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Votes de grève en science politique

Les étudiants en science politique ont tenu deux journées de grève les 14 et 22 novembre derniers malgré la grogne. Frustrés par un trimestre de rattrapage déjà compressé, les professeurs ont déploré le vote de grève de l’Association des étudiants en science politique et études internationales de l’UdeM (AESPEIUM).

Près de 140 étudiants ont participé à un premier vote de l’AESPEIUM le 12 novembre : 79 membres ont appuyé la tenue de deux journées de grève, 54 ont voté contre et 7 se sont abstenus. Cela représente un peu moins de 20 % des 719 étudiants membres de l’Association. Le second vote du 19 novembre portait sur la légitimité du premier vote, à la suite des plaintes de manque de rigueur dans le processus et le contrôle de l’identité. La journée de grève du 22 novembre a finalement été adoptée avec un plus haut taux de participation: 131 votes pour, 94 votes contre et 12 abstentions, avec un taux de participation frôlant les 33 %.

Les professeurs du département ont communiqué aux étudiants leurs préoccupations au sujet du processus de vote qu’ils considèrent douteux et des comportements à l’égard des professeurs lors du piquetage de la journée du 14 novembre. «Dans un contexte où les professeurs ont dû organiser un trimestre de rattrapage à la suite de la grève de l’hiver dernier, et qu’ils doivent maintenant composer avec un calendrier scolaire compressé, les étudiants doivent savoir qu’ils devront assumer toutes les conséquences d’une absence éventuelle à leur cours», rapportaient les professeurs dans un courriel.

Pas d’injonction

La Direction du département a également relayé par courriel le message de sept étudiants en science politique contestant la légitimité du premier vote. Pourtant, pas question d’injonction – ces étudiants contre la grève ont préféré appeler à une plus grande participation lors de la seconde AG du 19 novembre. «[Puisque] la voie judiciaire, tout comme les interventions policières, ne sont pas les meilleures  solutions pour faire valoir nos droits, il est important de nous présenter à l’assemblée et de voter contre cette “grève” qui ne nous apportera rien du tout et qui est plutôt susceptible de nous causer préjudice.»

Habituellement, l’Association vérifie l’identité de ceux qui viennent voter en assemblée générale. Pourtant, le 12 novembre dernier, aucun contrôle d’identification n’était effectué. «L’hiver dernier, des personnes vérifiaient rigoureusement, à l’aide d’une liste de membres, que seuls les étudiants de l’AESPEIUM exerçaient leur droit de vote, affirmait l’étudiante en études internationales Jessica Bromhorst, dans une entrevue avec La Presse. Aujourd’hui, il n’y avait aucune régulation. Je trouve ça fâchant, parce que ce n’est pas démocratique.»

Un vote légitime

Le président de l’AESPEIUM, Nicolas Lavallée, reste ferme sur le fait que le premier vote était légitime. L’Association n’est pas tenue de faire un contrôle de l’identité, puisqu’elle suit les règlements généraux de sa charte étudiante, qui priment sur ceux du code Lespérance. «Si on a fait un deuxième vote, c’était pour montrer la bonne foi du conseil [exécutif], explique-t-il. Nous avions reçu une mise en demeure, donc c’était aussi une manière de nous protéger légalement.»

L’Association avait avancé sur sa page Facebook que «à la suite de discussions avec le département et les professeurs concernés par la grève, nous avons pu trouver des accommodements pour les cours et examens qui devront être déplacés.» Cette  affirmation a été démentie par le directeur du département, Éric Montpetit, et par le professeur adjoint, Jean-François Godbout. «C’est faux, affirme le professeur. Aucun de mes collègues à qui j’ai parlé n’a été contacté par l’Association étudiante au sujet de la grève pour trouver des accommodements.»

Finalement, des membres de l’AESPEIUM auraient discuté informellement au sujet d’accommodements avec quelques professeurs et non avec tous ceux concernés. «C’est vrai que ça n’a pas été le move le plus clarificateur, admet Nicolas Lavallée concernant les affirmations sur la page Facebook. Il y a eu confusion communicationnelle cette journée-là.»

Les professeurs veulent enseigner

Un professeur du Département de science politique, Augustin Simard, confie que «notre système administratif privilégie la recherche et les publications qui font rayonner l’université ». Il insiste sur le fait que prendre de nombreuses heures pour préparer un cours de qualité relève de la bonne volonté du professeur. «Le plus frustrant, c’est que, malgré tout, le peu qu’on investit dans l’enseignement se retrouve aux poubelles», ajoute le professeur. 

Il souligne que le principe de la grève contre la marchandisation de l’éducation se répercute finalement sur l’enseignement et le savoir non commercialisable. « Selon la direction de l’UdeM, on ne devrait pas prendre de temps pour préparer nos cours, ils devraient simplement fuser de nos esprits, déjà prêts, explique-t-il. La seule chose qui fait qu’on prend le temps c’est l’honneur professoral […]. Une manifestation aurait été plausible, mais je ne vois pas en quoi les étudiants expriment une solidarité en boycottant leurs cours.»

Le 14 novembre dernier, M. Simard avait l’intention de donner son cours aux étudiants qui voulaient y assister. Didier Zuniga, un des étudiants présent, a remarqué que ceux qui piquetaient étaient surtout des étudiants qui ne suivaient pas le cours en question. « Un des étudiants bloquait physiquement le professeur. [M. Simard] a prévenu qu’il ferait appel à la sécurité si nécessaire, puis il a ouvert la porte par force et il est entré dans la salle. » À ce sujet, M. Simard a dit simplement : « La démocratie d’Assemblée et ses décisions engagent seulement ses membres. Je ne suis pas engagé à ce niveau-là. »

Le Syndicat général des professeurs et professeures de l’UdeM (SGPUM) ne partage pas cette frustration. Le président, Jean Portugais, est satisfait que la direction ait finalement changé son discours concernant le piquetage et que les professeurs ne soient plus tenus de donner leurs cours lorsque les conditions pour enseigner ne sont pas réunies. «On voit que dans l’équipe du rectorat, les leçons du  printemps ont été apprises, ajoute-t-il. Quand il n’y a pas cette pression et ce climat de peur entretenu par la direction, on respecte la volonté de la démocratie. »

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