L’UdeM a joué un rôle de chef de file dans la réponse à un défi… de taille: embellir le paysage désolant que voient d’emblée les visiteurs en débarquant de leur avion à Montréal. En compagnie d’universitaires venus de sept pays, une quinzaine de ses étudiants ont planché pendant deux semaines sur l’aménagement du secteur qui sépare l’aéroport Trudeau du centre-ville.
« Pour moi, cet atelier est une expérience qui enrichit ma pratique. Ce qui est remarquable avec ce concours-là, c’est l’échelle: les 17 kilomètres offerts en considération [le long de l’autoroute 20]. C’est énorme ! », relate avec enthousiasme Audrey Lavallée, étudiante en aménagement urbain à l’UdeM. Parmi les 12 visions proposées par les étudiants, son équipe a remporté le premier prix, décerné par un jury international présidé par Brigitte Colin, spécialiste en architecture et villes de l’UNESCO.
Mme Colin a souligné l’excellence des propositions et leur «fort potentiel identitaire» pour Montréal.
Le 2 décembre dernier, une cérémonie à la Faculté d’aménagement de l’UdeM mettait fin au 8e workshop-atelier/terrain (WAT) de l’UNESCO, un événement organisé chaque année depuis 2003 pour susciter un brassage d’idées autour d’un épineux problème d’aménagement urbain. Bien que la Chaire UNESCO en paysage et environnement qui le pilote soit rattachée à l’UdeM, le WAT s’était tenu jusquelà en Europe, au Maghreb, au Moyen-Orient ou en Asie, mais jamais dans la métropole. Pour cette première édition montréalaise, les étudiants de l’UdeM auront joué un rôle clé, puisqu’au moins l’un d’eux a été intégré à chaque équipe pour y servir de guide dans sa propre ville.
Ouverture sur le monde
Les étudiants de l’UdeM qui « jouaient à domicile » se félicitent de l’apport d’étudiants étrangers à ces projets. « L’architecture de paysage, c’est un domaine de création et de design. Il faut donc être ouvert sur ce qui se fait partout dans le monde. Et le fait de travailler avec des gens d’autres pays nous donne cette ouverture-là. Cela nous amène de nouvelles idées, de nouvelles façons de voir le design en architecture de paysage », se réjouit Linda Fortin, étudiante en architecture de paysage.
Valérie Simard, qui étudie dans le même programme, tempère ses propos en expliquant « qu’il y a eu des différences quant aux méthodes de travail. Il y a aussi la barrière de la communication qui rend les choses un peu plus complexes. Mais en même temps, concède-t-elle, c’est ce qui fait la base de l’enrichissement de ce projet-là».
Les étudiants continuent de correspondre entre eux une fois l’expérience terminée, assure Philippe Poullaouec-Gonidec, le titulaire de la chaire UNESCO qui pilote le WAT. Et les liens tissés peuvent mener loin: « Figurez-vous que la Chine, où nous avons tenu un WAT en 2008, souhaitait réaliser un jardin du Québec il y a quelques mois, dans la ville de Chongqing. À l’invitation du ministère des Affaires internationales, j’ai lancé un concours auprès des étudiants de l’Université qui ont participé aux WAT depuis 2003. Ils sont nombreux, plus de 100 maintenant. La Chine a retenu le choix de notre jury, et c’est Sébastien Breton, un ancien du WAT, qui construit actuellement ce jardin. C’est merveilleux », raconte-t-il. M. Poullaouec-Gonidec explique ensuite qu’à Kobe, au Japon, les plans des étudiants « sont restés accrochés aux murs et inspirent» encore les concepteurs de la ville où s’est tenu le WAT de 2009.
Ici, à Montréal, l’ensemble des propositions estudiantines sera légué à la Table de concertation sur l’entrée de ville de l’autoroute 20, qui regroupe des représentants de la ville-centre, ainsi que des villes et des arrondissements limitrophes au secteur, de ministères provinciaux et de sociétés de transport ferroviaire et urbain.
Alors que l’imminente reconstruction de l’échangeur Turcot risque de chambarder le secteur, les visions issues du WAT pourront alimenter les réflexions des décideurs.
Rêver fort un corridor
L’édition 2011 de Montréal a été l’occasion de jeter « des idées spontanées, un peu naïves aussi », explique Mme Lavallée. Les étudiants ont fait preuve d’audace en proposant, par exemple, la réintégration partielle de l’eau sur l’ancien emplacement du lac Saint-Pierre, asséché depuis longtemps.
L’équipe gagnante suggère de modifier le tracé du canal Lachine de façon à créer une île dans le secteur Cabot/Côte-Saint-Paul, au pied de l’échangeur Turcot. L’île abriterait une pépinière où s’approvisionneraient les Montréalais au printemps. Ce nouveau pôle d’attraction serait ouvert à des activités de plein air, comme le ski de fond l’hiver, et la natation l’été.
Pour briser l’isolement du quartier Saint-Pierre, une autre équipe mise sur un faisceau d’infrastructures de transport – piste cyclable, train, tramway et canal Lachine – convergeant vers une gare multimodale. Soucieux de préserver l’héritage industriel du secteur, ils suggèrent de donner une vocation sociale aux édifices récupérables : centre sportif, maison d’enseignement, commerces.
D’autres étudiants s’attaquent à l’interminable tranchée que forment, d’ouest en est, l’autoroute 20 et l’ancienne gare de triage entre les échangeurs St-Pierre et Turcot : trois immenses plateformes seraient projetées au-dessus de ces voies à partir de la falaise St-Jacques, qui surplombe tout le secteur au Nord. Un quartier des artistes, un centre commercial et financier et des services de santé prendraient place sur ces plateformes, dans l’axe nord-sud.
Plus à l’est, une autre équipe propose elle aussi de prolonger la falaise St-Jacques, sous forme de balcons qui prendraient appui sur des édifices dans le quartier St-Henri en contrebas. Le verdissement des toitures, des rues et des ruelles du secteur assurerait la continuité d’un réseau d’espaces verts pour l’instant morcelé.