Ça bourdonne fort cet automne à Montréal. L’apiculture, encore toute jeune dans la métropole, dresse le bilan de son premier été : les essais concluants élargissent les ambitions. L’avenir s’annonce mielleux.
Groupes responsables de ruches ou simples citoyens intéressés, ils ont tous la piqûre. À quelques jours de l’hibernation de leurs colonies, ils échangent de l’information et des trucs de bricolage : matériaux isolants et galettes nutritives pour que les abeilles survivent à l’hiver sont sur toutes les lèvres.
Les retours des expériences apicoles de la saison estivale 2011 sont très positifs. Le miel produit par les abeilles de Montréal est d’excellente qualité. Gilles Baillargeon de l’Union paysanne prend soin d’une ruche sur le terrain des Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph: «Le milieu est sain pour les abeilles, avec une immense variété de fleurs », s’enorgueillit- il. Yoann Bonnefon du Santropol explique que «la biodiversité est grande en ville, plus qu’à proximité des monocultures en campagne, du moins» et que «plusieurs études ont démontré que le miel urbain n’est pas pollué, contrairement aux croyances».
L’interdiction d’utiliser des pesticides sur l’île de Montréal contribue également à faire de la ville une meilleure zone de butinage.
Miel pour tous, tous pour le miel Le collectif informel Wanna Bee*, qui fédère les groupes néo-apiculteurs montréalais pourrait annoncer bientôt la création d’une appellation commune : «Miel de Montréal». Le miel issu des différentes initiatives montréalaises arborerait ce sigle dès l’an prochain. Sans être une appellation d’origine contrôlée, cette affiliation se veut une stratégie pour se positionner face à la Ville de Montréal et au public en général en agissant «en faveur d’un développement urbain durable», explique un document préliminaire obtenu par le Quartier Libre. «La mutualisation et l’échange d’expériences» en plus « d’une ressource humaine commune », sont en outre une façon d’assurer la pérennité des ruches en ville.
Le Collectif de recherche en aménagement paysager et agriculture urbaine durable (CRAPAUD) de l’UQAM effectue actuellement une évaluation de la production ainsi que le recensement et la cartographie de toutes les ruches de Montréal. À l’UdeM, le projet Production Agricole Urbaine Soutenable et Écologique (P.A.U.S.E.) a récolté un peu plus de neuf kilogrammes de miel de ses deux ruches cette année. «C’est peu» selon Alexandre Beaudoin, responsable des deux ruches, mais «c’est une première année et il est de bonne qualité».
Les 1er et 2 novembre dernier, P.A.U.S.E. avait invité les étudiants et l’administration de l’UdeM au 24 heures des abeilles pour mieux faire connaître l’apiculture, et faire déguster sa première récolte. M. Beaudoin voudrait lui aussi s’associer à une initiative regroupant les autres apiculteurs urbains.
Miel et politique
«La ville pourrait devenir un refuge pour ces insectes», affirme Annie-Claude Lauzon, membre du CRAPAUD à l’UQAM. On assiste à une «hécatombe mondialisée», les populations d’abeilles ayant sérieusement chuté partout dans le monde depuis quelques années, raconte Anicet Desrochers dans le documentaire La Reine malade. Les avis sur les causes de cette dévastation divergent, monoculture et pesticides étant le plus souvent cités comme responsables.
Montréal, loin d’être précurseur en la matière, « suit la vague d’autres grandes villes », comme Paris et New York, précise Kathryn Jezer-Morton, apicultrice à temps perdu pour le collectif le Champ des possibles, dans le Mile-End. Ici, aucun permis n’est nécessaire pour implanter une ruche sur un terrain privé.
Les propriétaires d’abeilles doivent simplement s’inscrire auprès du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Les ruches doivent être installées à une distance de plus de 15 mètres des habitations ou de la voie publique. Il y a donc peu de restrictions pour l’instant.
Pour le maire de l’arrondissement Rosemont- La Petite-Patrie, François W. Croteau, «il serait prématuré de légiférer». Son arrondissement n’ayant reçu aucune plainte de citoyen, il se montre favorable à la pratique. Il souhaiterait désigner, pour l’installation de ruches, des « bâtiments assez hauts, dans des zones industrielles par exemple », où les nuées d’abeilles seraient plus loin de la voie publique.
Son collègue Carl Boileau, conseiller du district De Lorimier pour l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, s’engage plus fermement : «On voudrait avoir un bâtiment de la Ville avec une ruche dès l’an prochain. » Les jardins montréalais pourraient donc bientôt recommencer à vrombir.
* Novembre a été consacré mois de l’abeille. Une initiative de Wanna Bee.
SARAH CHAMPAGNE
vilaines cousines
Ces nouveaux apiculteurs ne veulent pas publiciser trop vite leurs projets. Selon Alexandre Beaudoin, responsable des ruches à l’Université de Montréal, l’acceptabilité sociale de l’apiculture en ville repose sur «la capacité des citoyens à distinguer l’abeille de la guêpe». Cette dernière est «beaucoup plus agressive que l’abeille», expose M. Beaudoin, «car elle peut piquer plusieurs fois sans mourir», contrairement à l’abeille. Les abeilles à miel, elles, n’aiment que les fleurs. Des essaims de guêpes s’attaquent parfois directement à des ruches pour en voler le miel, créant de véritables