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«Je ne serai pas capable de maintenir le niveau d’excellence à l’UdeM avec les moyens de financements actuels. » – Guy Breton (Crédit photo : Pascal Dumont)

Lettre aux lecteurs : Sur la nécessité de faire démissionner Guy Breton

Dans son jugement contre Gabriel Nadeau-Dubois pour outrage au tribunal, le juge Denis Jacques a rappelé – non sans malice – les paroles de John F. Kennedy selon lesquelles «le défi à la loi [était] le plus sûr chemin menant à la tyrannie». Ce faisant, il soulignait à juste titre l’un des principes fondamentaux des démocraties modernes : pour être fonctionnelle et juste, la société de droit doit se doter de valeurs inviolables et les ériger au rang de lois sacrées. Par là, elle crée artificiellement une aune à laquelle les comportements individuels et collectifs peuvent se mesurer, se policer.

Ne pas respecter le régime démocratique dicté par ces lois revient donc, il est vrai, à admettre qu’il soit remplacé par la tyrannie des décisions et des jugements arbitraires. Véritable société dans la société, l’université possède ses propres valeurs, ses propres lois sacrées. Au fil de l’histoire, celles-ci ont tendu à se cristalliser autour de quelques principes fondamentaux : autonomie, collégialité, libre circulation du savoir, liberté totale de conscience et d’expression, respect des personnes, pacifisme, etc. 

Ces principes sont d’ailleurs ceux que l’UdeM continuait de défendre dans son « Plan stratégique » de 2011 : «Nous défendons la liberté de pensée et d’expression et l’indépendance de l’institution universitaire dans l’exercice de ses fonctions d’enseignement et de recherche. Nous reconnaissons également la valeur critique du travail intellectuel et sa fonction de vigie sociale1».

Recteur désigné (et non élu) au terme d’un processus décisionnel nébuleux2, Guy Breton est, depuis le début de sa carrière rectorale, en profond décalage avec les valeurs qu’il est censé représenter. Pire : il n’a cessé de bafouer volontairement celles-ci. De façon spectaculaire, le 16 avril 2012, il a d’abord invité, sur le campus, les agents de sécurité de la compagnie BEST, qui ont intimidé des étudiants en proférant des insultes xénophobes et sexistes, en les menaçant de viol et de passage à tabac3.

Puis, il a fait appel à l’escouade antiémeute du Service de police de la Ville de Montréal, une première fois le 5 juin 20124 et une seconde fois les 28 et 29 août 2012, deux journées au cours desquelles les policiers se sont livrés à une démonstration de force, ont changé les salles de cours en cellules de détention et ont pris une assemblée étudiante en souricière comme s’il s’agissait d’une émeute5.

De manière moins spectaculaire, Guy Breton a demandé une injonction, puis a tenté (sans succès) de l’amender afin de bannir du campus l’une des facettes les plus essentielles à la liberté d’expression, à savoir le droit de manifester. On se souvient que, pour appuyer cette demande, les représentants du recteur avaient usé d’une comparaison inusitée dans le contexte universitaire : «L’Université, comme un centre commercial, est un lieu privé, et les manifestations n’ont pas leur place sur son territoire6. »

Durant la période entourant ces deux demandes, des membres du comité exécutif de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM), principale association étudiante de l’UdeM, se sont fait arrêter pour l’unique motif d’avoir marché dans les alentours du bureau rectoral.

En outre, chacun des discours de Guy Breton divise profondément la communauté universitaire. Récemment, dans une tentative de réécriture des évènements du printemps 2012, il a par exemple minimisé l’impact de la grève dans les facultés scientifiques7, alors même que la Faculté de médecine avait mené la grève la plus longue de son histoire, et que la majorité des associations étudiantes se soient prononcées contre la hausse des frais de scolarité. Il a ainsi tenté de créer un schisme artificiel entre les divers membres de l’Université.

Enfin, on attend encore que les liens entre Guy Breton, le maire Tremblay et Frank Catania soient mis au clair. À de nombreuses reprises, le recteur de l’UdeM a donc foulé du pied les valeurs de la société dont il est le membre. Aux lois sacrées de l’université, il a substitué les choix arbitraires d’un individu qui, conscient de son illégitimité vis-à-vis de la communauté universitaire, a systématiquement opté pour la confrontation. Ce faisant, il a ouvert la voie à la remise en question de ce que l’université a toujours été et de ce qu’elle doit – impérativement – continuer à être.

Malgré le mandat qui lui a été donné démocratiquement, le bureau exécutif de la FAÉCUM répète, à qui veut l’entendre,
que la demande de démission de Guy Breton n’est d’aucune utilité, se défilant ainsi de sa principale raison d’être : représenter les mandats votés en assemblée. Divers partisans autoproclamés de la tempérance abondent en ce sens, rappelant que cela ne contribuerait qu’à jeter de l’huile sur le feu et ne résoudrait pas le problème sociétal dont Guy Breton n’est que le représentant. L’actualité nous démontre précisément le contraire.

Il y a quelques jours, un jugement exemplaire a été prononcé dans le but d’endiguer la désobéissance aux lois. Un individu, Gabriel Nadeau-Dubois, a été condamné (à tort ou à raison) au nom de la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit. En effet, le juge à l’origine de cette décision savait que sa condamnation ne s’appliquait pas à l’individu uniquement, mais qu’elle actualisait de fait l’utopie sur laquelle se fonde notre démocratie. Au nom de l’utopie des valeurs universitaires, nous, ainsi que nos représentants à la FAÉCUM à qui nous avons confié une tâche précise, avons le devoir moral, politique et juridique de condamner Guy Breton à une peine exemplaire, la démission, afin que d’autres ne soient pas tentés de violer impunément les valeurs universitaires comme il n’a eu de cesse de le faire. Il en va des principes mêmes de l’université ; de leur triomphe sur la tyrannie.

 

Julien Stout, doctorant en littérature médiévale à l’udeM

 

1. «Mission, vision, valeurs », Plan stratégique de l’université de Montréal, 2011 [en ligne] url: umontreal.ca/plan_strategique/vision/vision. html

2. Charles Lecavalier, «Guy Breton n’a pas d’amis », Quartier libre, vol. 17, no 13 [en ligne] url:quartierlibre.ca/archives0810/Guy-Breton-n-a-pas-d-amis.

3.Tiffany Hamelin, « Intimidation à l’UdeM», Quartier libre [en ligne] url:quartierlibre.ca/tension-sur-le-campus/

4. Voir «Perturbation de la remise des Prix du recteur » [en ligne] url: vimeo.com/43665055.
5.Tiffany Hamelin, «Rentrée mouvementée à l’udeM, Quartier libre [en ligne] url: quartierlibre.ca/photosrentreemouvementee-a-ludem/

6. Cité par Tiffany Hamelin, « Injonction, prise deux », Quartier libre [en ligne] url:quartierlibre.ca/injonctionprisedeux/

7. Guy Breton, «Une rentrée hors de l’ordinaire» [en ligne] url: recteur.umontreal.ca/messages-du-recteur/article/une-rentree-hors-de-lordinaire/

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