Culture

Même si les tuyaux de l’orgue sont toujours présents dans la salle Claude-Champagne, le reste du dispositif est démonté. (crédit photo : Pascal Dumont)

Un instrument à l’abandon?

Seuls trois étudiants sont spécialisés en orgue à la Faculté de musique de l’UdeM. Comme l’orgue n’est pas un instrument très en vogue à notre époque, les perspectives d’avenir pour ces musiciens sont limitées. Même l’orgue de la salle Claude-Champagne est muet depuis une quinzaine d’années. Pourquoi y a-t-il donc aussi peu d’intérêt pour cet instrument ?

«Je ne pourrais pas vous dire exactement depuis quand il ne marche plus, mais ça fait très longtemps, plus de 15 ans», confie l’ancien doyen de la Faculté de musique de l’UdeM et organiste Réjean Poirier. L’orgue de la salle Claude-Champagne n’a pas eu une destinée heureuse. « Au départ, l’instrument posait déjà des problèmes, ils se sont aggravés jusqu’à ce que le feu prenne dans la console pendant un concert», explique-t-il.

Toutefois, même si l’orgue de la Faculté ne fonctionne plus et malgré un nombre très restreint d’inscrits – trois en 2013 – l’UdeM continue d’offrir une formation aux trois cycles d’enseignement. Pour le doctorant Philippe Bournival, c’est une chance d’avoir accès à ce programme. «Je tenais à faire mon doctorat en français, car c’est intellectuellement très intense et il n’y a que l’UdeM qui le propose dans cette langue.»

Face à cette volonté de maintenir une formation en orgue, il est paradoxal de constater qu’aucun projet de réparation de l’instrument de la salle Claude-Champagne ne soit en cours. «Ce serait beaucoup trop coûteux, vu son état et le peu d’étudiants en orgue actuellement », indique l’adjointe au développement à la Faculté de musique, Madeleine Bédard.

La remise à neuf de l’instrument ne pourrait donc pas être rentabilisée. « Il faut être conscient que ça coûte très cher d’entretenir un orgue, note le diplômé de troisième cycle en orgue à l’UdeM Marc-André Harnois. On fait donc un calcul avant de penser à le réparer.»

Selon M. Poirier, il s’agit d’un instrument vétuste. «Il n’est pas bien situé dans la salle, ça ne vaut donc pas la peine de le réparer, croit-il. Une partie de la tuyauterie est récupérable, mais pour le reste de l’instrument, comme les sommiers [NDLR: dispositif qui distribue l’air au sein de l’orgue] ou la mécanique, c’est dépassé.»

Pas lésés pour autant

Afin de pallier l’absence de cet instrument, la Faculté a mis en place un système pour permettre aux étudiants de travailler. «On loue des heures dans une église, et à la Faculté il y a des petits orgues de travail qui permettent de compléter avec les heures louées», explique M. Poirier.

Lors de son passage à l’UdeM, Marc-André Harnois avait à se déplacer loin de la Faculté pour répéter, mais n’y voyait pas trop d’inconvénients. «Pendant mes études, j’avais accès à l’église de l’Immaculée Conception [NDLR: dans Hochelaga], relate-t-il. Par contre, si j’avais seulement eu la salle Claude- Champagne, qui sert également pour l’orchestre, je n’aurais pas eu l’occasion de pratiquer beaucoup mon instrument.»

Car même si l’orgue était réparé, les étudiants en orgue n’auraient pas nécessairement la priorité, selon l’étudiant au baccalauréat Christophe Gauthier. «J’aurais quand même mes cours, examens et récitals à l’église, à cause de l’occupation trop fréquente de la salle, croit-il. À la faculté on a accès à deux orgues de pratique, des instruments de salon, ainsi qu’un petit orgue positif. C’est suffisant pour travailler.»

En dehors des églises et de la Faculté, les étudiants peuvent également se rendre au pavillon 1420, Mont-Royal. «Il y a un gros orgue avec trois ou quatre claviers, indique Christophe Gauthier. C’est un bon compromis parce que l’instrument se rapproche de celui d’une église et c’est plus facile d’y avoir accès.» Marc-André Harnois raconte que les étudiants y ont accès depuis six ou sept ans. «C’est temporaire, car l’Université compte vendre ce bâtiment depuis qu’elle a vu les coûts de réparation», nuance-t-il.

Heureusement, de nombreux orgues sont à disposition à Montréal. «On peut aussi répéter à McGill pour les répertoires de certaines époques, poursuit le diplômé. Plutôt que d’avoir un orgue, les étudiants ont accès à plusieurs orgues dans Montréal, c’est mieux.»

Malgré tous ces efforts pour des études optimales en orgue, les perspectives d’avenir des étudiants sont peu brillantes. « Je ne gagne pas ma vie avec les concerts, mais avec l’accompagnement, précise Philippe Bournival. J’ai un poste de directeur musical à Notre- Dame-du-Cap. J’étais à temps plein jusqu’à maintenant, mais aujourd’hui c’est huit mois de temps plein et quatre mois de mi-temps.» C’est pour cette raison qu’il s’est inscrit au doctorat, après des années au Conservatoire de Trois-Rivières. «Le doctorat me permet d’accéder à des postes d’enseignement, mais pas en orgue, car il n’y a pas beaucoup d’étudiants, plutôt dans les matières théoriques», indique-t-il. Même si les possibilités d’emploi sont encore présentes, la baisse de fréquentation dans les églises du Québec ajoute à l’avenir incertain de l’orgue.

 

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