Amener le débat de la culture policière et de l’itinérance sur la place publique. Telle était la volonté de l’étudiant à la maîtrise en sociologie à l’UdeM Adis Simidzija en publiant sa vidéo de l’intervention d’un policier auprès d’un itinérant début janvier. Toutefois, l’étudiant espère que la discussion ne sera pas éphémère et qu’elle se poursuivra au cours des mois qui viennent.
Quartier Libre : T’attendais-tu à une telle répercussion après avoir publié la vidéo ?
Adis Simidzija : Pas vraiment. Au départ, je ne voulais même pas publier la vidéo. Je souhaitais seulement la partager en privé avec mes amis sur Facebook. Un ami juriste, Omar Azzabi, m’a conseillé de la publier et de l’envoyer aux médias. Je me suis dit «Pourquoi pas ?» Je l’ai donc mise sur Facebook, et en moins d’une heure, la vidéo a été partagée entre 2000 et 3000 fois, puis les médias ont commencé à me contacter.
QL : Le regrettes-tu ?
A. S. : Non. Je l’aurais regretté si le débat avait tourné essentiellement autour des médias sociaux, mais le rapport entre les policiers et les populations marginales est bien ressorti dans les médias.
QL : Pourquoi avoir filmé la scène ?
A. S.: Mon but principal était d’avoir une preuve si la personne voulait porter plainte ou si elle voulait se défendre contre des charges criminelles.
QL : Comment s’est passée la scène ?
A. S. : Je sortais du métro Jean-Talon, et j’ai vu une intervention policière déjà entamée. Le policier était en train de faire la morale à l’itinérant sur le fait qu’il quémandait de façon agressive. La personne semblait simplement confuse, et là j’ai entendu le policier dire la fameuse phrase «Je vais t’attacher à un poteau si tu ne t’arrêtes pas.» Je l’ai entendu dire à deux reprises au moins avant de commencer à filmer. Je me suis dit que ça allait dégénérer, donc j’ai sorti mon cellulaire. Dire que le policier faisait son devoir, c’est banaliser une violence à laquelle les itinérants et les populations marginalisées font face au quotidien.
QL : As-tu eu des retours du SPVM?
A. S.: Non. Je sais seulement que le ministère de la Sécurité publique a été au courant et a réagi à l’interne. Une enquête a été faite. J’aurais dû être invité à comparaître comme témoin. Or, ce n’est pas le cas. Seul le point de vue des policiers a été pris en compte.
QL: Penses-tu que la tribune qui t’a été offerte va amener un débat ou changer quelque chose ?
A. S. : J’espère que le débat va continuer, mais j’ai l’impression que ça va se poursuivre jusqu’à fin janvier, au moment de l’adoption de la Politique en itinérance. Une fois cette étape passée, il va falloir s’assurer de continuer à mettre la pression. Je sais pertinemment que j’ai profité de la situation, je ne suis pas débile. Mais n’importe qui aurait pu prendre cette vidéo et la publier. Toutefois, on m’a fait remarquer que sa médiatisation était due à mon statut de sociologue.
QL : Comment as-tu vécu tout ce tapage médiatique ?
A. S. : On parlait de moi dans tout le Québec alors que je n’avais que 12 sous dans mon compte jusqu’à ce je reçoive mon chèque de prêts et bourses. Pour moi, c’est un jeu médiatique. Je ne voulais pas utiliser l’affaire pour sortir dans les médias. Maintenant que l’on m’interpelle, je profite de la tribune, et semble-t-il que j’ai quelque chose à dire. Je désirais que l’on fasse abstraction de ma personne pour parler de l’itinérance et de la culture policière. Je pense que ça a été bien réussi. Maintenant, j’essaie de prendre du recul, car j’ai ma vie d’étudiant qui continue.