La prochaine Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP16) se tiendra à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre prochains. Si la précédente COP (COP15), qui s’est déroulée en 2022 à Montréal, a permis d’adopter le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal¹, celle-ci a pour ambition d’établir sa mise en œuvre. Quartier Libre a rencontré des étudiant·e·s de l’UdeM et de HEC Montréal qui vont assister à l’évènement.
La Colombie, l’un des pays qui possèdent l’une des plus riches biodiversités mondiales, accueillera la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP) pour la première fois de son histoire. Pendant deux semaines, les représentant·e·s d’environ 190 pays discuteront des actions nécessaires pour atteindre les 23 cibles définies lors de la précédente COP, qui s’est tenue à Montréal en 2022, et les définiront. Parmi les objectifs à atteindre se trouvent par exemple la restauration de 30 % des milieux naturels dégradés et la protection de 30 % des milieux terrestres, d’eau douce, côtiers et marins d’ici 2030.
Les étudiants au doctorat en sciences biologiques à l’UdeM Gabriel Dansereau, Cristian Alexander Cruz Rodriguez et Francis Banville, participeront à la COP16 avec une délégation envoyée par le Group on Earth Observations Biodiversity Observation Network (GEO BON), un réseau mondial de chercheur·euse·s qui se consacre à l’étude de la biodiversité. Tous trois sont eux-mêmes membres du Groupe
de recherche en écologie computationnelle², dirigé par leur directeur de recherche et professeur au Département de sciences biologiques de l’UdeM Timothée Poisot.
QUE SIGNIFIE « BIODIVERSITÉ »?
La diversité biologique, aussi appelée« biodiversité », désigne l’ensemble des espèces et des écosystèmes
de la Terre ainsi que les processus écologiques dont ils font partie. Elle englobe tout ce qui vit, y compris les variétés créées par manipulation génétique ou par croisement sélectif. Cette diversité forme la biosphère, un enchevêtrement d’organismes vivants qui rend possible l’existence des êtres humains sur la planète.
Source : Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et
des Parcs du Québec
Mettre en place des indicateurs pour protéger la biodiversité
« On travaille sur des méthodes quantitatives et des simulations pour comprendre l’état
de la biodiversité, explique M. Dansereau. Au labo, on [étudie] beaucoup les réseaux écologiques³, donc les réseaux d’interaction entre les espèces. » Les trois chercheurs se penchent par exemple sur les chaînes alimentaires de la faune ou encore sur les réseaux de pollinisation.
Depuis quelques années, M. Dansereau, M. Cruz-Rodriguez et M. Banville travaillent également avec leur laboratoire sur des indicateurs de biodiversité et sur l’écologie des maladies infectieuses, notamment sur leur lien avec les réseaux écologiques. M. Dansereau se penche plus précisément sur la prédiction de la création des chaînes alimentaires à grande échelle géographique.
« De mon côté, je fais plus de l’écologie théorique en étudiant les réseaux de prédateurs-proies, précise M. Banville. Je réalise un postdoctorat sur les indicateurs de biodiversité qui concernent les [interactions] hôtes-parasites⁴. »
M. Cruz Rodriguez s’intéresse quant à lui à des indicateurs socioécologiques pour mesurer les contributions de la nature à la population. Il se demande également comment les communautés peuvent interagir pour faciliter la conservation de la biodiversité. Avant d’arriver au Québec pour son doctorat, il travaillait dans son pays d’origine, la Colombie, à l’Instituto Humboldt de Bogota. Ce lieu est dédié à la recherche fondamentale et appliquée, et les chercheur·euse·s qui y travaillent œuvrent notamment à dresser un inventaire scientifique de la biodiversité du pays.
Un outil pour recenser les indicateurs sur la biodiversité
Le réseau GEO BON, avec lequel les trois doctorants de l’UdeM vont se rendre à Cali, va d’ailleurs présenter à la COP16 l’outil collaboratif Bon in a box. GEO BON a développé cette plateforme avec plusieurs collaborateur·rice·s, dont certain·e·s sont issu·e·s de l’Instituto Humboldt et de l’UdeM, afin de recenser un certain nombre d’indicateurs sur la biodiversité. M. Dansereau, M. Cruz Rodriguez et M.
Banville vont participer à l’organisation d’un atelier en parallèle de la présentation de Bon
in a box. « Ce sera sous forme de rencontres et de discussions avec des personnes qui prennent des décisions politiques, précise M. Dansereau. Cela permettra notamment de savoir quels indicateurs devraient être intégrés en priorité à l’outil existant. » En fonction des échanges qui auront lieu durant cet atelier, l’ensemble des chercheur·euse·s présents pourront ainsi mieux déployer leurs efforts pour atteindre les 23 cibles de l’accord de Kunming-Montréal.
D’après Cristian Alexander Cruz-Rodriguez, les outils comme Bon in a box permettront d’ailleurs aux gouvernements de maintenir ou d’atteindre leurs objectifs. © Clément Souchet
S’assurer que les États ont un plan d’action clair pour fixer leurs objectifs à l’échelle nationale reste la mission première de la COP, selon M. Banville. D’après M. Cruz Rodriguez, les outils comme Bon in a box permettront d’ailleurs aux gouvernements de maintenir ou d’atteindre leurs objectifs. « Par exemple, pour
les espèces endémiques comme le tamarin à crête blanche en Colombie, qui se trouve seulement dans la région caribéenne du pays, on peut suivre l’évolution de leur nombre entre deux périodes », détaille-t-il. En effet, Bon in a box donne la possibilité aux autorités d’identifier les espèces en voie de disparition
et les facteurs qui y contribuent, ainsi que de prende des mesures pour maintenir les populations menacées.
« Le but est de développer un réseau de plusieurs sites dans le monde, où des mesures similaires de la biodiversité sont prises », souligne M. Dansereau. Le directeur de recherche des trois doctorants, M. Poisot, a d’ailleurs travaillé sur la modélisation de la répartition d’une espèce végétale donnée. « En combinant par exemple le nombre d’érables à sucre avec des données environnementales comme la température moyenne ou l’utilisation du territoire [urbain ou rural], le pipeline d’analyse va pouvoir faire des prédictions sur les lieux favorables où planter des érables à sucre », illustre M. Dansereau.
LA CONFÉRENCE DES PARTIES La Conférence des parties (COP) est l’organe directeur de la Convention sur la diversité biologique (CDB), un traité international adopté lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. Elle vise à établir des programmes, des engagements et des cadres d’action pour conserver la diversité biologique et l’utiliser de manière durable, et à assurer le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. La COP se tient tous les deux ans. Source: cop16combia.com
S’inspirer des discussions politiques
L’étudiant au doctorat en administration à HEC Montréal, spécialité management, innovation, sociale et développement durable, Karl Janelle participera à la COP16 grâce à une délégation organisée par Les Offices jeunesse internationaux du Québec (LOJIQ) en partenariat avec le Global Youth Biodiversity Network (GYBN) et le ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec (MRIF). En amont, il prendra part au Forum jeunesse pré-COP, qui se tiendra les 19 et 20 octobre prochains à Cali.
Dans le cadre de ses recherches, M. Janelle s’intéresse notamment aux enjeux liés à la justice sociale dans le processus de transition énergétique « Si on décide simplement de monter les tarifs pour faire baisser la consommation d’énergie, ça va déjà affecter des personnes en situation difficile ou des gens qui vivent déjà dans des bâtiments moins performants », explique-t-il. Il se penche d’ailleurs sur les stratégies politiques à mettre en place pour intégrer ces questions au cadre légal et réglementaire du secteur de l’énergie au Québec.
« Je vois la COP16 comme une occasion de comprendre comment se déroulent les discussions et de voir comment les idées peuvent être explorées plus localement, poursuit-il. Je souhaite également [m’inspirer] de la façon dont des pays aux cadres législatifs différents négocient pour mettre en place des ententes aussi importantes. »
© Clément Souchet
Une occasion de mettre ses connaissances en pratique
Si M. Janelle s’intéresse à la dimension politique des enjeux environnementaux, c’est aussi parce qu’il s’implique dans plusieurs organismes. Il est notamment président de Coalition climat Montréal (CCM). Cet organisme informe les citoyen·ne·s, les décisionnaires politiques et les acteur·rice·s de la transition énergétique et les met en réseau, dans le but d’atteindre la carboneutralité de la métropole en 2047. « À travers mes recherches, je m’intéresse surtout au rôle des organisations d’économie sociale dans la transition écologique, développe le doctorant. En particulier comment elles peuvent générer des changements institutionnels en s’associant avec d’autres [organismes]. »
M. Janelle fait aussi partie du groupe de travail Logement en transition de l’alliance Transition en commun. Ce groupe a pour mission de réfléchir à l’avenir du parc immobilier montréalais, notamment en ce qui concerne l’efficacité énergétique et l’accès au logement.
« Même si la biodiversité n’est pas le thème central de mes recherches, elle est inhérente à la transition énergétique », précise le chercheur. Pendant la COP16, il compte rencontrer des organismes et des militant·e·s d’autres pays. Ainsi, il espère revenir à Montréal avec des idées qui permettront de mettre en place le processus visant à atteindre les cibles fixées par l’accord. « J’espère pouvoir aider les citoyens à prendre des initiatives pour reprendre le contrôle sur leur qualité de vie », ajoute-t-il. M. Dansereau, M.Cruz Rodriguez et M.Banville voient eux aussi la COP16 comme une occasion de mettre en pratique l’écologie théorique sur laquelle ils travaillent dans leur laboratoire.
M. Dansereau, M. Cruz-Rodriguez et M.Banville voient eux aussi la COP16 comme une occasion de mettre en pratique l’écologie théorique sur laquelle ils travaillent dans leur laboratoire.
« On espère voir ce qui est plus utile pour les gestionnaires de la biodiversité et comment les indicateurs qu’on développe pour mesurer les changements climatiques peuvent être pris en compte pour mettre en place des outils à différentes échelles », confie M. Banville. Ces outils pourraient d’ailleurs être adaptés aussi bien au niveau national qu’au niveau international pour aider les pays à atteindre les cibles qu’ils se seront fixées au cours de la Conférence de Cali.
TRAITÉ INTERNATIONAL ADOPTÉ LORS DU SOMMET DE LA TERRE À RIO DE JANEIRO EN 1992 En juin 1992, à Rio de Janeiro, au Brésil, la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, connue sous le nom de Sommet « planète Terre », a adopté une déclaration qui a fait progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l’environnement. La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement témoigne de deux grandes préoccupations apparues pendant l’intervalle de 20 années séparant ces deux conférences: la détérioration de l’environnement, notamment de sa capacité à entretenir la vie, et l’interdépendance de plus en plus manifeste entre le progrès économique à long terme et la nécessité d’une protection de l’environnement. Source : https://www.un.org/
- ONU (2022): Convention sur la biodiversité biologique. En ligne. Consulté le 2 octobre 2024 .
- L’Office québécois de la langue française définit l’écologie computationnelle, aussi appelée biologie computationnelle ou bio-informatique, comme « un domaine interdisciplinaire, situé au carrefour de l’informatique, des mathématiques et de la biologie, qui traite de l’application de l’informatique aux sciences biologiques. Il recouvre l’ensemble des utilisations de l’informatique pour la gestion, l’entreposage, l’analyse, le traitement, l’organisation, la comparaison et la diffusion de données relatives à l’ensemble des sciences biologiques (physiologie, écologie, biochimie, biologie moléculaire et, dans une large mesure, génétique et génomique). »
- Le site Internet geoconfluences.ens-lyon.fr explique qu’un réseau écologique « renvoie ainsi à l’espace fonctionnel au sein duquel une espèce peut réaliser l’ensemble de son cycle de vie. »
- Le site Internet lalanguefrançaise.com définit l’hôte-parasite comme « une interaction biologique entre deux organismes, où l’un (le parasite) tire profit de l’autre (l’hôte), provoquant souvent des effets négatifs pour ce dernier. Dans cette relation, le parasite dépend de l’hôte pour sa survie et sa reproduction. Il peut lui soutirer des ressources alimentaires, abriter ou se reproduire à ses dépens. »