Culture

Quatre comédiens ont interprété le texte écrit par les jeunes d'Espace Transition. (Photo: Coraline Mathon)

Le théâtre comme thérapie

L’étudiante en psychologie à l’UdeM Élyse Porter-Vignola s’est alliée à Pénélope Bourque, une étudiante à l’École nationale de théâtre, afin de monter un atelier de théâtre pour les jeunes atteints de troubles psychologiques. La pièce La lumière au bout du tunnel ou l’Exode des loutres a été présentée au CHU Sainte-Justine le 25 février dernier.

La pièce de théâtre a été réalisée dans le cadre du projet Espace Transition, qui favorise la réinsertion sociale de jeunes souffrants de troubles psychiatriques stabilisés, comme la schizophrénie et les troubles alimentaires ou de la personnalité. Basé sur la créativité, Espace Transition leur propose de se réunir dans un milieu non thérapeutique afin de développer leur côté artistique.

Accompagnés d’artistes professionnels, les jeunes participent à des activités telles que le cirque, le cinéma, l’acrobatie ou le théâtre. L’une des particularités des groupes de jeunes est qu’ils sont composés de patients et de non-patients. « On travaille avec le principe du non-étiquetage, explique Élyse Porter-Vignola. Personne ne sait qui est un patient et qui n’en est pas un. Même les intervenants ne le savent pas.Ainsi, tout le monde est traité de la même manière, sans aucune distinction. »

Dans le cadre de huit ateliers de 90 minutes, un groupe de jeunes a rédigé le texte de 90 pages de la pièce La lumière au bout du tunnel ou l’Exode des loutres. Les instigatrices du projet n’ont imposé aucun choix artistique. Les jeunes, patients et non-patients, étaient libres de dire ce qu’ils voulaient, peu importe leurs idées. « Au début, on ne faisait que des discussions que l’on retranscrivait, se rappelle Élyse. Vers la troisième séance, nous avons ressorti des thèmes grâce aux discussions précédentes, et ensuite, les jeunes improvisaient pour faire avancer l’action. »

Pénélope Bourque et Élyse Porter-Vignola se sont inspirées d’un exercice auquel Pénélope s’était livrée à l’École nationale de théâtre, où elle étudie. Les deux jeunes femmes cherchaient à conceptualiser l’« effet miroir ». « L’idée est de partir de la formulation exacte des phrases dites en atelier pour ensuite les intégrer comme telles à la pièce pour être le plus près possible de l’originale », précise Pénélope Bourque.

 

Une vraie mise en scène

Pour les instigatrices du projet, il était important de faire une représentation publique aussi professionnelle que possible. « Pour que l’effet miroir fonctionne, il fallait que ce soit une tierce personne qui joue », soutient Élyse. « Avec une représentation publique, les jeunes peuvent se réapproprier la pièce, ils peuvent sentir les réactions du public, ce qui donne un plus grand impact », complète Pénélope.

La pièce de théâtre a donc été jouée par quatre acteurs professionnels. « Toutes les répliques devaient être exactement les mêmes que celles dites par les jeunes dans les ateliers, explique Élyse. Les acteurs devaient alors prendre des intonations différentes à diverses reprises pour faire ressentir ce melting pot. »

Le metteur en scène professionnel choisi avait une seule consigne, celle de respecter les phrases à la virgule près. Une mise en scène épurée, avec pour seul décor deux chaises, mettait en valeur le texte plutôt que la forme. Les acteurs lisaient le texte et basaient leur jeu sur des intonations ainsi que sur de nombreux silences. « Ce sont surtout les pauses qui m’ont fait apprécier la pièce, évalue une étudiante au secondaire qui participe au projet. Elles permettent de mettre l’accent sur ce que l’on n’aurait pas remarqué au premier abord. »

 

Un succès dans la salle

La jeune fille avait déjà fait une activité avec Espace Transition, tout comme les autres participants. Leur intérêt commun pour l’écriture les a réunis pour la création de La lumière au bout du tunnel ou l’Exode des loutres.

« C’est l’histoire d’un couple qui vit après une apocalypse et qui décide de créer un couple imaginaire pour se sentir moins seul. Finalement, l’histoire inventée se mélange à la réalité et les deux couples doivent alors apprendre à vivre ensemble », raconte-t-elle.

Les huit jeunes dramaturges, assis dans la première rangée, se retournaient fréquemment pour observer les réactions du public. « C’est toujours très valorisant pour soi de voir un public réactif, mais ont a toujours peur que les gens réagissent mal », ajoute la jeune participante.

L’engouement du public a surpris Élyse et Pénélope, qui n’avaient pas prévu que le spectacle ferait salle comble au CHU Sainte-Justine. 

 

Une visée médicale

En plus d’initier des jeunes au théâtre, l’atelier d’Espace Transition sert à faire de la recherche en psychologie. Quelque temps après la représentation, la psychologue rencontre les jeunes pour évaluer les conséquences de l’atelier sur leur métacognition, c’est-à-dire la capacité des patients à réfléchir à propos de leurs propres pensées.

Élyse Porter-Vignola constate déjà les effets positifs du mélange des patients et des non-patients. « Le fait qu’ils soient dans le même groupe permet de déstigmatiser les troubles psychologiques, estime-t-elle. Bien qu’ils ne sachent pas ce dont les autres sont atteints, ils créent des liens.Ce que l’on appelle une zone proximale se développe entre les jeunes. Les patients se retrouvent avec des non-patients de leur âge avec qui ils ont des points communs. Ceci peut les aider à se confier ou à avancer»

Au moment de rédiger cet article, il est encore trop tôt pour savoir si l’exercice aura des répercussions thérapeutiques sur les jeunes patients. 

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