Big Bang, Girls’ Generation, 2PM, SHINee, Buono!, Arashi… ces noms ne vous évoquent sans doute rien. Et pourtant, ces groupes coréens et japonais convertissent de plus en plus de monde hors des frontières de l’Asie. Rencontre avec ces nouveaux disciples.
Il n’est pas rare d’en croiser dans le quartier chinois, entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Urbain, un bubble tea * à la main, à la recherche du dernier disque manquant à leur collection. Des adeptes, des passionnés, des fans… de pop asiatique.
Joëlle, 16 ans, est membre de Qc-Kpop, un forum Internet québécois dédié à la pop coréenne comptant 177 membres. Elle évoque son amour de la chanson coréenne avec une ardeur pour le moins convaincante. « C’est vraiment dynamique, les chansons sont entraînantes, les chorégraphies sont tout simplement démentes, les membres des groupes sont charismatiques… et terriblement beaux. »
Joëlle se procure sa musique en grande partie sur Internet ou bien dans des petites boutiques du quartier chinois de Montréal. Popasie, au coin des rues Saint-Laurent et René-Lévesque, est le repère des adorateurs de culture populaire asiatique. Toutefois, les disques y sont plus chers que sur Internet. Ainsi, de nombreux fans de pop du Levant se rabattent sur le Web. La tâche n’est cependant pas aisée, comme en témoigne Victoria, 21 ans : « On n’a pas trop le choix de télécharger cette musique : puisque ce n’est pas encore connu ici, l’accessibilité sur iTunes ou d’autres programmes de ce genre en Amérique du Nord est difficile ou n’existe tout simplement pas. »
Pourtant, de nouvelles plateformes dédiées à la musique asiatique se développent. Une des pionnières en la matière, YesAsia.com, a été fondée en 1998. L’entreprise basée à Hongkong a installé ses entrepôts en Allemagne. On y trouve comics, mangas, livres, films, dramas, séries télévisées asiatiques et, bien sûr, des tonnes de CD et de DVD. Avec des frais de port gratuits pour toute commande de plus de 25 dollars, YesAsia.com s’impose comme la référence pour tout adepte de musique asiatique. Du côté francophone, il faut se tourner vers AkioShop.com, une boutique d’import en ligne qui se spécialise en pop venue du Corée, du Japon, de Chine, ou bien de Thaïlande. Cette plateforme implantée en France livre aussi ses produits en Amérique du Nord, à une clientèle de niche.
Bien que la demande de musique asiatique soit bel est bien réelle, elle reste limitée, comme en témoigne Allan Liagre, un des gérants d’AkioShop.com. « S’il y a une forte demande ? Non. Néanmoins, il y a aujourd’hui une certaine demande de pop asiatique, ainsi que de l’univers du visuel kei *. »
Selon les statistiques d’AkioShop.com, ses clients seraient constitués à 70 % de filles et 30 % de garçons. Lors des salons dédiés à la culture asiatique, 50 % des visiteurs étaient âgés de 15 à 20 ans, un public majoritairement constitué d’adolescentes adulatrices.
Le choc des cultures
Si la pop asiatique s’exporte de plus en plus, on en est encore aux prémices, quoique les producteurs asiatiques semblent être pleins de ressources.
Premier outil pour faire vendre : le clip. Hello du groupe SHINee a ainsi été visionné plus de sept millions de fois sur YouTube. La vidéo ouvre sur une chorégraphie digne des meilleures années de Billy Crawford : cinq mâles coréens hyper « lookés », à l’allure androgyne, enchaînent les déhanchés en rythme. Autre clip, autre ambiance. One love d’Arashi, cinq jeunes Coréens proprets à mèches, chantonnent une mélodie mièvre dans un décor fait d’hirondelles et d’arcs-en-ciel. Si ces clips peuvent rebuter certaines âmes peu friandes de fadasseries en tout genre, la musique, en revanche, ressemble fort à notre sélection du palmarès, une pointe d’exotisme en bonus.
Pour Allan Liagre, ce n’est pas forcément le style de musique qui ne plaît pas à l’étranger, mais plutôt les préjugés qui nuisent à la culture asiatique. « Le problème vient réellement de la provenance de la musique en elle-même. L’Asie est loin. Dites à quelqu’un que vous écoutez de la pop asiatique, vous comprendrez qu’il y aura de suite un a priori sur le style de musique, même si la personne n’en a jamais écouté. »
Pour devenir célèbres au-delà des frontières de l’Asie, les vedettes coréennes et japonaises ont besoin d’un mégaphone. « Je crois que la pop asiatique n’est pas populaire au Canada et aux États-Unis tout simplement parce qu’elle n’est pas diffusée. Majoritairement, le style ressemble à la pop ou le r&b américains, en principe, ça devrait fonctionner. »
Pour tenter de s’exporter, la plupart des groupes japonais et coréens mélangent l’anglais avec leur langue natale et traduisent leur nom de groupe en anglais. Une manière de plaire à un plus grand nombre ? Pas vraiment, selon Kyunghye Yang, jeune Coréenne habitant à Séoul. « La plupart des Coréens pensent que l’anglais est plus raffiné que le coréen. Cela remonte à la guerre de Corée. »
Big Bang et Girls’ Generation seront-ils un jour aussi connus que les Black Eyed Peas dans nos contrées ? Une brèche s’entrouvre avec des artistes comme Koda Kumi, ou Ayumi Hamasaki, qui se développent à l’international. Aussi, certaines vedettes parmi les plus populaires en Asie commencent à collaborer avec des artistes américains. Ainsi, la chanteuse japonaise Koda Kumi s’est produite avec Fergie lors de sa tournée en Asie. Les Wonder Girls, girl-band coréen, ont fait la première partie des Jonas Brother au centre Bell à Montréal en août dernier. Aussi, G-Dragon, le leader charismatique du groupe Big Bang, a enregistré un titre avec Flo Rida en 2010. Collaborer avec des artistes américains, est-ce la voie vers la célébrité ? Ou alors, ces Occidentaux chercheraient-ils, au contraire, à gagner des parts de marché en Asie ?
* Le bubble tea, ou thé aux perles, boisson d’origine taïwanaise, est un mélange de thé et de lait parfumé de diverses saveurs et de boules noires de tapioca.
* Le visual kei est un genre marginal du métal/rock japonais (J-rock) apparu dans les années 1980. L’esthétique, inspirée des mouvements gothiques et glam métal, y est aussi important que la musique.
Big Bang
Les nouveaux Backstreet Boys de la Corée, ce sont eux. G-Dragon, Taeyang, Daesung, Seun-Ri, et Top ont tous la vingtaine et les cheveux dans le vent. Leur musique est un mélange commercial de rap et de r&b sur fond de danse hip-hop. Connus du grand public pour leur participation à une émission de télé-réalité, le groupe Big Bang appartient à l’étiquette YG Entertainment, spécialisée dans la production de musique hip-hop et r&b qui produit aussi des groupes féminins, 2NE1 en tête.
K-pop ou J-pop ?
K-pop comme pop coréenne et J-pop comme pop japonaise. Ces deux styles de musique sont les plus populaires en Asie. Aujourd’hui, il semble cependant que la Kpop prédomine. Ce genre est marqué par une influence plus américaine. Pour Allan Liagre de AkioShop.com, le palmarès des nations risque de changer dans les années à venir. « Hier le Japon, aujourd’hui la Corée. Demain la Chine et la Thaïlande. »