La chlamydia et la gonorrhée sont des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) de plus en plus répandues chez les personnes de 15 à 24 ans. Les professionnels de la santé s’inquiètent également de la résurgence de la syphilis chez les jeunes. Cette hausse des cas d’ITSS est liée à des comportements sexuels à risque auxquels s’adonnent de plus en plus de jeunes Québécois.
En septembre dernier, l’étudiante de l’UdeM Kim (prénom modifié) reçoit un appel de son ex-copain. Il l’informe qu’il a contracté la chlamydia. La panique gagne la jeune femme qui se rend directement dans un CLSC.
Le médecin lui fournit une ordonnance pour se procurer le traitement contre la chlamydia, sans même faire de test, tant il est certain de son diagnostic. Le traitement est rapide. Quatre comprimés à avaler en une journée, et c’est réglé.
« J’avais une confiance aveugle en mon ex, confie Kim. Je me disais que ce genre de choses n’arrivait qu’aux autres, pas à moi. » Kim ignorait que l’infection génitale se propage si facilement qu’un simple contact entre organes génitaux, sans pénétration, suffit pour contracter la maladie.
ITSS à la hausse
La chlamydia est de loin l’infection la plus répandue chez les jeunes de 15 à 24 ans, qui représentaient environ 65 % des 20000 cas déclarés en 2011. La gonorrhée, également appelée «chaude-pisse», est une maladie dix fois moins fréquente, mais non moins inquiétante. Le nombre de cas est en forte augmentation chez les femmes, et la bactérie respon- sable de l’infection est de plus en plus résistante aux antibiotiques.
Certaines ITSS réapparaissent alors qu’on les croyait presque disparues. C’est le cas de la syphilis. Autrefois, cette maladie touchait surtout les hommes homosexuels ou bisexuels, mais désormais, elle affecte aussi les femmes hétérosexuelles de moins de 20 ans.
« La majorité des médecins n’ont jamais vu de cas de syphilis, et ils sont moins attentifs aux symptômes chez les femmes, car la maladie s’attaquait moins à elles jusqu’à présent, affirme le médecin-conseil à l’unité ITSS de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Dr Marc Steben. C’est très inquiétant, car on pourrait se retrouver avec des bébés souffrant de syphilis congénitale. »
Les intervenants en lien avec des jeunes constatent chaque jour l’augmentation des ITSS. Si le groupe des moins de 25 ans n’est pas le seul touché, il est particulièrement vulnérable. « Il y a plus de conséquences chez les jeunes puisqu’ils peuvent s’exposer à des compli- cations lorsqu’ils tenteront d’avoir des enfants », estime le Dr Marc Steben.
Protection insuffisante
Les ITSS se propagent chez les jeunes, car ils utilisent peu le préservatif. « Le niveau de protection lors de pratiques sexuelles chez les jeunes ne s’améliore pas, c’est vraiment un problème de société », juge l’infirmière de la clinique des jeunes du CLSC Saint-Laurent, Anne-Marie Maynard.
Selon elle, les gens trouvent toutes sortes d’excuses pour ne pas se protéger. Pour certains, les préservatifs ne sont pas confortables, car ils sont trop serrés. Pour d’autres, c’est plutôt la texture du latex qui est gênante. Néanmoins, la hausse du nombre de cas d’ITSS n’est pas uniquement attribuable au port ou non du condom.
Selon Dre Claudine Hanna, qui travaille auprès de jeunes de moins de 25 ans au CLSC Saint- Laurent, l’augmentation des infections serait aussi due au fait que le dépistage est devenu beaucoup plus accessible qu’auparavant. « Depuis que l’on utilise des tests d’urine au lieu d’insérer un coton-tige dans l’urètre, beaucoup de garçons viennent se faire dépister volontairement, explique-t-elle. On détecte donc plus de cas. »
L’apparition de nouveaux facteurs de risque explique également la hausse des cas d’ITSS. L’avènement de drogues récréatives favorise, par exemple, l’absence d’inhibition lors de contacts sexuels. Et puis, les jeunes voyagent plus qu’avant. Ces deux contextes sont propices aux relations sexuelles avec des inconnus, ce qui augmente le risque de contracter une ITSS.
Les pratiques sexuelles jouent un rôle clé dans la prolifération des cas d’infection chez les jeunes. Pour la Dre Hanna, il est clair que le risque d’infection augmente en fonction du nombre de partenaires sexuels. « La hausse des cas de chlamydia est probablement due au fait que les gens ont de plus en plus de partenaires sexuels », assure-t-elle.
La Dre Hanna fait référence au phénomène des « copains de baise » ou « amis sexuels », si populaire chez les jeunes. Il s’agit d’amis ayant des relations sexuelles entre eux, sans pour autant avoir le statut officiel de couple.
Dans ce genre de relations, les filles se sentent obligées d’accepter des rapports sexuels non protégés, car les autres amies sexuelles de leurs partenaires ne leur demandent pas de porter un préservatif. « Certaines filles se sentent isolées des autres en exigeant le condom et finissent souvent par cesser de l’utiliser », indique l’infirmière Andréa Mihailescu, collègue de Mme Maynard.
Inquiets, les jeunes ?
Les jeunes semblent peu préoccupés par les risques qu’ils courent en adoptant de telles pratiques, selon Mme Maynard. « Ils ne comprennent pas le danger, car les infections les plus répandues se soignent bien », déclare-t-elle.
C’est le cas de Kim qui, après avoir vécu le stress du diagnostic, considère maintenant son aventure comme presque banale. « Si l’on doit attraper une seule ITSS dans sa vie, c’est la chlamydia qu’il faut avoir, lance-t- elle. Ça se traite vraiment bien, j’ai été chanceuse. »
Les infirmières constatent que les jeunes ne paniquent que lorsqu’ils se retrouvent porteurs de plusieurs infections en même temps, ou quand ils sont atteints d’ITSS telles que le VIH et l’herpès génital. Des maladies dont ils subiront les conséquences toute leur vie.
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Les ITSS à l’UdeM
Les intervenants du centre de santé et consultation psychologique (CSCP) de l’UdeM constatent eux aussi une augmentation des cas d’ ITSS chez leurs patients. Mais le Centre refuse de donner des chiffres précis ou de révéler si des cas de syphilis ont été diagnostiqués sur le campus. Les étudiants de l’UdeM tendent à prendre le problème des ITSS à la légère. « Les jeunes savent qu’ils peuvent être traités. Pour eux, il suffit de prendre un antibiotique et c’est terminé », déclare l’infirmière du CSCP, Nathalie Bordeleau.