Volume 21

Le recours collectif de Jean-Pierre Lord est une première dans le monde étudiant, mais pourrait être suivi par d'autres demandes. (Crédit photo: Pascal Dumont)

Recours accepté

La Cour supérieure du Québec a autorisé, le 17 septembre dernier, le recours collectif contre la Ville de Montréal mené par l’étudiant en travail social de l’UQAM Jean-Pierre Lord. Il représentera toutes les personnes arrêtées avec lui lors de la manifestation du 23 mai 2012. 

La requête a été jugée favorable l’opposition de la Ville de Montréal qui faisait valoir l’illégalité de la manifestation. « Même si le juge disait que l’arrestation était légale et dans les règles, il faudra passer aux conditions de détentions, rétorque l’avocat du requérant, maître Marc Chétrit Rieger. Cela n’a pas de sens d’avoir les mains menottées dans le dos toute une nuit pour un constat d’infraction. Pour nous, il y a aussi eu violation des droits fondamentaux. Ce sont des règles de base qui n’ont pas été respectées, c’est aberrant. » 508 personnes avaient été arrêtées et détenues plusieurs heures dans 17 autobus, sans eau ni accès aux toilettes.

Les fédérations étudiantes satisfaites

La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) ne sont pas impliquées dans ces démarches, mais se déclarent satisfaites de la décision. « On aime voir ces choses arriver, c’est très difficile pour les militants judiciarisés de pousser les procédures », explique le coporte-parole de l’ASSÉ Justin Arcand.

Tout comme ses collègues des fédérations étudiantes, il situe cet évènement dans une lutte plus globale. «Cela s’inscrit dans une trame. Pour nous, ce qui compte, c’est l’abrogation du règlement P-6, ajoute le président de la FEUQ, Antoine Genest-Grégoire. Il faut s’assurer que les méthodes soient changées. On veut travailler sur le structurel». La présidente de la FECQ, Éliane Laberge, ajoute que «le processus envoie un message au corps policier et à la société en général sur le fait qu’il y a des pratiques qui ne doivent pas être reproduites. »

Le recours collectif

Les démarches sont motivées par un profond sentiment d’injustice. « Les gens se sont regroupés spontanément en sortant du centre opérationnel, avec l’impression d’avoir été traités injustement », selon Me Chétrit. Il cite trois cas extérieurs au Printemps érable, pour lesquels des recours collectifs ont mené à des dédommagements envers des manifestants lors d’arrestations de masse, soit les cas Kavanaght, Engler-Stingler et Dupuis-Deri. Tous contre la Ville de Montréal. « Dans les trois cas, les accusations ont été mises de côté. Ce n’est pas la première fois que la ville se fait poursuivre, ajoute-t-il. Aujourd’hui, on a des règles défi- nies, que le SPVM n’a pas respectées. »

Ce recours collectif estudiantin est une première. « C’est plus large qu’étudiant, nuance l’avocat de Jean-Pierre Lord. Déjà, il n’y avait pas que des étudiants qui manifestaient.» La demande en justice sera introduite début 2014.

« Le recours collectif se distingue des autres actions judiciaires, car il faut obtenir la per- mission de la cour pour l’exercer, explique le professeur à la Faculté de droit de l’UdeM Pierre-Claude Lafond. Certains confondent l’autorisation et le tribunal qui, lui, condamne. On est à un stade où on a per- mis à un groupe d’intenter un recours. Cela ne veut pas dire qu’ils vont gagner. »

Pour les personnes concernées, nul besoin de faire de démarches. «Il va y avoir un avis annonçant que le recours a été autorisé, et énonçant le principe que tous les membres qui sont inclus dans la description en font partie, ajoute le professeur. La loi prévoit une faculté d’exclusion : la personne qui le désire a un certain délai pour s’exclure de la poursuite.»

Pour les étudiants arrêtés lors de cette soirée, il n’y a pas de conséquences concrètes pour le moment. « La procédure pour obtenir le dédommagement sera diffusée par avis quand la décision sera prise, mais on parle de plusieurs années », ajoute M. Lafond.

Parmi les impacts possibles de ce recours, la présidente de la FECQ cite l’influence que le jugement pourrait avoir sur des causes ultérieures semblable. Son collègue de l’ASSÉ avance également la possibilité d’une modération des ardeurs policières et la reconnaissance du droit de poursuivre la répression.

D’autres recours collectifs se préparent. Une première demande a été faite le 13 septembre dernier à propos des arrestations massives qui se sont déroulées lors de la manifestation du 15 mars 2013 contre la brutalité policière.

 

Encadré

Le recours collectif

Jean-Pierre Lord demande 5 000 $ en dommages et intérêts et en dommages exemplaires aux personnes arrêtées, détenues ou dont les droits fondamentaux ont été violés lors de l’intervention policière. Il ajoute 1000 $ aux personnes ayant reçu une contravention en vertu du règlement P-6, et 500 $ à toute personne n’ayant pu vaquer à ses occupations habituelles suite 

 

Partager cet article