Culture

L’an dernier, lors du Grand prix de Montréal, Marilyne (dont la photo fait partie de l‘exposition) a été arrêtée parce qu’elle lisait 1984 de George Orwell. (Photo: Philippe Montbazet)

Portrait printanier

Le printemps érable a marqué les Québécois de tout âge. Son riche héritage ne manque pas d’images nous rappelant cet élan citoyen. Les photographes Darren Ell et Philippe Montbazet livrent leur version du mouvement à travers une exposition. Carré rouge : le droit de parole se tient jusqu’au 14 avril à la Maison de la culture de Côte-des-Neiges.

Contrairement aux très nombreux clichés relatant le printemps érable, on ne trouve ici que peu de photos des manifestations. Les photographes ont privilégié une approche radicalement différente du conflit étudiant. « On voulait apporter un autre regard, que ce soit différent de ce qu’on voit dans les journaux, raconte Darren Ell. On voulait laisser les étudiants s’exprimer. »

L’exposition réunit de portraits de manifestants accompagnés d’un texte que ces derniers ont eux-mêmes écrit afin de faire connaître leur point de vue. « J’ai déjà travaillé comme ça, en prenant des personnes en photo, puis en leur demandant de me raconter leur histoire pour légender leur portrait », se souvient le photographe.

Les artistes, qui désiraient mettre en scène des personnes ordinaires, ont sélectionné les étudiants au hasard, et non selon leur engagement dans le mouvement. « Quand on voit une photo de groupe de la manifestation, on ne se rend pas compte que ce sont des personnes qui y sont, avec chacune leur point de vue et leur histoire du printemps érable », juge-t-il.

Philippe Montbazet était habité du même état d’esprit. « On a préféré avoir un recul sur l’événement, et que l’étudiant se livre à nous, dit-il. On voulait une autre image que celle de l’étudiant casseur. De celui qui a quelque chose à dire, mais que personne ne veut entendre. »

« On a nommé l’exposition Carré rouge : droit de parole, pour aller dans le sens de ceux qui n’ont pas pu s’exprimer durant les manifestations », poursuit-il. Parmi les histoires racontées, on retrouve, par exemple, celle d’une étudiante qui a été incarcérée pour avoir lu 1984 de George Orwell lors du Grand Prix de Formule 1, quand la police procédait à des arrestations préventives dans le métro de Montréal. Elle s’est vu interdire l’accès au métro à cause de son livre, mais elle est quand même descendue et a été emmenée au poste de police, où elle a été mise en garde à vue toute la journée.

 

Raconter la grève

Darren Ell et Philippe Montbazet, originaires respectivement de la Saskatchewan et de la France, ont suivi sur place tout le mouvement social québécois. « On essaie de raconter l’histoire, car elle mérite d’être représentée de cette manière-là, du côté de la jeunesse », renchérit Philippe Montbazet. Ils affirment qu’ils trouvent que tout ce qui a découlé du printemps érable est positif, notamment la façon dont la société a évolué depuis.

Dans le livre d’or de l’exposition, on peut lire beaucoup de remerciements de la part des visiteurs. Certains saluent la manière dont les photographes racontent les manifestations, d’autres, le portrait qu’ils dressent de cette génération qui a trop souvent été critiquée dans les journaux. « On voit des gens qui ont des idéaux, des visions du monde très concrètes, soutient M. Ell. Il y a une énorme conscience politique et sociale derrière tout ça, et les médias n’en ont que trop peu parlé. » Il se dit fier d’illustrer cette partie de l’histoire.

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