Avez-vous remarqué que la musique est essentiellement francophone lors des matchs des Carabins ? Depuis le début de la session d’automne, la direction du sport d’excellence de l’UdeM a pris la décision de diffuser 75 % de musique francophone. Une initiative qui contraste avec le Rouge et Or de l’Université Laval qui diffuse plus de 95 % de musique anglophone.
Le coordonnateur aux communications et au marketing des Carabins, Benoît Mongeon, a mis en place cette réforme musicale. «On roulait déjà à 50 % de franco dans les précédentes saisons, indique-t-il. Cette année, on voulait poursuivre dans cette lignée et donner l’exemple aux autres équipes.» Pour ce faire, M. Mongeon a fait appel à Dave Ouellet (alias MC Gilles), animateur et ex-directeur général de CISM. Celui-ci l’a mis en relation avec l’ex-directeur musical de la station, Martin Roussy, qui lui a envoyé une banque de 200 chansons francophones d’artistes émergents, passant d’Avec pas d’casque à Galaxie.
DJ Vincent Aubry est chargé de mettre la musique lors des matchs de football des Carabins depuis sept saisons. Il a bien accueilli sa nouvelle discothèque. « J’alterne les chansons moins connues avec les classiques des Colocs ou des Cowboys fringants, explique-t-il. Il faut que ça bouge évidemment. Vu le 75 % imposé, je dois être imaginatif pour éviter Marie-Chantal Toupin, Les Respectables et tout le rock de matantes.»
Le président de la Société Saint-Jean- Baptiste, qui défend la langue française au Québec, Mario Beaulieu félicite la décision de la direction des Carabins. « C’est une très bonne idée, dit-il. Des chansons d’ici auxquelles le public s’identifie créent beaucoup plus d’ambiance que des chansons américaines.»
Réactions de la foule
En général, la foule apprécie cette place accordée à la musique francophone, remarque M. Mongeon. «Beaucoup d’étudiants ont vu ça positivement, ajoute-t-il. Nous n’avons reçu aucune plainte jusqu’à maintenant.» Lors de la demi-finale des Carabins contre le Vert et Or du 3 novembre dernier, la plupart des spectateurs interviewés au CEPSUM n’avaient pourtant pas pris conscience de ce changement. «Je n’avais même pas remarqué, indique le diplômé de l’UdeM, Marc-André Chaloux. C’est une très bonne nouvelle pour la musique québécoise qui n’est pas toujours mise à l’avant-plan à Montréal.»
D’autres spectateurs avaient les oreilles ailleurs lors de la partie. «Moi, je m’en sacre de la musique. Je suis venu ici pour boire !», mentionne Thomas Desrosiers, également diplômé de l’UdeM.
Ce manque d’intérêt partagé dans le public à Québec comme à Montréal explique le peu d’initiative de l’Université Laval. Une seule chanson francophone a été notée lors du match du 7 octobre dernier au PEPS, soit « Alors on danse » du Belge Stromae. «Il n’existe aucune politique pour les choix musicaux, signale le chargé des communications du Rouge et Or, Stéphane Jobin. On y va avec ce qui est actuel, mais aussi avec des classiques qui sont joués dans tous les stades d’Amérique du Nord.»
Une situation que M. Beaulieu déplore. « Ça reflète que l’anglicisation ne se passe pas juste à Montréal, analyse-t-il. Il y a là une forte tendance à dévaloriser la culture québécoise. À Québec, en général, c’est difficile d’entendre de la musique francophone dans les restos, par exemple. Il doit y avoir une loi par rapport à la diffusion de la musique dans les espaces publics. Sinon, on finance notre propre anglicisation. »
DJ Vincent Aubry croit toutefois que les différences entre la capitale et la métropole québécoise dépassent la musique. « Il y a beaucoup de choses mystérieuses à Québec, analyse- t-il. Là-bas, si un joueur se blesse, le DJ va mettre une chanson pour rire du gars qui s’est pété la gueule. Ici, les cheerleaders vont mettre un genou par terre en signe de respect, et les spectateurs vont baisser le ton.» Les spectateurs resteront d’ailleurs silencieux jusqu’au début de la saison de football à l’automne prochain.