Culture

« Here Comes the Sun » : le paradis caribéen déconstruit

L’exposition réunit des œuvres de Joiri Minaya, d’Ada M. Patterson, d’Irene de Andrés et de Katherine Kennedy. À partir de photographies, d’images d’archives, d’un film d’animation, ou d’un poème visuel, les quatre artistes déploient une forme de contre-discours donnant la réplique à l’idéal, forgé en Occident, des Caraïbes comme un espace paradisiaque naturellement fait pour le plaisir.

Derrière les mises en scène de nature édénique, derrière les aménagements touristiques et toute la truculence calculée de l’espace caribéen, quelles sont l’histoire et la réalité cachées de ces territoires ?

Contrastes parlants

En entrant dans la salle d’exposition de la galerie SBC, au cinquième étage du 372, rue Sainte-Catherine Ouest, l’œil se porte d’emblée sur le papier peint du mur du fond. Celui-ci représente un palmier étêté, sur un arrière-plan de ciel gris. Au même mur, des photos de grands monuments à la gloire des conquérants sont accrochées. Eux ont toujours une tête sur leurs épaules.

Irene de Andrés, El Segundo Viaje, papier peint, photographie contrecollée sur Sintra, vidéo, 15:00 min., 662 x 237 cm (papier peint) 24 x 52 cm (photographies), 2015-2017. Crédit : Freddy Arciniegas – Arcpixel.

Cette installation de l’artiste espagnole Irene de Andrés témoigne bien de l’écart entre l’imaginaire idyllique de ces territoires et l’histoire qui a mené à cette nouvelle forme de monoculture, la touristique. Elle évoque surtout un paysage beaucoup plus austère que l’idée vendue dans des brochures.

Dans le cadre de cette exposition, l’artiste originaire d’Ibiza, en Espagne, s’intéresse plus particulièrement à l’île de Puerto Rico. Une vidéo de 15 minutes réalisée par l’artiste mélange ainsi des images d’archives vantant les beautés de l’île, sur une musique triomphante, où propagande colonialiste et publicité touristique se confondent.

Sur cette « progress island USA », est-il mentionné dans la vidéo, l’hôtel El Conquistador vous attend et saura vous donner tout le confort que vous méritez.

Le tourisme, nouvel extractivisme

Ada M. Patterson, dans un poème visuel, présente quant à elle l’industrie touristique comme une nouvelle forme d’extractivisme après celui lié à la canne à sucre. L’artiste barbadienne évoque ainsi le passage d’une monoculture à une autre. « D’une culture étrangère à une autre […] Nous avons planté des serviettes de plage et de parasols à plumes sur nos champs de sable », souligne le poème.

Mme Patterson remet en question, par la même occasion, l’idée selon laquelle l’industrie touristique profiterait avant tout aux communautés locales. « La récolte atteint à peine / nos marchés, notre peuple / les vautours au-dessus de nous prennent toujours la première bouchée », dénonce-t-elle.

À voir jusqu’au 18 mars

L’entrée à l’exposition est gratuite. Une visite commentée en anglais par la co-commissaire Noor Ale est d’ailleurs prévue le jeudi 16 mars à 18 h.

En complément, la galerie propose sur son site Internet une exposition virtuelle pensée par l’historienne de l’art Bettina Pérez Martínez.

Joiri Minaya, Container #3, #5, photographies contrecollées sur Sintra, 101 x 152 cm, 2020
et Joiri Minaya, Redecode: a tropical theme is a great way to create a fresh, peaceful, relaxing atmosphere, papier peint, 347 x 237 cm, 2015. Crédit : Freddy Arciniegas – Arcpixel.

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