Société

L’année 2023 est un record en terme de licenciements dans le secteur du jeu vidéo, avec près de 6 300 suppressions d’emploi depuis le début de l’année dans le monde. Crédit: Juliette Diallo

Licenciements: « GAME OVER »

Faut-il s’alarmer quant à la stabilité du marché du jeu vidéo ? Le 28 septembre dernier, le studio international de développement Epic Games a licencié 16 % de ses effectifs. L’entreprise a notamment développé le célèbre jeu Fortnite, qui a généré 26 milliards de dollars de recettes depuis son existence.

L’entreprise n’est ni la première ni la dernière à réduire sa masse salariale. En mars dernier, Electronic Arts a diminué de 6 % ses effectifs. Ainsi, près de 800 personnes ont perdu leur emploi. Il n’y a pas que les géants du secteur du jeu vidéo qui réajustent leurs dépenses. Le dirigeant de la jeune entreprise Ascendant Studio, Bret Robbins, a révélé avoir licencié 45 % de son personnel en septembre. Sa société a vu le jour en 2018 des suites de la faillite de Telltale Games.

D’après le président-directeur général (PDG) du studio indépendant Lucid Dreams Studio, Maxime Grégoire, cette situation serait le résultat d’investissements élevés lors de la pandémie. Une croissance conséquente des ventes aurait poussé plusieurs studios à commettre certaines erreurs, dans le but de plaire aux actionnaires. « Ces manquements ont fait perdre de l’argent à des compagnies qui étaient stables auparavant », explique le PDG.

Ces investissements ne s’alignent notamment plus avec les nouvelles habitudes de consommation des joueur·euse·s. « Aujourd’hui, les gens dépensent plus dans les sorties et moins dans les jeux vidéo », affirme M. Grégoire. Pour autant, le PDG ne voit pas le secteur des jeux vidéo s’effondrer, à moins qu’il n’y ait des changements majeurs à venir. « C’est une période creuse mais la situation tend à se stabiliser », nuance-t-il.

Un climat précaire

Cette situation critique frappe également les studios indépendants de la ville de Montréal, réputée plaque tournante du jeu vidéo dans le monde. Près de 200 studios y étaient recensés en 2020. « Aujourd’hui, il est plus difficile de trouver des financements, on sent qu’il y a un climat particulier », rapporte M. Grégoire. Ce contexte ne facilite pas la recherche de travail pour les récent·e·s diplômé·e·s, à l’instar de l’ancienne étudiante au DESS en design de jeux vidéo à l’UdeM Marie Guillot, conceptrice de jeu pour Wild Blueberry Games depuis septembre dernier.

Elle révèle que toutes ses demandes de stage ont été refusées parce qu’elle manquait d’expérience. « J’ai finalement la chance de travailler dans un studio indépendant fondé par l’un de mes professeurs, témoigne-t-elle. Trouver une première expérience professionnelle est toujours l’étape la plus difficile à passer. »

L’étudiant à la majeure en jeux vidéo et au certificat en informatique appliquée Gabriel Adam confirme ses propos. « Je veux fonder mon propre studio, mais avant je dois trouver un premier emploi dans le milieu », décrit-il. Il rappelle notamment que le regroupement étudiant de l’Association de développement vidéoludique de l’UdeM (ADVUM), dont il est membre, propose régulièrement de mettre en contact étudiant·e·s et professionnel·le·s du milieu. Selon lui, ces rencontres permettent un partage d’expériences et de précieux conseils pour « briser la barrière entre les études et le monde professionnel ».

Après la pluie, le beau temps

Malgré ces nouvelles alarmantes, le PDG et cofondateur de Lucid Dreams Studio tient à rassurer les futur·e·s travailleur·se·s. Il rappelle ainsi que de nouveaux studios émergent constamment sur la scène montréalaise. « Leur arrivée montre bien que l’écosystème est encore sain, assure Maxime Grégoire. Autrement, il y en aurait de moins en moins. »

L’arrivée récente du studio sud-coréen Krafton en février dernier l’atteste. La directrice des ressources humaines de l’entreprise, Natalie Mollier, relève le nombre constant de débouchés offerts par de célèbres compagnies, telles qu’Ubisoft ou Aiden. « C’est loin d’être l’hécatombe comme on peut l’entendre partout », affirme-t-elle. Elle souligne également que les personnes récemment licenciées ne restent pas longtemps sans emploi.

M. Grégoire soutient qu’en ces temps difficiles, les étudiant·e·s ne doivent pas désespérer. « Les jeux vidéo restent un domaine en pleine progression, soutient-il. Les opportunités ne manquent pas, c’est juste une mauvaise passe. »

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