L’histoire devait être très simple au départ : une jeune illustratrice de Shanghaï, Zovi, décide d’aller rendre visite à son amoureux à New York, avant que ce dernier ne vienne s’installer pour de bon dans la ville chinoise, quelques semaines plus tard.
Mais déjà, alors qu’elle s’apprête à prendre l’avion, Zovi entend parler de l’éclosion d’un virus à Wuhan. Puis, une fois dans les airs, elle apprend que ce virus se transmet entre humains…
Changer ses plans
Au début, le séjour de Zovi à New York ne devait durer que deux semaines. Puis, les vols ont été annulés, les frontières se sont fermées et presque toutes les activités quotidiennes se sont mises sur pause : « Quelqu’un a débranché la Grosse Pomme ». La visite s’est alors transformée en une bifurcation bien plus durable dans le plan de vie de la protagoniste.
Certaines personnes auront vécu des situations bien pires que celle de Zovi, à l’image de l’une de ses amies, restée en Chine, à qui elle téléphone pour prendre des nouvelles et apprendre ce qu’elle a évité en quittant le pays. L’illustratrice, dans l’incertitude face à ces bouleversements, réussit dans ses planches à témoigner des angoisses qu’elle a pu vivre, sans trop chercher à s’apitoyer sur son sort.
Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’un événement de cette ampleur frappe la planète entière, bien que la population soit touchée à des degrés différents. Comme le mentionne Zovi à son amoureux dans l’une des cases de la bande dessinée : « C’est la première fois que je suis aussi directement touchée par un truc mondial. »
La microhistoire
La distance temporelle rapproche-t-elle encore trop le lectorat de la pandémie pour que celui-ci se replonge dans ce grand événement historique ? Les « journaux de pandémie » des écrivain·e·s « prisonnier·ère·s » de leurs maisons de campagne ont-ils ruiné à jamais l’intérêt pour « l’art pandémique » ?
Peut-être pas, si la rétrospective est faite à la manière de Zovi. Ainsi, dans Quelqu’un a débranché la Grosse Pomme, la pandémie agit surtout à titre de toile de fond, délimitant et déterminant les possibilités, brouillant l’horizon. Pas question donc d’analyser tous les tenants et aboutissants ou de faire un grand bilan de la page d’histoire « COVID-19 ».
Au fond, l’histoire reste celle de Zovi, servie par des illustrations simples mais efficaces, humoristiques à certains moments et plus teintées d’angoisse à d’autres.
Prendre un grand événement comme celui de la pandémie du point de vue de la microhistoire, c’est faire voir certaines de ses conséquences, évidemment, mais c’est aussi montrer comment la population doit continuer à vivre malgré tout, en s’accommodant de la situation du mieux qu’elle le peut.
L’histoire de Zovi n’est qu’un petit chapitre au cœur de l’Histoire, mais elle n’a pas d’autre prétention.
Quelqu’un a débranché la Grosse Pomme. Zovi. Bande dessinée. Publiée aux éditions Mécanique générale le 13 février 2023.