En ce 21 septembre qui marque la Journée internationale de la paix, force est de constater que les priorités du Canada, champion consacré en la matière, ont bien changé. Et que le reste du monde ne s’y trompe pas.
Généreux contributeur aux missions de l’ONU reconnu pour ses nombreux Casques bleus comme pour son financement soutenu aux programmes de développement, le Canada est même à l’origine de la création des premières forces onusiennes de maintien de la paix en 1956. Aujourd’hui, l’image de médiateur vertueux et de bienfaiteur associée à l’unifolié s’estompe avec la baisse de son engagement dans la gestion des enjeux humanitaires.
Le gel du financement de l’aide internationale pour cinq ans est prévu au budget de cette année. Cela signifie qu’en 2015, le pays ne contribuera qu’à hauteur de 0,28 % de son produit national brut – à peine un peu plus du tiers de son engagement aux Objectifs du millénaire pour le développement (0,7 %) réaffirmé en septembre 2000 à New York.
Depuis le milieu des années 1990, l’engagement canadien en matière de personnel aux missions de maintien de la paix a fondu, passant de plusieurs milliers à moins de 200. Selon l’Association canadienne pour les Nations Unies, en 2006, le nombre de militaires d’observation, d’agents de police de l’ONU et de Casques bleus a atteint un creux historique de 126, relégu
ant le Canada à la 55e place parmi les 108 pays contributeurs, puis il est remonté modestement à 198 en 2010. En 1995, au début de la décrue, la contribution canadienne en personnel onusien s’élevait à plus de 2500.
La perte est d’autant plus grande pour les missions de paix du fait que les soldats canadiens excellent dans leur rôle de Casques bleus. Le bilinguisme et le multiculturalisme de la Fédération sont des atouts qui facilitent les relations et la communication entre les populations locales des pays en guerre et les militaires canadiens. À l’international, ils sont reconnus pour être plus respectueux des autres cultures que les soldats américains. Les Britanniques ou les Français, qui souffrent du statut d’ex-puissances coloniales de leurs pays, entretiennent généralement des rapports plus difficiles avec les habitants des pays du sud. Pourtant, en juillet 2011, le Royaume-Uni et la France avaient déjà envoyé outre-mer respectivement 277 et 1 505 gardiens de la paix, contre 172 pour le Canada.
Escalade belliqueuse
Si la colombe canadienne bat de l’aile, le faucon canadien est en plein essor. Parallèlement à sa perte de vitesse en tant que chef de file des missions humanitaires, le Canada multiplie les missions de combat et s’affirme dans un rôle inédit de puissance militaire. De 15 milliards de dollars en 2006, le budget des Forces canadiennes est passé à 18milliards en 2009 puis à 22,3milliards pour l’année en cours, son plus haut niveau depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Canada d’abord, la stratégie de défense à long terme élaborée par le gouvernement en 2008, prévoit 490 milliards en dépenses d’ici 2028. Cet engagement financier sur une période de 20 ans est sans précédent dans l’histoire du pays.
Un revirement aussi radical ne peut se faire sans surprendre et décevoir. En octobre 2010, le Canada a subi un revers brutal à l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa campagne pour obtenir un des cinq sièges non permanents au Conseil de sécurité. Cet échec diplomatique est largement imputable à une défiance nouvelle de la communauté internationale envers le Canada, en raison de ses positions rétrogrades en matière d’environnement et de sa politique étrangère plus agressive.
Certes, le gel de l’aide au développement a été proposé afin de réduire le déficit au milieu d’une période économique difficile. Un budget militaire plus robuste modernisera les forces armées et permettra sans doute de renforcer la souveraineté sur le territoire canadien. Il se peut même que le Canada récolte un jour les fruits de ses efforts à jouer des coudes sur l’échiquier géopolitique. Mais pour l’instant, le bilan des nouvelles orientations canadiennes est clairement négatif.