloigné de celui du cours ou que d’autres littératures existent.

Plusieurs étudiants jugent pertinent d’avoir un accès à un livre qui colle à la matière enseignée, et surtout, à ce qui sera sujet à évaluation. Cette manière de penser est assez utilitariste. Pour ma part, je juge qu’un professeur doit être en mesure de transmettre la matière sans s’appuyer constamment sur ses ouvrages. De plus, plutôt que d’ouvrir l’horizon des étudiants dans une discipline, la littérature obligatoire sert dans ce cas-ci à faire passer l’examen.

Avec un emploi du temps bien rempli, il est normal de penser d’abord à l’examen et non à sa culture générale. Tout comme il est noble de la part de plusieurs de vouloir se préparer au marché du travail. Toutefois, les universités se distancent énormément de leur rôle premier, car les étudiants ne sont pas encouragés autant qu’ils le devraient à se cultiver et à développer des connaissances dans plusieurs domaines.

Pourtant, peut-on les blâmer ? Ils ont bien souvent un horaire surchargé qui laisse bien peu de temps pour les lectures secondaires et pour devenir de vrais érudits.

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