Jeudi dernier, le gouvernement Charest annonce une accélération de la hausse des droits de scolarité. S’il faut en croire les associations étudiantes, la guerre est ouverte. Toutefois, la mobilisation en réaction au budget provincial n’est pas pour demain. Selon les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), il s’agit d’une mauvaise période pour lancer un débrayage d’importance. Ce n’est qu’à l’automne prochain que les étudiants pourraient être appelés à se prononcer sur une éventuelle grève générale.
Les groupes étudiants sont révoltés par les hausses de droits de scolarité de 325 $ par année pendant cinq ans imposées par le gouvernement Charest dès 2012. Ils ne prévoientpourtant aucun grand mouvement de contestation avant six mois. Il revient à chaque association locale de déterminer si elle veut faire grève ou pas, mais un mouvement provincial pourrait difficilement se mettre en place sans la coordination d’au moins une association étudiante nationale.
Gabriel Nadeau-Dubois, secrétaire aux communications de l’ASSÉ, n’hésite pas à qualifier la hausse de «véritable tragédie pour des milliers d’étudiants.»
«Cette hausse sera un obstacle majeur à l’accessibilité aux études», continue-t-il.
Il faut dire que si le gouvernement Charest avait indiqué en 2010 avoir l’intention de prendre une telle décision, personne ne connaissait l’importance de l’augmentation à venir.
En décembre dernier, le regroupement des recteurs avait supplié le gouvernement d’augmenter les droits de scolarité de 1500 $ sur trois ans. Ils obtiennent finalement davantage, mais plus lentement : 1625 $ sur cinq ans. Selon le gouvernement du Québec, la part de revenus des universités qui proviendra de la poche des étudiants passera ainsi de 12,7 %à 16,9 %, alors qu’il en coûtera 3793 $ par année pour fréquenter l’université en 2016-2017.
L’attente
Ces chiffres fâchent les étudiants et les fâcheront tout autant dans quelques mois, affirment les associations qui admettent vouloir mieux se préparer pour la bataille à venir. Ils ajoutent qu’avec une session d’hiver qui tire à sa fin, le moment serait mal choisi pour tenter de faire reculer le gouvernement.
« On va mener une campagne pour sensibiliser la population québécoise, pour leur faire comprendre les impacts de cette hausse de scolarité », explique prudemment M. Savoie. Je ne pense pas que la hausse va être plus acceptable dans quatre mois qu’aujourd’hui.»
L’ASSÉ entretient sensiblement le même discours, défendant la saisonautomnale comme étant plus stratégique pour une telle lutte.
L’échec de la réplique étudiante à la dernière hausse des droits de scolarité,en 2007, hante peut-être les esprits des militants. La hausse décrétée par le gouvernement Charest, alors de 100 $ par année pendant cinq ans, était beaucoup moins importante, rappelle Gabriel Nadeau-Dubois. Il ajoute qu’à l’époque, la droite faisait un retour en force dans le paysage politique québécois.
«Poudre aux yeux»
Quant aux mesures annoncées dans le budget du ministre québécois des finances, Raymond Bachand, pour «maintenir l’accessibilité aux études universitaires», dixit le document lui-même, leur importance est minimisée par les chefs des mouvements étudiants.
L’augmentation du montant des bourses et la hausse du seuil de contribution parentale de 29 000 $ à 35 000 $ par ménage sont de la«poudre aux yeux» des étudiantset des contribuables, selon Louis-Philippe Savoie.
C’est le même constat du côté de l’ASSÉ. « C’est vraiment une piètre tentative de la part du gouvernement pour tenter de masquer une injustice profonde et pour tenter de calmer la colère des étudiants», analyse le représentant de l’ASSÉ. « Le ministre Bachand peut être assuré que ça ne fonctionnera pas.»
Au lendemain de la présentation du budget, des militants de la FEUQ ont fait entendre leur mécontentementà Raymond Bachand à l’occasion d’une présentation du ministre devant la Chambre de commerce de Montréal. Quant à l’ASSÉ, elle prévoit une journée d’action le jeudi 24 mars, mais refuse de fournir davantage d’information sur l’événement.
« Le gouvernement vient de réveiller un géant qui sommeillait depuis les dernières années », s’emporte Gabriel Nadeau-Dubois.