Culture

Crédit photo : Lucas Sanniti

Brouiller les frontières entre l’art et le genre

Comme à l’aube de l’Univers, tout commence par un silence. Plongées dans l’obscurité, des formes de vie encore camouflées dans l’ombre marquent peu à peu leur présence par des gazouillements, des cliquetis et des fracas. Les rumeurs se répandent dans la salle, et apparaissent derrière les auditeurs grâce à des haut-parleurs habilement dissimulés. On vient à se demander si certains de ces sons ne proviendraient pas du public plutôt que de la performance encore invisible qui se tient à l’avant.

La clameur continue, les voix désincarnées se font plus claires, les vrombissements plus secs, et les impacts métalliques plus durs. Un crescendo sonore et insoutenable emplit la salle avant de culminer en un silence contemplatif. L’envie de voir, mais l’obligation d’écouter, est presque insupportable. Comme pour répondre à cet inconfort, une chaude lumière apparaît, dévoilant les auteur·rice·s de cette musique d’outre-monde.

Un ensemble d’individus habillés en tenues sombres pénètre la salle, et navigue l’espace d’une marche paisible. Des bribes de conversation anodines, allant de déclarations d’amour à des commandes de pizza, sont prononcées par les charmants personnages qui semblent inconscients du monde qui les entoure. Certain·e·s se rencontrent, échangent quelques mots, et continuent leur pèlerinage vers des destinations inconnues. D’autres s’allongent, s’assoient et se prélassent à même le sol. Il ne faut pas trop de temps avant que tous soient par terre, tendant la main vers des trépieds et des micros pour les utiliser comme instruments, armes de combat ou accessoires énigmatiques.  

Entre l’expérimentation sonore du corps humain, l’utilisation de dispositifs électroniques pour modifier les voix, et le partage d’anecdotes personnelles touchantes de la part des artistes, (Re)faire chœur queer transporte l’auditoire dans un milieu où chacun peut être soi-même. À la limite entre le théâtre, la chorale, et la performance improvisée, les interprètes réussissent à ramener le public vers une innocence enfantine où le jeu est permis, voire nécessaire. On nous rappelle que rire, pleurer, crier, et se secouer dans tous les sens sont toutes des choses fondamentalement humaines et nécessaires.

Pour Jade Préfontaine, « anti-chef·fe » du projet, il était avant tout question de regrouper une variété d’artistes des communautés LGBTQIA2+ pour collaborer vocalement. « Le chœur queer est moins une « chorale » qu’un ensemble queerifié » peut-on lire dans la brochure d’information de l’événement. Une phrase qui représente bien l’essence du projet.  (Re)faire chœur queer est un terrain de jeu où les lignes sont floutées, où les barrières s’estompent, et où tous peuvent s’exprimer en pleine liberté sans souci, ou préoccupation de se priver d’être soi-même. Une expérimentation vocale et artistique qui demeure surprenante, percutante et, avant tout, décidément humaine.   

Assister à (Re)faire chœur queer

 Re(faire) chœur queer est interprété par le collectif Choeur queer à l’occasion du Festival Saint-Ambroise Fringe de Montréal.

Les représentations restantes auront lieu au sein du studio Jean-Valcourt du Conservatoire de musique de Montréal samedi 17 juin à 21 h 15 et dimanche 18 juin à 15 h 45. 

Tarif : 11,50 $

Réservation ici

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