Volume 20

Dans les coulisses de la CLASSE

Paru le 22 mars, le livre De l’école à la rue propose une plongée au coeur de la grève étudiante du printemps dernier. Coécrit par deux anciens de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), Renaud Poirier St-Pierre et Philippe Éthier, cet ouvrage revient sur les difficultés rencontrées par la Coalition et sur les tournants du conflit.

La mobilisation étudiante monstre du printemps érable n’est pas le fruit d’un heureux hasard selon l’ex-attaché de presse de la CLASSE, Renaud Poirier St- Pierre. «Tout avait été pensé au sein de la CLASSE, même la durée de la grève», évoque-t- il d’emblée dans les locaux de Molotov, la coopérative de communications pour laquelle il travaille désormais.

L’ouvrage propose de scruter le conflit étudiant sous la loupe de la CLASSE et de recenser les stratégies utilisées par le mouvement étudiant pour pousser à l’action. «Ce livre est une première piste de réflexion pour les militants en devenir», résume-t-il.

Pris entre deux feux

Dans les quelque 200 pages du livre, les anciens militants de la CLASSE insistent sur l’exercice de gymnastique médiatique à laquelle les coporte-paroles de la CLASSE, dont Gabriel Nadeau-Dubois, ont dû se livrer lors du conflit. « Nous devions constamment jouer entre deux feux: l’opinion publique et le congrès, explique M. Poirier St-Pierre. Nous devions être capables d’ajuster notre discours pour parler à la population sans décevoir nos délégués.» L’ouvrage révèle que le comité médias de la CLASSE préférait utiliser un langage plus courant que militant dans les médias pour bien se faire comprendre.

«La CLASSE a dû travailler dans un environnement médiatique qui lui est a priori hostile, relatent les coauteurs dans leur livre. Car ses fondements idéologiques s’émancipent des idées établies depuis longtemps dans la société québécoise.»

M. Poirier St-Pierre, qui milite aujourd’hui au sein de Québec Solidaire, réfute fermement l’idée de toute tentative de manipulation. «Nous étions là pour tenter de convaincre, mais tout le monde était libre d’adhérer ou non à ce qu’on avançait», se défend le jeune homme de 23 ans. Faire comprendre aux gens que la CLASSE n’a jamais eu de chef a été difficile pour les deux militants lors du conflit, et l’est encore aujourd’hui.

«La structure de la CLASSE est différente de celle des fédérations étudiantes qui élisent des présidents pour les représenter à la manière d’une fédération de motocyclistes, laisse entendre M. Poirier St-Pierre, qui a été le bras droit de Gabriel Nadeau- Dubois pendant le conflit. Gabriel a joué un rôle important sur la place publique, mais il demeurait très controversé au sein du congrès.»

Un mouvement imprévisible

Tout était planifié et coordonné au sein de la CLASSE, mais jusqu’à un certain point selon M.Poirier St-Pierre. Au départ, l’organisation croyait que la grève ne durerait que huit semaines. Au final, elle s’est étalée de février à septembre 2012.

«À un moment, le mouvement est devenu autonome, rappelle-t-il. La CLASSE devenait alors un petit gouvernail de la grosse machine, mais ne contrôlait pas grand chose en fait.» Pour lui, le fait qu’un mouvement social s’autonomise est le signe que la mobilisation est à son comble.

Le jeune homme confie qu’il a parfois eu peur que le mouvement prenne une tournure impromptue. C’est le cas le 4 mai 2012, lorsque les manifestants et les policiers se sont livrés à de violents affrontements à Victoriaville, en marge du conseil national du Parti libéral du Québec. «Nous pensions qu’il y avait des morts, se souvient M. Poirier St- Pierre, visiblement touché. Nous étions inquiets pour notre mouvement en tant que tel, car cela le faisait passer à un autre niveau s’il venait à y avoir des morts.» Ce type d’anecdotes se retrouve très peu dans l’ouvrage des deux anciens de la CLASSE bien qu’il promette de faire rentrer le lecteur dans les coulisses de la grève. «Plus d’anecdotes n’aurait rien ajouté de plus à la compréhension », justifie M. Poirier St-Pierre.

Victoire du mouvement, ou pas ?

De l’école à la rue a été écrit pendant l’été 2012. M. Poirier St-Pierre pense toujours que la grève est «victorieuse» même après l’indexation des frais de scolarité décidée à l’issue du Sommet sur l’enseignement supérieur de février dernier. «La grève contre la hausse des droits de scolarité de Jean Charest est une réussite, répond-il, sans la moindre hésitation.

Maintenant, il doit y avoir un nouveau mouvement contre l’indexation de Pauline Marois. Ce sont deux luttes différentes.» Le manuscrit n’a pas été lu par la CLASSE, et n’engage donc que les deux auteurs. «C’est comme une biographie non autorisée », qualifie M. Poirier St-Pierre, le sourire aux lèvres.

M. Éthier et lui ne sont pas les seuls à ressentir le besoin de prendre la plume. Le conflit étudiant fait, en effet, couler beaucoup d’encre chez les anciens acteurs du mouvement étudiant québécois. Alors que la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, Martine Desjardins prévoit coucher sa version des faits sur papier sous peu, le bilan du conflit dressé par Gabriel Nadeau-Dubois paraîtra en octobre prochain.

De l’école à la rue : Dans les coulisses de la grève étudiante, Renaud St-Pierre et Philippe Éthier, éditions Écosociété, 224 pages, 18 $

 

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Éclairant

Bien que De l’école à la rue soit sous-titré Les coulisses de la grève étudiante, il prend davantage la forme d’un mémoire universitaire que d’un récit anecdotique sur le conflit étudiant. Les auteurs prennent bien soin de situer leur analyse du mouvement étudiant par rapport aux idées de deux grands théoriciens politiques du XVIIe et du XXe siècle, Thomas Hobbes et Antonio Gramsci. Mais, au final, ces perspectives théoriques alourdissent le texte, plus qu’elles ne le servent.

Le livre permet toutefois de démystifier la structure et les fondements idéologiques de la CLASSE, tout en jetant un regard critique sur le fonctionnement des médias et du gouvernement dans notre société actuelle. L’ajout d’anecdotes sur certains moments clés du conflit rythme le texte, bien que les auteurs auraient pu en donner davantage.

 

Crédit photo: Pascal Dumont

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