Culture

Littérature 2.0 : Twitter fait ses classes

Le microbillet comme outil pédagogique ? Une façon efficace d’apprendre la grammaire en 140 caractères, selon deux adeptes de twittérature.*

Le 18 novembre dernier, l’Institut de twittérature comparée s’est vu octroyer une subvention de 71 750 $ pour explorer le potentiel du microbillet dans les salles de classe par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport .

Jean-Michel Le Blanc et Jean-Yves Fréchette au Salon du livre de Montréal en novembre dernier (Crédit photo: Christine Rousseau)

«C’est un engagement important que nous avons envers les citoyens, s’enthousiasme un des deux fondateur s de l ’ Ins t i tut , Jean-Yves Fréchette, lorsqu’il parle de cette subvention. Il y a un écart entre la suspicion des profs et l’enthousiasme des jeunes envers les médias sociaux. Il faut cesser d’occuper une position de critique négative, pour entrer dans une attitude proactive. C’est le projet que l’Institut va commencer bientôt.»

S’intéressant aux possibilités littéraires du site de microblogage Twitter plutôt qu’à son caractère instantané, les twittérateurs rédigent des microrécits, qui rappellent le haïku ou les proverbes. Certains s’adonnent même à l’écriture de romans qu’ils construisent au fil des jours, toujours en respectant la contrainte des 140 caractères ou moins.

Si la forme que prendra le projet n’est pas encore clairement définie, certains critiquent déjà l’idée d’une utilisation de Twitter en classe. Pour les fondateurs de l’Institut de twittérature comparée, c’est dans la contrainte des 140 caractères que se situe l’intérêt de ce média. «Grâce à la contrainte, on peut arriver à évoluer, à faire apprendre l’orthographe, la syntaxe et la concordance des temps », illustre le cofondateur de l’Institut, Jean- Michel Le Blanc.

Pourquoi microbloguer ?

Pour sa part, Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation et professeur à l’UdeM, semble douter de la pertinence du microbillet comme outil d’apprentissage. «On peut faire de la littérature en 140 caractères, mais les étudiants font énormément de fautes, encore à l’Université, plaide-t-il. Là, on veut apprendre à des gens à être créatifs alors qu’ils ne maîtrisent pas encore la langue. Je ne suis pas convaincu qu’on arrive à faire de la littérature avec cela.» « L’avantage du microbillet, c’est l’instantanéité. Si l’on sort de l’instantanéité, on prend d’autres outils », insiste le chercheur. Une position que ne partage pas M. Fréchette. Il soutient que la twittérature a la capacité de pouvoir s’adapter à n’importe quel espace et à n’importe quel contexte.

M. Karsenti ne rejette pas catégoriquement l’utilisation de Twitter en contexte scolaire, ayant lui-même tenté l’expérience en permettant à ses étudiants de commenter en direct le contenu de certains de ses cours. « Les étudiants échangent sur ce que je dis au lieu de faire autre chose d’inutile. On les garde dans le cours. Cette application pédagogique- là, je la trouve géniale », conclut-il.

* = Le chapeau de cet article a été écrit en 140 caractères.

 

Extraits de microbillets littéraires

J’ai toujours eu un peu peur de merder ma fin. Peur de mourir muet, caviardé et seul, ligoté par une longue langue morte me souquant le cou. – Jean-Yves Fréchette

Je casserai du sucre sur l’échine des magouilleurs. Je tordrai le cou des mange-marde. Je mordrai la langue des donneux d’enveloppes brunes. – Jean-Yves Fréchette

Il adorait faire des ricochets, sur le bord du lac. Elle aimait nager sous l’eau, à la tombée de la nuit. Ils se rencontrèrent aux urgences.– Jean-Michel Leblanc

Franklin a deux passions : le jazz classique et les mauvais jeux de mots. Sa petite amie, excédée, lui demanda de choisir. Il aretha Franklin. – Jean-Michel Leblanc

 

L’institut de twittérature comparée ?

L’Institut de twittérature comparée Québec-Bordeaux a vu le jour en juin 2010. Les deux fondateurs, Jean-Yves Fréchette, enseignant de Québec à la retraite, et Jean-Michel Le Blanc, journaliste de Bordeaux, souhaitaient mettre sur pied une structure permettant de promouvoir et de développer ce genre littéraire émergent. En plus de permettre le regroupement virtuel des twittérateurs, l’Institut organise différentes activités, parmi lesquelles des concours de microbillets. En 2012, l’organisme prévoit la tenue d’un premier festival de twittérature, qui devrait avoir lieu à Québec à l’automne.



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