Dans la classe pour laquelle j’étais correcteur l’an passé, je me demandais quels étaient les motifs des élèves qui étaient hypnotisés par leurs échanges de messages textes. Pas de cahier ni de crayon. Bien peu d’attention pour le professeur. C’était une victoire éclatante pour Apple et BlackBerry. La valeur de l’éducation, n’est-ce pas la raison qui avait été invoquée pour descendre dans la rue ? Peut-être que ces étudiants-là n’y étaient pas allés, dans la rue…
Il y a peut-être un début de réponse dans les propos qu’a tenus Paul Gérin-Lajoie dans Le Devoir de la fin de semaine dernière. Lui qui avait été le premier à porter le titre de ministre de l’Éducation affirmait que les réformes capitales de la commission Parent avaient une limite importante : la place marginale faite à la formation professionnelle. M. Gérin-Lajoie ajoutait que « l’image négative de cette formation professionnelle dans l’opinion publique que cela a produite ou renforcée continue d’exercer son influence auprès des parents et de la société en général. »
Je n’ai jamais rêvé à la boulangerie, et il est rare que je regrette de ne pas avoir embrassé ma vocation enfouie de coiffeur. Ma place est à l’université. Seulement, je ne peux m’empêcher de penser à ces propos lorsque je vois des étudiants qui ne font que se perdre dans le dédale des réseaux sociaux pendant trois heures. Pourquoi ne sont-ils pas ailleurs ? On sait qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre pour les métiers manuels depuis des années. C’est tentant d’imaginer une situation idéale où les besoins de l’économie seraient comblés par des étudiants qui auraient trouvé leur place. On criera à l’école inféodée au marché du travail… et on se trompera ! Les premiers gagnants seraient les étudiants, ceux dont les talents seraient sollicités, ceux qui s’épanouiraient plutôt que de stagner sur leur banc de classe.
Dans le Rapport du chantier sur une loi-cadre des universités remis la semaine dernière, les auteurs affirment que la tâche n’est pas terminée, notamment « au chapitre de l’accessibilité, de la démocratisation, de la persévérance et de la réussite. » Il a été beaucoup question des deux premiers éléments depuis un an, et le débat ne doit pas s’arrêter. Peut-être que la persévérance, et la réussite par le fait même, gagnera les classes du Québec lorsqu’on cessera de croire en la nécessité de l’université pour tous. Le goût de l’école commence lorsqu’on a trouvé son endroit. La soudure paraît peut-être moins sexy que l’ingénierie aérospatiale, mais je suis certain qu’un soudeur a autant de plaisir au travail qu’un ingénieur.
Trouver sa place à l’école, ce n’est pas une question qui ne s’adresse qu’aux étudiants qui amorcent leur vie adulte. Le problème, hélas, a des racines profondes au Québec. Il y a certainement un lien à faire avec le taux de décrochage qui continue d’être affligeant, particulièrement chez les garçons au secondaire. Peut-on rêver d’un Québec dans lequel des mains se lèvent et des yeux sont grands ouverts du début à la fin de l’école ?