Campus

Le  »virage vert » de l’UdeM : environnement ou marketing ?

Par Simon Guertin-Armstrong, Coordonnateur sortant du comité UniVERTcité, le groupe environnemental de la FAECUM.
L’auteur s’exprime à titre personnel.
Lettre complète. Elle a été écourtée pour la version papier.

 

L’Université de Montréal est une grande université. Son parcours est remarquable à plusieurs égards, malgré les difficultés financières liées à la conjoncture de la dernière décennie. L’Université possède aussi une réputation internationale enviable. Voilà de bons atouts pour continuer son développement, dans un contexte concurrentiel et mondialisé.

Or, il manquait jusqu’à tout récemment un élément essentiel à ces atouts : au XXIe siècle l’ensemble des activités des universités doit être repensé dans les termes du développement durable. Aujourd’hui, il n’est plus possible de prétendre être une institution importante de la société sans incarner aussi, en même temps, un leadership vert. C’est sans doute pour cela que le premier vice-rectorat dédié au développement durable de l’histoire de l’UdeM a été mis sur pied en août 2010.

Dans une lettre envoyée à la fin du mois de mars dernier, le recteur Guy Breton présente le bilan environnemental de la première année de son équipe à la barre de l’Université de Montréal (lettre : http://www.recteur.umontreal.ca/messages-du-recteur/article/ludem-prend-le-virage-vert/). Si le nouveau rectorat semble véritablement avoir fait de l’environnement une priorité, le bilan présenté par M. Breton se limite toutefois à une stratégie de récupération.

La communauté universitaire doit savoir que la plupart des bons coups réalisés sur le campus de l’Université de Montréal ne sont pas l’initiative de la direction, mais plutôt celles de groupes, d’associations et d’individus engagés. De surcroît, certains bons coups identifiés comme tels dans la lettre du recteur n’ont un rapport qu’au mieux ténu avec l’environnement.

Il est important d’identifier dès maintenant les limites de ce « virage vert », sans quoi les considérations environnementales pourraient être réduites à une opération de relations publiques. L’avenir nous dira si le rectorat est capable d’initiative et d’investissements conséquents, mais pour l’instant ce n’est pas lui qui fait le développement durable de l’UdeM.

Des « bons coups » qui laissent à désirer

Selon le recteur, le programme de la Carte Campus « ne peut qu’avoir un effet bénéfique sur le bilan écologique de la ville » puisque « nos étudiants seront incités comme jamais à opter pour les transports collectifs ». Or, rien n’est moins sûr. Dans un an, les données recueillies dans le cadre du projet pilote permettront peut-être de déterminer dans quelle mesure ce programme change les comportements des étudiants. Encore faudra-t-il s’assurer que les données pertinentes sont recueillies et analysées selon une méthodologie appropriée. Pour l’instant, il s’agit essentiellement d’une opération d’achat de titres de transport en gros qui fait économiser mensuellement un maigre 6$ aux personnes admissibles en garantissant à la STM un volume appréciable d’usagers étudiants à l’UdeM. L’avantage de ce projet est d’abord économique, pas écologique.

L’aspect environnemental du projet n’est qu’une maigre valeur ajoutée puisque ceux qui utilisent le plus leur voiture résident hors de Montréal et ils ne sont pas pour cette raison admissibles au programme. Par conséquent, il y a fort à parier que le bilan environnemental de ce projet sera négligeable. Soulignons qu’il ne s’agit pas d’une initiative du rectorat, mais bel et bien d’une initiative étudiante. Il faut saluer la persévérance de la FAECUM dans ce dossier.

Quant aux projets d’économie d’énergie mis en œuvre ces dernières années, l’UdeM ne fait que se vanter d’avoir suivi la consigne du Gouvernement du Québec, qui rend obligatoire pour les établissements d’enseignement l’atteinte de cibles d’économie d’énergie.

D’autre part, si plusieurs membres de la communauté universitaire participent au Défi Climat, il reste difficile de comprendre en quoi cela fait de l’UdeM une université plus verte : cet événement a pour but de susciter des engagements individuels qui par définition n’engagent en rien l’institution.

Plonger dans le noir la grande tour du pavillon Roger-Gaudry à l’occasion de l’événement du World Wildlife Fund « Une heure pour la Terre » est purement symbolique et a un impact négligeable sur la consommation énergétique du campus. Est-ce cela l’engagement en faveur du développement durable a l’UdeM? Célébrer la recherche « au service de la planète » en récupérant les intérêts de recherche des chercheurs, est-ce cela le leadership du rectorat en matière de développement durable?

Fort heureusement, il y a aussi des gestes concrets qui ont un réel impact à l’UdeM. Mentionnons la Faculté de médecine vétérinaire qui obtiendra sans doute bientôt l’accréditation « Ici on recycle – niveau 3 » de Recyc-Québec. Voilà une réalisation qu’il faut saluer, initiée par le groupe étudiant /En vert et pour tous/. Ou encore le projet de collecte de matières compostables dans les cafés étudiants piloté par le comité UniVERTcité qui a permis de récupérer 80 tonnes de déchets organiques dans l’année 2009-2010.

Faire de l’UdeM un leader en matière d’environnement

Le rectorat de l’UdeM doit faire plus et doit faire mieux. Par exemple, interdire la vente d’eau embouteillée sur le campus comme l’ont fait Sherbrooke, Concordia et Bishop au Québec. Choisir l’approvisionnement en aliments locaux et de saison pour les cafétérias. Élaborer une politique de recyclage pour le matériel informatique désuet. Aménager pour chaque pavillon d’importance des espaces surveillés de stationnement pour les vélos, à l’abri des intempéries et avec des locaux pour prendre une douche et se changer. Prendre en charge le compostage des déchets organiques du campus. Remplacer graduellement les ampoules et les tubes néons par un système d’éclairage aux DEL. Enfin, exiger une certification carboneutre pour les colloques, événements, départements et associations du campus.

Autant de gestes substantiels, qui demandent un investissement à long terme et qui témoignent d’une volonté ferme de changement. Des gestes qui permettent de dépasser les actions symboliques et de faire davantage que récupérer les initiatives étudiantes. La direction de l’UdeM doit éviter de faire du développement durable un concept creux, juste bon pour verdir son image à peu de frais.

L’excellence universitaire est liée à l’innovation et à des standards exigeants de réussite. L’UdeM doit maintenant faire montre de ces qualités en matière d’environnement. Les étudiants, les chargés de cours, les professeurs, les cadres, les professionnels et le personnel de soutien sont là pour rappeler au rectorat sa responsabilité de leadership vert.


 

Partager cet article