«Pensez à un objet immergé dans l’eau, qui devient coupé du monde à la surface, suggère la professeure en composition à la Faculté de musique de l’UdeM Myriam Boucher. L’art immersif permet de représenter virtuellement des phénomènes qui ne sont pas observables directement par les participants. »
L’intention de cette pratique est de proposer une expérience sensorielle complète dans laquelle l’auditoire est plongé au cœur de l’œuvre et du monde de l’artiste à l’aide, notamment, d’outils technologiques. L’objectif est alors de stimuler les sens sur plusieurs plans en créant une illusion de la réalité.
Par exemple, plutôt que de simplement apprécier une œuvre accrochée sur le mur d’un musée, l’art immersif combine trame sonore, effets visuels et peut-être même odeurs afin de faire vivre une expérience complète de submersion dans l’œuvre.
Au cours de la formation Création musicale immersive avancée proposée par l’UdeM et la SAT, les participant·e s ont l’occasion de créer leur propre œuvre immersive et de développer leurs compétences.
Un pont entre études et profession
Cette formation est l’idée de la professeure à la Faculté de musique Myriam Boucher, qui collabore régulièrement avec la SAT dans le cadre de sa pratique professionnelle, et du compositeur et créateur sonore à la SAT David Ledoux, qui accompagne les artistes en résidence dans leurs projets.
La conception de ce nouveau cours découle d’un constat que ces deux professionnel·le·s du monde de la musique ont établi ensemble : un espace manque pour lier les étudiant·e s et les praticien·ne·s.
« L’idée était de créer un pont entre le milieu professionnel, qui est souvent cloisonné dans des pratiques très formalisées, très normées, et des gens en recherche [à l’Université] qui ne sont pas confrontés aux réalités pratico-techniques de l’industrie et qui pensent très librement », explique M. Ledoux.
Peu de personnes ont le privilège de travailler sur leur projet directement dans le dôme de la SAT durant une période prolongée. L’arrivée du séminaire permet ainsi d’élargir son accès.
Seuls vingt étudiant·e·s ont la chance de suivre cette formation. La moitié des participan·t·e·s étudient à la maîtrise en musique à l’Université de Montréal tandis que l’autre moitié sont des artistes professionnel·le·s. Pour y être admis·e, « il faut arriver déjà avec un bagage philosophique et une démarche artistique à partager », précise M. Ledoux.
« Il faut avoir de l’expérience, ajoute Mme Boucher. Techniquement, il faut savoir comment ça marche. Personne ne rentre ici sans savoir ce qu’est de l’art immersif. Ce sont toutes des personnes qui ont déjà des pratiques artistiques très développées. »
De la théorie à la pratique
Trois blocs distincts composent le séminaire : théorie, pratique en milieu non contrôlé et pra- tique en milieu contrôlé. Les trois premières séances sont données sous forme magistrale théorique sur l’art immersif, et plus précisément en lien avec la musique.
Ensuite, les participant·e·s sont amené·e·s à créer leur propre projet de création musicale immersive en équipe dans un espace non contrôlé, que ce soit entre les murs de la Faculté de musique, en installant des hauts- parleurs dans un couloir, ou au moyen d’une projection dans les salles de bain comme l’a expliqué Mme Boucher. Le but de l’exercice est, notamment, de développer la créativité des étudiant·e·s dans un espace totalement libre et normalement inadapté à une telle installation.
Les trois dernières séances du cours se déroulent dans le dôme de la SAT, au sein de laquelle les participant·e·s ont le loisir d’utiliser l’espace et les outils mis à leur disposition pour la création de leur projet final.
Les œuvres des étudiant·e·s seront accessibles au public une fois le trimestre achevé. Les deux formateur·rice·s inviteront d’ailleurs les pairs de l’Université à venir les découvrir. Les dates pré- cises de leur exposition seront communiquées plus tard durant la session.
Une cohorte aux profils variés
Puisque les participant·e·s sont amené·e·s à travailler en collaboration les un·e·s avec les autres, l’équipe de sélection a choisi des per- sonnes qui ne viennent pas forcément des mêmes disciplines.
Anissa est artiste en art numérique, et a étudié à l’Université Concordia en Studio arts, un programme de baccalauréat en arts visuels combinant plusieurs types de pratiques. Elle se consacre avant tout aux nouveaux médias, particulièrement en installation sonore et en art immersif. Sa spécialité n’est pas la musique, mais la robotique et l’électronique.
Elle s’est inscrite au séminaire afin de « de pousser [sa] réflexion, de créer des liens avec des personnes dans le domaine et de créer un projet en commun avec eux ». Elle souhaite, d’une part, s’enrichir des connaissances musicales étendues des étudiant·e·s à la maîtrise et, d’autre part, leur apporter son savoir-faire en arts visuels.
Par la suite, elle rêve d’aller plus loin dans le projet d’installation structurale immersive musicale sur lequel elle avait travaillé à Concordia. Dans le cadre de celui-ci, elle avait reproduit le son des vagues en mer en transposant les amplitudes et le nombre de périodes des vagues en musique.
Alexandre, quant à lui, a découvert son intérêt pour la musique à l’adolescence lorsqu’il a eu son premier ordinateur portable et qu’il a installé le logiciel Garage Band. Il a par la suite commencé à effectuer des DJ sets dans des bars et dans des raves. Il a récemment sorti son premier microalbum* réalisé de façon indépendante. Il n’a jamais fait d’études musicales. L’autodidacte est titulaire d’un baccalauréat en design graphique de l’Université du Québec à Montréal. L’artiste souhaite en savoir davantage sur « l’aspect psychologique et philosophique des perceptions ».
« J’ai hâte de découvrir les possibilités, et les idées vont venir au fur et à mesure que je comprends les paramètres, confie-t-il. J’aimerais beaucoup explorer la relation entre l’immersion et les effets thérapeutiques de la musique. »
* Selon le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, un microalbum, de l’anglais extended play, ou EP, est un enregistrement comportant une bonne sonore d’environ dix à quinze minutes, soit trois à six pièces.