Pour éviter de vous perdre à travers la horde infinie de palmarès de fin d’année, Quartier Libre vous a concocté un harmonieux ramassis d’albums québécois marquants.
(avec la collaboration de Vincent Allaire, Maxime Desroches et Mathieu Mireault)
FOLK/COUNTRY
Avec pas d’casque – Astronomie
Le quatrième album du quatuor folk Avec pas d’casque est un pur bijou. Il a été encensé par la critique québécoise. Les chansons alternent entre folk rock lo-fi et complainte western atmosphérique accompagnée de slide guitar. Chaque nouvelle écoute fait découvrir les subtilités des arrangements minimalistes. Les effets sonores, le trombone et la présence d’instruments inusités (gazou, verres de plastique) viennent ponctuer tout doucement une ambiance de feu de camp contemplative, ce qui rappelle l’album For Emma, Forever Ago de Bon Iver. Les paroles oscillent avec adresse entre mélancolie et humour («Maintenant que tu as pris mari/qu’les enfants t’sortent de tous les bords»). Bref, c’est un album essentiel. (V. A.)
http://avecpasdcasque.bandcamp.com/album/astronomie
Canailles – Manger du bois
Après une tournée au Québec et l’expérience des Francouvertes l’an dernier, les Canailles ont confirmé qu’ils étaient des bêtes de scène, capables de faire lever bien des foules réticentes au country. Le pari de l’album était risqué après un premier maxi moins convaincant en 2011. Bonne nouvelle, Manger du bois transpose l’énergie scénique des huit instrumentistes. Les chansons énergiques, la cohésion du groupe et la réalisation habile du touche-à-tout Socalled rendent justice aux spectacles hauts en couleur. Les influences sont nombreuses. «La route» et «Bien-être» mettent de l’avant des accordéons style cajun, tandis que « Ramone-moi » conjugue une énergie gospel à un harmonica au souffle blues. (O. B.-M.)
http://canailles.bandcamp.com/
ROCK
Louis-Jean Cormier – Le Treizième Étage
En près de 15 ans comme chanteur-guitariste de Karkwa, Louis-Jean Cormier nous a convaincu à plus d’une reprise de son talent de compositeur, grâce à des textes prenants. Dans son projet solo Le Treizième Étage, paru en septembre, Cormier a fait la démonstration de sa polyvalence musicale en se consacrant à un nouveau registre, celui du folk-rock, tout en misant sur la sensibilité et la fluidité de ses textes, partie intégrante de l’héritage de Karkwa. La plume franche et décidée, moins abstraite et métaphorique, a pavé la voie à certaines des pièces les plus poignantes de 2012 («Un Monstre», «Le Coeur en Téflon») et à des mélodies qui trottent longtemps dans la tête (« La Cassette », « L’Ascenseur»). (M. D.)
Godspeed You! Black Emperor – Allelujah! Don’t Bend! Ascend!
Le groupe montréalais de post rock instrumental nous revient après plus d’une décennie avec un album en parfait synchronisme avec l’ère du temps. Le printemps érable teinte l’ensemble de l’oeuvre. Les deux pièces électros y font référence («Their Helicopters’Sing» et «Strung Like Lights At Thee Printemps Erable»). Les casseroles résonnent à la fin de « Mladic », une pièce sublime, puissante, infernale, avec une pointe de nostalgie, longue de 20 minutes. «We Drift Like Worried Fire», toute aussi longue, fait renaître l’espoir avec un long crescendo. Les remerciements incluent Anarchopanda, un carré rouge et des phrases comme «Fuck la loi 78». Godspeed appelle à l’émancipation. Comment ? Écouter l’album. (V. A.)
http://www.guardian.co.uk/music/musicblog/2012/oct/08/godspeed-you-black-emperor-stream
ÉLECTRO
Purity Ring – Shrines
Avec un seul album, le duo montréalais d’adoption Purity Ring a réussi à se forger un style unique et reconnaissable. Il offre un harmonieux mélange électronique de rythmes lents inspirés du hip-hop et de notes de synthétiseurs planantes, gracieusetées du multi-instrumentiste Corin Roddick. Le tout est rehaussé par la voix douce et éthérée de la chanteuse Megan James, qui rappelle celle d’Alison Goldfrapp du groupe londonien synth-pop du même nom. Sur « Belispeak », les basses lourdes sont à l’avant-plan, tandis que « Cartographist » propose une ambiance plus minimaliste. L’en semble est froid avec des relents de dubstep. Les textes sont impressionnistes et sombres. Les beautés de la nature y sont évoquées pour créer une ambiance incertaine et lugubre. (O. B.-M.)
http://grooveshark.com/#!/album/Shrines/7796368
Artist of the Year – Up Yours
Peu de choses ont changé pour Artist of the Year même si quatre ans sépare Up Yours de leur précédent opus. Leur son est chargé de la même énergie électrisante qui leur a assuré un succès d’estime dans l’underground montréalais. L’album s’écoute comme un hymne à la bonne humeur et aux partys sans lendemains. Des pièces telles que «Wow» et «Blow The House Down» sont infusées de guitares funky et de son de basses grasses. D’autres pièces, telles que «I Just Wanna Ride A Unicorn» et «Manhunt», incorporent des synthétiseurs à leur mélodie, ajoutant une teinte de kitsch à l’oeuvre. L’influence de groupes comme Justice ou Chromeo est palpable. Attention, écouter Up Yours à répétition peut mener à des sensations de lendemain de veilles intenses. (M. M.)
http://artistoftheyear.bandcamp.com/music
HIP-HOP
Loud, Lary, Ajust – Gullywood
Certains albums dépeignent avec justesse l’idéologie derrière une sous-culture. En mai, Gullywood, le premier effort de Loud, Lary, Ajust, nous plongeait tout droit dans le monde du hipster rap montréalais. Dès les premières notes d’«Outremont », on dénote chez les rappeurs une superficialité tellement évidente qu’on la devine totalement assumée et dérisoire. Le luxe, les drogues, les bagnoles, les vedettes (James Hyndman, Kur t Cobain, Ryan Gosling, Rick Ross) sont évoqués d’une manière éclatée et parfois inspirée du jargon franglais d’Alaclair Ensemble. Les musiques d’Ajust sont dignes de celles des grands beatmakers américains. On pense, entre autres, à « Jeunes filles » et «Héros ». (M. D.)
http://gullywood.bandcamp.com/album/gullywood
Kaytranada – Kaytra Nada
En 2012, Kaytranada (anciennement Kaytradamus) a connu l’année la plus importante de sa vie, d’un point de vue artistique. Le membre du collectif Alaiz a fait paraître trois beat tapes, en plus de produire le premier album d’Ogden d’Alaclair Ensemble et de participer à Osheaga. Paru en février 2012, Kaytra Nada est une bonne façon d’entrer dans l’univers de ce producteur d’à peine 20 ans. Alors que les basses abondent sur «SUM1», des sonorités funky se glissent sur «Untitled (85)» et des sonorités rock 80s se retrouvent sur «Wackloop». Le producteur se fait plaisir en échantillonnant des musiques haïtienne et autochtone. L’exercice de style est cohérent dans la mesure où Kaytra utilise toujours des rythmes francs et privilégie les chansons de courte durée. (O. B.-M.)
http://kaytradamus.bandcamp.com/album/kaytra-nada
vLooper – Snowloops
Membre du collectif hip-hop Alaclair Ensemble , vLooper présente Snowloops, première parution officielle de MusicIsMySanctuary.com, blogue musical montréalais. Avant tout une ode d’amour pour sa fille qui vient de naître, l’album s’écoute comme une berceuse réconfortante. Caractérisé par le son piu piu montréalais – musique électronique expérimentale dont vLooper est l’un des précurseurs –, l’album explore divers registres sonores. La première chanson «DayNite» mélange avec grâce le jazz et les effets électroniques, un peu comme le fait le musicien californien Flying Lotus. La pièce «Honey Rosted» commence sur des airs de disco et se transforme en air de bossa-nova funky, tandis que la pièce « Bag Lady » explore un registre plus soul. (M. M.)
http://musicismysanctuary.bandcamp.com/album/snowloops
High Klassified – Flexury
Le Lavallois High Klassified est membre du collectif Alaiz, qui regroupe une vingtaine de beatmakers/rappeurs locaux avant-gardistes. Il présente son projet instrumental Flexury, une des productions hip-hop les plus intéressantes de l’année au Canada. Le producteur privilégie une instrumentation semblable à chaque chanson: des grosses basses lourdes et des rythmes lents qui cognent fort. Côté mélodique, « Grunty » et «Majie » sont des oeuvres sombres, voire terrifiantes. « Elixir » offre une mélodie plus vaporeuse, presque rêveuse. « London Flexin’» flirte avecc l ’euro-pop, tandis que « Luxury » est plus jazzy et intègre, avec parcimonie, des séquences de cuivres. (O. B.-M.)