Société

Élections provinciales au Québec : une course perdue d’avance

Le documentaire Les Perdants de la réalisatrice Jenny Cartwright a ouvert la 43e édition des Rendez-vous Québec Cinéma mercredi soir. Il dénonce les inégalités du système électoral québécois, qui ne représente pas la voix de chaque électeur·rice au sein du gouvernement. Sa sortie représente l’occasion de démystifier le système électoral québécois pour le lectorat de Quartier Libre.

Le documentaire suit le parcours de trois candidat·e·s aux élections provinciales d’octobre 2022 : Jean-Louis Thémistocle du Parti culinaire du Québec, Renaud Blais du Parti nul et Elza Kephart du ministère de la Nouvelle normalité (mouvement politique non enregistré).

Le film les suit pendant leurs campagnes respectives et expose les difficultés que rencontrent les candidat·e·s des petits partis qui souhaitent donner une voix à ceux et celles qui ne se reconnaissent pas dans les partis plus traditionnels comme le Parti québécois ou le Parti libéral du Québec. Selon Jenny Cartwright, le système électoral de la province, qui repose sur un scrutin majoritaire plutôt que proportionnel, est responsable de leur invisibilisation.

Député·e·s à l’Assemblée nationale – extrait du film Les Perdants – crédit photo ONF

Fonctionnement d’un scrutin majoritaire

Les élections provinciales fonctionnent selon le mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour (S.M.U.T.). Dans ce système, l’électeur·rice choisit un·e candidat·e parmi tous ceux et celles qui se présentent dans sa circonscription. La personne qui obtient le plus grand pourcentage de voix remporte l’élection. Elle n’a, toutefois, pas forcément obtenu la majorité des voix.

Au sein de ce système, un parti peut ensuite obtenir une majorité de sièges à l’Assemblée nationale sans avoir remporté la majorité des voix des électeur·rice·s de la province. Cette réalité crée un double enjeu. En effet, des candidat·e·s n’ayant obtenu qu’un faible pourcentage de votes dans leur circonscription peuvent ainsi prendre la tête du gouvernement. Par exemple, en 2022, dans la circonscription de Mégantic, le caquiste François Jacques a remporté l’élection avec seulement 46,4 % des voix. À l’échelle du Québec, la Coalition Avenir Québec (CAQ) a quant à elle remporté 90 des 125 sièges (soit 72 % des sièges), en recueillant pourtant 41,8 % des voix.

L’alternative proportionnelle

Dans un système proportionnel, le « mode de scrutin [] vise à donner à chaque parti politique un nombre de sièges proportionnel au total des suffrages qu’il a obtenus sur l’ensemble d’un territoire donné », selon le site Internet Perspective Monde de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

Si le gouvernement du Québec avait mené les élections de 2018 selon un mode de scrutin proportionnel, la CAQ n’aurait obtenu que 52 député·e·s. Le Parti québécois, qui a obtenu 3 sièges lors de cette élection, aurait pour sa part pu en récolter 19.

Ainsi, dans ce système, chaque voix compte, car le nombre de sièges assignés à chaque parti est proportionnel au pourcentage de votes obtenus. Les plus petits partis systématiquement éliminés par le mode de scrutin majoritaire peuvent donc parvenir à obtenir des sièges à l’Assemblée nationale.

Selon Wikipédia, « le concept de proportionnalité s’inscrit dans la logique de démocratie représentative [soit un] système politique dans lequel une assemblée restreinte représente un peuple, une nation ou une communauté ». Pour Jenny Cartwright, ce mode de scrutin serait à privilégier si le Québec aspirait véritablement à être une société démocratique.

La CAQ et la réforme du mode de scrutin

En 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) forme un gouvernement majoritaire à l’Assemblée nationale. Le chef du parti, François Legault, s’engage alors à réformer le mode de scrutin et affirme que ces élections seraient les dernières à avoir lieu selon le S.M.U.T.

En 2019, son gouvernement présente le projet de loi no 39, qui propose un mode de scrutin proportionnel mixte régional. En 2021, la CAQ décide finalement de ne pas adopter cette loi avant la fin de son mandat. Le gouvernement québécois écarte alors de nouveau le processus de réforme du mode de scrutin dans la province.

Le documentaire Les perdants sortira en salles le 28 février au Québec.

La 43ᵉ édition des Rendez-vous Québec Cinéma se tient jusqu’au 27 février 2025. La programmation complète est accessible en ligne.

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