La musique alternative est une catégorie fourre-tout. Les artistes The Black Keys, Beck et Bon Iver y ont tous été classés aux Grammy Awards, même si leurs styles musicaux sont différents. Au Québec, des artistes qui vendent des dizaines de milliers d’albums, comme Pierre Lapointe, Karkwa et Lisa LeBlanc, passent tous abondamment à CISM, qui se targue pourtant d’avoir un mandat alternatif.
On peut définir la musique alternative comme l’opposition de la musique mainstream, un produit au goût du jour qui vise le grand public. « Cette musique implique une démarche artistique originale, explique le directeur de la programmation de CISM, Étienne Dubuc. Le musicien doit toujours être à l’avant-garde. »
Le fondateur et directeur du festival montréalais de musique indépendante Under The Snow (voir encadré), Jean-François Rioux, est du même avis. « C’est une musique qui, même dans le cas où elle est très simple, doit toujours être audacieuse. » M. Rioux organise son festival depuis maintenant neuf ans en gardant cette idée en tête.
Du post-rock au black métal, en passant par le folk, Under The Snow met de l’avant des artistes qui ont une démarche originale. Parmi ceux-ci, on retrouve l’auteur-compositeur-interprète pop rock Thierry Bruyère, qui sera en spectacle à la Taverne Jarry le 8 mars prochain. « Quand j’écris, je ne me pose pas la question, à savoir si c’est alternatif ou pas, la musique que je fais », dit-il.
Il croit que les artistes alternatifs les plus influents peuvent éventuellement entrer dans le monde de la pop. « Des artistes comme R.E.M. ou Beck sont devenus des porte-étendard de la musique alternative, observe-t-il. Ils ont pourtant vendu des millions d’albums. »
Plus encore, M. Dubuc croit que ces artistes établissent de nouveaux standards à la musique pop. « Les Black Keys sont un bon exemple, croit-il. Ils ont aidé à populariser le style blues rock. » Même chose du côté d’artistes québécois, comme Karkwa et Pierre Lapointe, qui ont imposé leur son. « Ce sont des artistes audacieux qui jouent sur la ligne entre le pop et l’alternatif, ajoute-t-il. C’est pour cette raison qu’on les fait encore jouer à CISM. »
Entre deux chaises
Chaque année, l’équipe de programmation d’Osheaga recherche ce genre d’artistes qui sont « assis entre deux chaises ». À sa première édition, en 2006, le plus important festival alternatif à Montréal misait sur des têtes d’affiches de type rock alternatif, comme Sonic Youth et Flaming Lips. Il y a deux ans, le festival a invité la méga star du hip-hop Eminem. Une évolution naturelle selon les organisateurs. « Il y a tellement de choses qui ont changé depuis le milieu des années 2000, indique l’une des programmatrices, Evelyne Côté. Maintenant, la différence entre quelque chose d’alternatif et de mainstream, ça peut être 24 heures. » Elle donne comme exemple le producteur dubstep Baauer, qui était inconnu avant que sa chanson « Harlem Shake » ne devienne populaire, il y a quelques semaines.
La programmation d’Osheaga 2013, qui sera dévoilée à la mi-mars, pourrait suivre cette tangente plus commerciale. « On a même déjà considéré Beyoncé, avoue Mme Côté. Le but, c’est d’avoir un équilibre entre la pop bonbon et tout ce qui est plus underground. On recherche quelque chose de cohérent. Mais on n’ira pas ajouter Beyoncé ou Christina Aguilera à la programmation parce que les fans de ce genre de musique n’ont pas nécessairement le goût d’être dans un champ à boire de la bière. »
De son côté, M. Rioux n’a pas l’intention d’amorcer un virage pop pour attirer plus de spectateurs à son festival. « On fait à notre tête, dit-il. On fait avec ce qu’on peut, vu qu’on n’est pas subventionné et qu’on ne peut pas aller chercher de grosses têtes d’affiches. De toute façon, j’aime mieux aller voir des spectacles dans de petites salles à moitié pleines que d’aller à Osheaga. »
Il considère tout de même que le festival du parc Jean-Drapeau est respectable, avec une programmation qui, selon lui, contient 75 % de musique alternative. « Le problème est autour, dit-il. On tue l’essence d’un festival alternatif avec des billets à 100 $ et des kiosques Bell partout. » Dans cette optique, Under The Snow propose des passeports pour tout le festival à 25 $.
Pour sa part, Thierry Bruyère garde son côté alternatif en se renouvelant constamment. « Je me mets continuellement des limites pour ne pas que ma musique soit trop pop, indique-t-il. Je ne veux pas dénaturer mon son. »
CISM, quant à elle, s’impose une programmation musicale alternative stricte. « On se met fréquemment des limites, indique M. Dubuc. Par exemple, on a refusé de faire jouer les nouveaux albums des Cowboys fringants parce qu’ils n’étaient moins avant-gardistes que les autres. Il faut toujours être aux aguets et repousser les limites de notre programmation. »
C’est donc un travail de remise en question constant que les acteurs du microcosme alternatif doivent exercer s’ils veulent continuer d’être à l’avant-garde des tendances musicales.
Under The Snow : de la musique indépendante dans une ambiance intime
Du 7 au 10 mars prochain, le festival de musique indépendante Under The Snow 2013 propose une dizaine de spectacles d’artistes locaux et internationaux dans plusieurs salles montréalaises, dont le Quai des Brumes et la Taverne Jarry. « Notre mandat est de faire découvrir des artistes dans un contexte intime », explique le fondateur et directeur du festival, Jean-François Rioux.
Créé il y a neuf ans pour palier le manque d’événements alternatifs pendant la saison morte, le festival jouit d’une popularité grandissante, comme en témoigne le nombre croissant de spectacles et de salles où les présenter.
Cette année, on retrouve, parmi les têtes d’affiche, l’auteur-compositeur-interprète de folk alternatif Hayden, qui sera de passage à la Sala Rossa le 8 mars. « Je suis un fan depuis ses débuts, dans les années 1990, raconte M. Rioux, également animateur de l’émission Les criquets crinqués à CISM. C’est un genre de petit Elliott Smith canadien. »