Volume 18

Jovialisme 2.0

« Faites l’amour, pas la guerre. » Voilà comment on pourrait résumer la pensée jovialiste lancée en 1970 par André Moreau. L’excentrique intellectuel a diffusé ses préceptes par le biais d’une soixantaine de livres et de plusieurs apparitions médiatiques remarquées. Après une perte de vitesse durant les années 1980 suivi d’une éclipse complète, le mouvement reprend lentement vie depuis 2008. Regard sur sa deuxième assemblée générale annuelle.

Samedi 22 octobre vers 19 heures. C’est dans le quartier Rosemont, chez le président du mouvement, Nicolas Lehoux, que les proches de la pensée d’André Moreau se réunissent. Notre hôte est connu pour ses BD et son apologie de la consommation des drogues psychédéliques. Il m’accueille gentiment, puis me présente brièvement à deux personnes posées sur un divan du salon, qui ne tardent pas à me demander ce que je fais ici. Je leur réponds : « Je ne suis pas jovialiste, mais journaliste.» À peine le temps d’entamer une discussion qu’arrive André Moreau. Souriant, comme lors de notre première rencontre, il me demande où j’en suis avec mon article. Je lui explique que « je suis là pour l’améliorer ».

 

 

Y'a de la joie : 70 % de l'assemblée générale du mouvement jovialiste du 22 octobre. Crédit : Maxime Dubois

 

 

Dans le salon, les murs sont couverts de toiles. En discutant avec Nicolas, j’apprends qu’elles sont ses propres oeuvres. Le jeune homme exprime sa pensée de toutes les manières possibles. Livres, bandes dessinées, musique… Mais ce soir, il est le porte-parole du mouvement. Je le sens très impliqué dans la tâche qu’il s’est donnée.

C’est un rêve qui l’a poussé à devenir président du mouvement il y a trois ans: « Je rencontre André qui porte un casque de football très cabossé. On voit qu’il lui a servi, il représente tous les coups qu’André a encaissés durant sa carrière. André retire son casque et le pose sur ma tête. Je vois cela comme une passation de pouvoirs », raconte-t-il.

« C’est à votre tour! »

Un à un, les membres du mouvement se présentent. Eduardo est Argentin et est chargé de recruter en Amérique latine. Jacques est responsable de la branche gaie. Au total, sept personnes assistent à cette deuxième AG qui débute en musique. « Cela facilite la communion, explique le président-artiste, alors je vais vous jouer une reprise de John Lennon. » Il s’exécute sur une guitare en adaptant la chanson Imagine, dont le refrain, en français, exprime l’espoir qui l’habite: « Tu peux dire que je suis un rêveur/Mais je ne suis pas le seul/J’espère qu’un jour tu te joindras à nous/Et le monde sera uni/Dans le mouvement jovialiste. » Un des adhérents lance à la blague: « est-ce que ç’a été difficile d’obtenir l’approbation de l’auteur pour changer les paroles ? », provoquant les rires de l’assistance.

La réunion est entamée. Le président se place face à ses hôtes pour présenter les points qui seront abordés. Le ton légèrement hésitant, il prend d’abord le soin de souligner qu’il faut « remettre en état de marche une machine bien rouillée » et que « beaucoup de travail reste à faire ».

André Moreau soutient le discours de celui qu’il a déjà présenté comme son successeur. « Je ne serai là qu’en tant que témoin et personne-ressource, affirme-t-il à ses interlocuteurs silencieux, j’ai fait mon temps. Aujourd’hui, c’est à votre tour d’agir. » Nicolas l’a bien compris. Toute l’année, il a travaillé pour son mouvement.

Il se vante notamment d’avoir mis en ligne plusieurs outils qui permettent d’étendre son auditoire. « Le streaming et le site Internet nous ont offert des premiers contacts avec l’Europe. Maintenant il faut rassembler tout ce beau monde de manière permanente », explique-t-il.

Une première discussion est lancée. Faut-il recruter beaucoup de gens ou bien construire un noyau dur de personnes désirant s’impliquer ? Mais en premier lieu, il faut améliorer l’image du jovialisme. Car les sorties médiatiques d’André Moreau ont beaucoup fait jaser par le passé. Et aujourd’hui, « les gens ont peur des sectes et des gourous », note André, un des membres. Il se tourne ensuite vers son homonyme philosophe et lui demande pourquoi il ne se charge plus du débat public. « Simplement parce que je suis trop instruit pour le Québec. D’une certaine façon, je suis un mauvais messager », répond-il.

Pour terminer la rencontre, les adhérents se tiennent par la main en formant un cercle. André Moreau « bénit le travail réalisé ce soir » et rappelle que « l’orientation principale de notre pensée est le bonheur ». Joignant le geste à la parole, les participants se rassemblent autour d’un vins et fromages pour discuter, rigoler et surtout écouter leur maître à penser.

 

 

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