Julia Roberts, Halle Berry, Hilary Swank, Reese Witherspoon, Kate Winslet… ces actrices américaines ont un point commun: une fois «oscarisées », elles ont rompu avec leur partenaire. Les femmes qui réussissent dérangent-elles les hommes ? Et le Québécois dans tout ça ? Est-il aussi «mou» qu’on le dit ?
«Personnellement, je ne pourrais pas être avec un gars qui gagne moins que moi ou qui est moins scolarisé : je le trouverais paresseux.» Joanie, 28 ans, professeure spécialisée en médias au cégep, ne mâche pas ses mots. La jeune femme représente un nouveau modèle de femme québécoise, de plus en plus scolarisée et diplômée. En effet, selon un rapport du Conseil du statut de la femme du Québec, publié en février 2010, les femmes représentaient, en 2008- 2009, 58,1% des étudiants des universités québécoises. Cependant, l’écart de salaire entre hommes et femmes persiste : le revenu total moyen des femmes en 2006 équivaut à 63 % des revenus totaux moyens des hommes. Les femmes qui gagnent plus que leur partenaire sont donc encore une minorité au Québec. Pour Joanie, la réussite entraîne une hausse des critères dans ses relations. « Je juge extrêmement les hommes. J’en ai reviré plus d’un pour des raisons ridicules comme sa façon de parler, son niveau d’étude, sa paresse, etc. Je sais qu’un gars avec une technique [au Cégep] et un salaire de 50000 $ peut être gentil et avoir de super valeurs, mais pour moi ce n’est pas suffisant.» La jeune femme a pourtant reçu une éducation qui tranche avec son attitude : un père directeur d’hôpital et une mère infirmière, le schéma familial typique ! Cependant, sa mère, très féministe, lui a toujours appris à se débrouiller sans les hommes et à ne jamais en dépendre financièrement. Et plus ses revenus et son nombre de diplômes ont augmenté, plus Joanie a haussé ses critères en matière d’hommes. « J’ai besoin que l’autre me challenge au niveau intellectuel, je n’ai pas envie d’être la prof de mon chum. S’il me dit être impressionné par mon niveau d’études, je ne le prends pas comme un compliment… mais comme un signe d’infériorité de sa part !»
Sois belle et tais-toi
Nathalie, d’origine haïtienne, est enseignante en cinéma et communication, pigiste et écrivaine. Elle a un bon salaire, mais n’est pas forcément intéressée par des hommes plus riches qu’elle. «Les femmes qui ont plusieurs diplômes, qui deviennent entrepreneures, développent parfois des attentes démesurées envers les hommes. Moi, si je rencontre un président d’entreprise, je ne vais pas être impressionnée. J’aime les artistes, donc le revenu, je m’en balance !»
Néanmoins, si le compte en banque ne fait pas l’homme pour Nathalie, le discours change quand on aborde la culture générale. Nathalie avoue qu’au cégep, elle a souvent dû faire la niaise pour ne pas heurter l’ego de ses petits amis. «Puis, j’en ai eu marre de cette méthode de drague. Maintenant, je parle librement, que cela plaise ou non. De toute façon, un loser est un loser… avec ou sans diplômes ou revenu à six chiffres.»
Michelle, la quarantaine, a un parcours universitaire impressionnant: un bac, une maîtrise, un diplôme en enseignement, des études en cinéma et en communication. Pourtant, pour elle, ce n’est pas la culture générale qui est l’élément le plus important : « J’aime fréquenter des gens passionnés – ça peut être de voitures, de sports ou de théâtre –, pourvu que la flamme y soit. Il n’est pas nécessaire que le sujet me passionne forcément: j’aime apprendre des autres.»
«Mal élevé, paresseux et mou»
Michelle a fréquenté des hommes moins scolarisés qu’elle. Certains ont développé une gêne par rapport à leur manque de culture. « Des chums m’ont déjà dit qu’ils étaient certains que je ne pouvais pas les prendre au sérieux. Un autre a remarqué le grand nombre de livres sur mes tablettes, et m’a demandé si j’avais tout lu. Puis, il a pris le journal, a lu la manchette et a déclaré qu’il venait de faire sa lecture pour l’année.» Les réactions varient donc en fonction de l’homme… mais aussi de sa culture. Nathalie explique : « Une femme qui se sent accomplie, satisfaite dans sa vie professionnelle, indépendante financièrement, avec une envie d’apprendre et d’évoluer… c’est une femme qui n’est pas docile et qui “répond”, comme disent les Italiens ou les Antillais. Un Québécois, je crois que ça le perturbe moins et c’est tout à son honneur.»
L’opinion de Joanie diffère sur la question. Pour elle, l’homme québécois est «mal élevé, paresseux et mou». En effet, depuis une dizaine d’années et l’arrivée des jeunes Français à la barbe mal rasée, la barre semble être plus haute. D’ailleurs, Joanie a fréquenté de nombreux Français: «Ils ont une façon d’approcher les filles et d’être plus “hommes” que les Québécois, même s’ils pèsent 25 lb de moins. Et puis, le Québécois qui est toujours accroché aux jupes de sa mère, c’est assez fréquent.»
Martin est un Québécois. Il travaille au service à la clientèle dans un magasin de détail, tandis que sa blonde est conseillère en ressources humaines. Tous deux ont des cheminements bien différents. Alors que Martin n’a pas complété son bac en lettres et a commencé à travailler, sa partenaire a dans sa poche un bac en sociologie, une maîtrise en études urbaines et a commencé un certificat en sciences humaines. Pourtant, pas de frictions dans le couple par rapport au salaire et aux études. «Nous, ce qui nous rassemble, ce sont les intérêts communs, explique Martin. Et on a le même tempérament, on est des personnes conciliantes. Au niveau du budget, elle n’est pas radine, elle n’a pas des goûts de luxe. » Cependant, un point diffère entre les deux : l’ambition. Pour Martin, en effet, la vie professionnelle n’occupe pas une grande place, et il préfère passer du temps à écrire des poèmes. Un problème pour sa conjointe ? Pas forcément. Et dans dix ans ? «Si on est toujours ensemble, que je stagne dans mon boulot parce que je suis dans une zone de confort, et qu’elle a une situation qui évolue, peut-être qu’elle va avoir envie de me brasser un peu la cage.»