Les étudiants de l’UdeM, par la voie de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM), réclament la démission du recteur Guy Breton, sans prime de départ — une motion qui modifiera les relations qu’entretient le rectorat avec les étudiants.
Cette motion spéciale a été votée lors du congrès extraordinaire du 9 octobre dernier. Pendant près de quatre heures, 43 associations étudiantes ont discuté du seul point à l’ordre du jour, la démission du recteur. Le vote a eu lieu peu avant 21 heures : 83 représentants étudiants ont voté pour, 72 contre et 10 se sont abstenus.
Le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion, a affirmé en réaction dans le journal La Presse du 13 octobre dernier qu’«une chose est certaine, le recteur n’a pas l’intention de démissionner. » Guy Breton a refusé nos demandes d’entrevue.
Le recteur sur la sellette
Dans la résolution officielle expliquant sa position, la FAÉCUM condamne les interventions policières des 27 et 28 août derniers. » Elles ont apporté un bris de confiance entre le rectorat et les étudiants, explique la secrétaire générale Mireille Mercier-Roy. Nous n’avons plus confiance en Guy Breton depuis.»
Le vice-président de l’Association des étudiants en philosophie de l’UdeM (ADÉPUM), Simon-Pierre Chevarie-Cossette, exprime sa satisfaction par rapport à l’adoption de cette mention. «Guy Breton est la source de nombreuses insatisfactions au département de philosophie, que ce soit à cause de la dérive immobilière et de la délocalisation du campus, à cause de sa conception marchande et utilitaire du savoir, à cause de sa vision commerciale de l’université ou à cause de son utilisation sans scrupule des forces de l’ordre et de la loi pour faire régner une fausse paix sociale sur le campus», argumente-t-il.
La participation du recteur au prochain Sommet sur l’Enseignement supérieur qu’organise le gouvernement péquiste a également été fortement critiquée. «Il ne respecte ni ne représente les étudiants dans sa propre université, alors il est impensable qu’au Sommet il puisse nous représenter convenablement», affirme M. Chevarie-Cossette.
La secrétaire aux affaires académiques de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) et étudiante en philosophie à l’UdeM, Blandine Parchemal, commente que « les associations qui ont su imposer leur point de vue lors de ce congrès ont indéniablement acquis durant la grève une culture de la démocratie directe et, plus largement, une culture politique qu’elles continuent de porter », ajoute-t-elle. Le 30 août dernier, Le Devoir a publié une lettre, rédigée par Blandine Parchemal et cosignée par 17 associations étudiantes de l’UdeM, demandant la démission de Guy Breton.
Pas une vengeance personnelle
Les interventions policières du mois d’août dernier ont motivé les associations du campus à consulter leurs membres. Lors du congrès, les représentants des associations pour la démission de Guy Breton ont expliqué que ce n’était pas une « vengeance personnelle ». L’atmosphère reste tout de même pesante lors du débat houleux. Un représentant de l’Association des étudiants en littératures de langue française de l’UdeM a par exemple associé Guy Breton à un «tyran autocrate ».
Le président de l’Association des étudiants et étudiantes en physique de l’UdeM (PHYSUM), Pascal Grégoire, s’est dit très déçu de l’issue du vote. «Nous croyons qu’avec notre victoire dans la campagne contre la hausse des frais de scolarité, nous devrions passer par dessus les agissements déplorables de M. Breton et nous concentrer à aider les étudiants sur des questions académiques et sociales », explique-t-il.
Lors du congrès, PHYSUM avait insisté sur le fait que demander la démission du recteur correspondait à «demander la tête de Guy Breton» Ce à quoi Mireille Mercier-Roy acquiesce, ajoutant que «le recteur fait partie d’un système qui ne changera pas », même si Guy Breton démissionne. La secrétaire générale a également expliqué au congrès que le recteur fait partie des interlocuteurs dont la FAÉCUM ne peut se passer, malgré la perte de confiance en lui.
La relation rectorat-étudiants touchée
Pour les associations présentes au congrès qui n’étaient pas pour l’adoption d’une telle motion, il est évident que cette dernière modifiera les rapports que la FAÉCUM entretient avec le bureau du recteur. Les membres exécutifs de l’Association des étudiants en mathématiques et statistique de l’UdeM (AEMSUM) avancent «que les agissements des huit derniers mois du recteur sont inadmissibles, mais, si la FAÉCUM adopte un tel mandat, cela plongera l’UdeM dans un climat de tension perpétuelle.»
Le coordonnateur aux affaires universitaires dela Fédération, Mychel Pinault, a notamment tenu à préciser que les «rapports cordiaux» qu’entretiennent la FAÉCUM et le rectorat ont permis d’éviter un troisième jour d’interventions policières au mois d’août. «Nous avons réussi à les convaincre de la stupidité de la situation», affirme-t-il.
D’autres associations ont peur d’une perte de crédibilité auprès de l’université et d’autres instances à la suite de la motion spéciale. De plus, le coordonnateur aux affaires académiques de premier cycle à la Fédération, Robin Mercier Villeneuve, a mis l’accent sur le fait que le dossier qui traite du plagiat «serait compliqué à défendre devant le recteur si nous demandons sa démission.»
Sans avoir pris position pour ou contre la démission de Guy Breton, le Syndicat général des professeurs et professeures de l’UdeM (SGPUM) a indiqué au Journal de Montréal qu’il demande une commission d’enquête publique sur les opérations policières du mois d’août.
Le gouvernement ne s’en mêlera pas
«Je ne demanderai la démission de personne», a expliqué le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie Pierre Duchesne le 3 octobre, une semaine avant que la FAÉCUM ne prenne position en faveur de la démission du recteur. «On n’est pas dans ce jeu-là, a poursuivi M. Duchesne. On n’est pas dans un jeu d’exclusion. Le débat se fera ici entre les étudiants et le rectorat. Nous ne défendons pas les associations étudiantes, nous ne défendons pas les recteurs, nous ne défendons pas les professeurs, nous ne défendons pas les chambres de commerce. Nous défendons le bien commun, nous représentons la nation, l’ensemble des Québécois. Nous voulons que nos universités soient les meilleures dans le monde.»
Même son de cloche du côté de l’ancien président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et député péquiste Léo Bureau-Blouin. «Le printemps a été un moment difficile pour tout le monde, les recteurs ont dû faire des choix qui ont été difficiles, explique le député de Laval-des-Rapides. Mais, ce n’est pas à moi de dire si le recteur doit ou non démissionner.» Le jeune député précise que le processus de nomination du recteur ne dépend pas d’une personne, mais bien d’un système. «Les recteurs, quoi qu’on en pense, sont des gens qui veulent faire de leur mieux», ajoute-t-il.
*Article modifié le 17 octobre à 14 h 15
** Changement apporté le 23 octobre à 15 h 15 au paragraphe commençant par « Les interventions policières du mois d’août […]. »