Inventer un stage à l’étranger est une chose relativement simple. Prenez un étudiant. Moi, par exemple. Première étape : chercher les départements ou les centres de recherches qui pour- raient être en lien avec mon sujet. Je travaille sur la réception des romans de Mordecai Richler au Québec francophone ? Je suis à la maîtrise en littérature de langue française? Tiens, Mordecai Richler est très connu en Italie ? Deuxième étape : trouver où aller. J’avais envisagé Bologne. « Et pour- quoi pas Udine ? » La proposition est venue d’une des professeures du département, au téléphone. Elle était là-bas. Je venais de lui en parler. J’ai cherché le mot-clé Udine (en l’écrivant mal au départ). Bon, d’accord. U-di-ne, capitale de la région du Frioul, une petite ville de 100 000 habitants au nord de l’Italie.
Ils ont vraiment un Centro di cultura canadese à Udine ?
Intérêts œnologiques
Plus vrai que vrai. Ils aiment la polenta et le jambon cru. En plus, le vin n’est pas si mal? J’écris aux responsables du centre de recherche qui me répondent que je peux venir si ça me chante. Je rédige ma lettre de demande de financement à la Maison internationale, qui s’occupe des stages à l’étranger pour l’UdeM : « Saviez-vous que Mordecai Richler est très connu en Italie ? »
Et paf! Me voilà, billet en main, futur stagiaire dans une ville dont le nom m’évoquait bien peu de choses quelques semaines auparavant. Ma mission : remplir des fonctions de documentaliste dans un obscur centre d’études canadiennes situé à quelques dizaines de kilomètres de la frontière slovène, finir ce fichu mémoire de maîtrise et explorer les bas-fonds du continent européen.
On peut imaginer que le night life d’une ville italienne plus petite que Trois-Rivières n’est pas ce qu’il y a de plus excitant, mais je chercherai. Au pire, il y a Trieste et Venise à deux pas et le train ne coûte pas cher.
Ils parlent italien en Italie ?
Évidemment, tout cela serait plus facile si je parlais italien. L’ennui c’est qu’il ne reste pas grand-chose du cours du soir que j’ai suivi au bureau des Services aux étudiants de l’Université cet automne. Juste une ou deux expressions, en fait. Non c’è male, qui veut dire pas si mal, et Fa freddo, qui veut dire qu’il fait froid. Fa freddo ? Non c’è male…
Basta pour l’italien. Pour le reste, je m’arrangerai bien avec… un dictionnaire ? Peu importe, tout s’arrange après cinq ou six coupes de vin frioulan : une fois réchauffé, tout le monde est polyglotte. Ainsi va le brave chroniqueur. Donner des nouvelles culturelles d’un endroit où vous n’irez possiblement jamais et dont vous soupçonniez à peine l’existence. On crée la nouvelle, comme on dit.