Les films « pur bonheur » et leur effet thérapeutique

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Par Anaïs Amoros
mercredi 1 décembre 2021
Les films
Visionner des « films pur bonheur » pousserait le cerveau à ressentir les émotions positives que ces derniers véhiculent. Crédit photo : Samira Rahi, Unsplash
Visionner des « films pur bonheur » pousserait le cerveau à ressentir les émotions positives que ces derniers véhiculent. Crédit photo : Samira Rahi, Unsplash
«Les films remplissent nos vies et vos vides. lls nous permettent de nous focaliser sur autre chose.» Lionel Cailhol
«Les films remplissent nos vies et vos vides. lls nous permettent de nous focaliser sur autre chose.» Lionel Cailhol

Combien d’étudiants et d’étudiantes peuvent se vanter de ne pas succomber chaque année à l’envie de revoir les traditionnels Breakfast at Tiffany’s de l’Américain Blake Edwards, sorti en 1961, Love Actually du Britannique Richard Curtis, sorti en 2003 ou encore Little Miss Sunshine des Américains Valerie Faris et Jonathan Dayton, sorti en 2006 ?

L’Office québécois de la langue française traduit l’expression américaine Feel-Good Movies par « Films pur bonheur ». Selon le dictionnaire Collins, ces films présentent la vie et leurs personnages de façon à rendre le public heureux et optimiste. Ils sont couramment décrits comme des films qui transportent les spectateurs et spectatrices dans un univers confortable et rassurant, qui fait rire et rêver.

Un « airbag émotionnel » contre la dépression saisonnière

« Pour moi, l’arrivée de l’hiver, c’est toute une ambiance qui tourne autour de Noël, et bien sûr les Feel-Good Movies en font partie intégrante », témoigne l’étudiante en première année au baccalauréat en sociologie Célia Bussière. Regarder des « films pur bonheur » en hiver serait aussi inscrit dans la culture populaire, d’après elle. « Pour moi, regarder des Feel-Good Movies en hiver, et plus particulièrement à l’arrivée de Noël, ça va de soi, poursuit l’étudiante. C’est comme regarder des films d’horreur à l’Halloween. »

Les saisons automnale et hivernale entraîneraient un changement d’humeur chez 80 % à 90 % de la population, selon le professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de la Faculté de médecine de l’UdeM Lionel Cailhol. « La lumière est un facteur qui maintient notre bonne humeur, rappelle-t-il. Nous sortons moins, nous voyons moins de monde, etc. Plusieurs facteurs en cette saison font en sorte que notre humeur commence à diminuer. » Une injection de sérotonine et de dopamine.

« Nous avons des neurones miroirs qui permettent de comprendre des choses à travers les mimiques faciales des personnages du film, explique M. Cailhol. Nous comprenons leur état mental et leurs émotions, et nous les ressentons. » Ainsi, chimiquement, le cerveau recevrait des «?molécules du plaisir?» telles que la sérotonine et la dopamine. « Au lieu de sauter en parachute ou d’avoir une relation chaleureuse avec un être de chair et d’os, illustre le psychiatre, je vais vivre à travers le film cette émotion et mon cerveau va être dupé par les images. » 

La distraction est, selon le professeur, utilisée dans certaines thérapies. « L’une des stratégies les plus simples, pour quelqu’un qui ressent une émotion négative, est d’amener son cerveau à faire attention à autre chose, révèle-t-il. Les films remplissent nos vies et vos vides. Ils nous permettent de nous focaliser sur autre chose. » 

La satisfaction des happy ends

Chaleur, réconfort et rêverie sont ce qu’offrent les scénarios des « films pur bonheur » et ce qui explique qu’ils fassent du bien, selon l’étudiante en troisième année au baccalauréat en études internationales Jade Serieys. « Ils nous donnent à voir ce qu’on veut voir et c’est pour ça qu’on les aime tant », estime cette dernière.

« Nous savons toujours comment ça va se terminer, mais c’est ça aussi que nous recherchons et qui nous permet réellement d’accéder à la détente, ajoute Célia Bussière. Ils offrent un moment de divertissement pur. » M. Cailhol confirme l’effet rassurant pour le public de retrouver une histoire dont il connaît le scénario et, plus largement, les films du même genre. « Même quand on n’a jamais vu le film, il y a des étapes, comme dans un conte, poursuit-il. Nous savons comment ça va se passer. »

Effet madeleine de Proust

« Ils donnent envie d’être en famille », juge également Célia Bussière. L’effet émotionnel des « films pur bonheur » sur les spectateurs et spectatrices ne s’arrêterait pas qu’à la détente et au réconfort, selon les deux étudiantes : ils susciteraient également de la nostalgie. « Ils donnent envie de retourner en enfance, à la période où l’on croyait encore au père Noël et au prince charmant », déclare Jade Serieys.

M. Cailhol approuve le fait que revoir des films vus dans l’enfance aurait un effet « madeleine de Proust ». « J’ai souvent entendu des patients revisiter leur propre mémoire, en revoyant un film visionné dans l’enfance, mentionne-t-il. Le film réactive des souvenirs autour de lui, comme le temps des Fêtes, comment ça se passait avec les parents, etc. » Le professeur révèle également un aspect social bénéfique à ce genre de film. « Ils permettent de créer du lien, indique-t-il. Ils racontent des histoires sociales dans lesquelles nous nous retrouvons, et offrent la possibilité d’en parler. »

Il note toutefois une limite à ce phénomène. « Si je fais du binge watching [NDLR : regarder des films de façon excessive] une fois par an, ça ne fait pas de mal, relève le professeur. Si c’est toutes les cinq semaines, probablement que c’est un symptôme de malaise. »

POUR UN EFFET «PUR BONHEUR» AMPLIFIÉ

• S’installer confortablement dans son canapé avec une doudou ou un plaid.

• Se réchauffer les mains avec un chocolat chaud, un thé, une tisane ou toute autre boisson chaude réconfortante.

• S’armer de chocolats ou de tout autre plaisir sucré (ou pas).

• Mettre du linge mou et des bas chauds.

• Éteindre son téléphone, ignorer toute autre sollicitation externe et surtout profiter du moment.

TROIS NOUVEAUX «FILMS PUR BONHEUR» À DÉCOUVRIR

Love Hard, une comédie romantique réalisée par le Costaricien Hernán Jiménez. Après avoir parcouru 5000 km pour surprendre à Noël un homme dont elle a fait la connaissance sur une application mobile, une journaliste réalise qu’elle s’est fait duper… Disponible sur Netflix depuis le 5 novembre dernier.

Encanto : la fantastique Famille Madrigal, un film d’animation des studios Disney réalisé par les Américains Byron Howard et Jared Bush. Dans la famille Madrigal, tout le monde est béni, sauf Mirabel. Alors que leur maison tombe en ruine et que la famille commence à perdre ses pouvoirs, Mirabel cherche un moyen de sauver la situation. En salle depuis le 24 novembre.

Au revoir le bonheur, une comédie réalisée par le Canadien Ken Scott. Quatre frères rendent hommage à leur père en déposant ses cendres dans la maison familiale située aux Îles-dela-Madeleine. Mais tout ne se passe pas comme prévu. En salle dès le 17 décembre