Mozart, Liszt ou encore le pianiste québécois André Mathieu sont à la fois des grands noms de la musique classique, mais également ce que l’on appelle des prodiges. Un concert-conférence a pris place le 19 janvier dernier à la salle Claude Champagne à l’UdeM pour tenter de démystifier cette précocité artistique.
« Il faut se méfier des termes comme “jeunes prodiges” ou “surdoués”, met en garde l’agent de recherche à l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM) et l’un des conférenciers, Danick Trottier. On peut imaginer à tort que ces individus n’ont besoin d’aucun travail pour réussir à jouer des morceaux complexes. »
Il faut faire la distinction entre le talent et le talent d’exception. « Avec le talent d’exception, le jeune franchira les étapes beaucoup plus rapidement, à sept ou huit ans, il pourra être capable de se mesurer à un répertoire adulte, mais surtout, il sera capable de d’exceller sur scène », explique M. Trottier, également chargé de cours à la Faculté de musique de l’UdeM.
Plusieurs signes peuvent indiquer la précocité artistique chez un enfant. « Il s’agit d’un enfant qui démontre beaucoup d’intérêt pour la musique, mais qui sera aussi également capable de reproduire au piano la musique qu’il entend entre les trois et six ans, rapporte Danick Trottier. Mais beaucoup d’enfants vont s’intéresser à la musique sans pour autant développer une capacité particulière. »
« Les enfants dotés de précocité artistique font preuve d’une concentration incroyable, ajoute le directeur du Conservatoire de Melbourne, Gary McPherson. Ils peuvent jouer des heures au piano contrairement à des jeunes enfants sans ces facultés. »
La conférence s’est développée autour de ce qui définit le talent. « La chimie particulière qui compose la virtuosité est encore un sujet mystérieux », avoue Danick Trottier. Cependant, certains facteurs sont indispensables pour développer ce don comme le maintien de la motivation, la pratique, mais aussi l’environnement familial.
« Le contexte familial est essentiel au bon développement du talent de l’enfant », ajoute le chargé de cours. L’enfant a besoin d’un encadrement et d’une attention particulière pour qu’il puisse profiter au maximum de ses capacités. Le chercheur soulève le cas d’André Mathieu pour mettre en garde sur l’implication parfois trop dure des parents. « On peut se demander ce qu’implique le fait que les enfants vivent une vie d’adulte, dit-il. Très tôt, André Mathieu avait beaucoup de pression. »
L’exemple de Tiffany Poon
La pianiste d’origine hongkongaise Tiffany Poon, âgée de 16 ans, a offert un concert qui servait d’illustration aux propos de Danick Trottier et de Gary McPherson. La jeune fille a manifesté son intérêt pour la musique dès l’âge de trois ans, lorsque ses parents lui ont offert un petit piano.
« À 8 ans, elle est entrée à l’école de musique Julliard, à New York. Avec 18 heures de pratique par semaine, Tiffany Poon atteindra entre 15 000 et 20 000 heures de travail à ses 19 ans », énonce Gary McPherson avant de laisser la scène à la pianiste pour une interprétation d’œuvres de Beethoven, de Chopin, mais également de Mathieu.
Si la prestation de l’adolescente a été acclamée par le public, elle a suscité des questions chez l’étudiant au doctorat en musicologie Federico Lazzaro. « Elle joue bien même si on dirait qu’elle n’aime pas ce qu’elle fait », pense-t-il.
Lors du concert-conférence, beaucoup d’enfants étaient présents. Tiffany Poon pourrait être « une source de motivation » pour eux d’après Federico.
Le concert-conférence a été filmé et sera disponible sur le site internet du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS). Cette journée d’étude aura au moins permis d’enlever certains faux-semblants. « Les gens n’ont pas forcément besoin d’avoir un talent d’exception pour arriver au même niveau, ils leur faudra juste plus de travail », conclut Federico. Les conférenciers n’ont toutefois pas répondu à toutes les questions que l’on se pose sur ce thème mystérieux.