Culture

Myriam Boileau et Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil dans les studios de CISM. Courtoisie : Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil.

Créer pour la plaisir de partager

L’étudiante à la maîtrise en études littéraires à l’UQAM Rachel Lamoureux vient de publier son premier recueil de poésie, À quoi jouons-nous, à 26 ans. L’œuvre parue aux éditions Le Quartanier est le fruit d’un long travail. «C’est fou le nombre d’heures que j’ai mises dans ce manuscrit!» s’exclame-t-elle. Elle révèle avoir passé un an et demi à le revoir et à le peaufiner lors du processus éditorial.

La titulaire d’un baccalauréat en sociologie de l’UdeM Myriam Boileau et l’étudiant à la maîtrise en philosophie également à l’UdeM Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil mentionnent quant à eux passer environ vingt?heures par semaine à préparer leur émission Le Chaînon marquant, diffusée sur les ondes de CISM pendant le trimestre d’automne. «Ça doit rester le fun, c’est sûr», indiquent les deux animateur·rice·s. 

Pour les trois créateur·rice·s, se concentrer sur les motivations intrinsèques de leur activité est ce qui leur assure de la réaliser dans le plaisir, quel que soit le nombre d’heures qu’il et elles y consacrent. Avant même de penser à la reconnaissance ou aux retombées de leurs projets, Rachel, Myriam et Pascal-Olivier ont ainsi voulu être fidèles à leurs idées. «Si on cherche trop à avoir la reconnaissance qu’on voudrait avoir, ultimement, ça va peut-être modifier le contenu de l’émission», ajoute ce dernier.

Suivre ses idées et les mener à terme

Rachel insiste sur l’importance de la persévérance et encourage les poètes émergent·e·s. «N’arrêtez pas, l’écriture, c’est du boulot, ça prend du temps! déclare-t-elle. Finissez votre projet.» L’auteur en sait quelque chose: le chemin qui l’a menée aux éditions Le Quartanier et à sa collaboration avec le magazine Lettres québécoises a été long.

En 2019, lorsqu’elle était étudiante de première année au baccalauréat en création littéraire à l’UQAM, elle s’est démarquée des 100 participant·e·s du Marathon d’écriture de Québec en remportant la première place dans la catégorie poésie grâce à son œuvre Enfoncer la plume dans la plaie. Celle-ci avait d’ailleurs été publiée dans le recueil Recoudre les ruines, aux Éditions L’Hybride. Toutefois, malgré ce premier succès, Rachel n’avait alors pas réussi à trouver une maison d’édition pour son premier manuscrit, qui est resté inédit. 

Pour l’écriture d’À quoi jouons-nous, l’auteur s’est accrochée au besoin qu’elle ressentait d’exprimer sa colère envers les structures imposées, le patriarcat et les relations interpersonnelles, et ce, à travers l’exploration du langage. Son recueil déploie donc une syntaxe agrammaticale, où l’écriture ne compte ni majuscule ni ponctuation. À la première personne, elle joue avec les pronoms pour comprendre «quelle est la place du je et du jeu dans le nous».

La quête financière n’est pas ce qui a motivé Rachel à persévérer après avoir écrit son premier manuscrit. Sans surprise, elle s’exclame qu’«on ne fait pas d’argent avec l’écriture». Elle perçoit 10% du prix de vente établi à 22,95$ pour les 700 exemplaires imprimés d’À quoi jouons-nous et 17% de celui fixé à 14,99$ pour les exemplaires en version numérique, à titre de droits d’auteur. 

Atteindre son public

Bien que Rachel soit publiée, une question importante pour une créatrice comme elle demeure: comment se tailler une place dans un univers culturel dense, voire saturé ? Elle-même est consciente de cet enjeu, même si son œuvre fait partie du catalogue d’une grande maison d’édition québécoise. «Si je veux qu’on me lise, je dois travailler sur ma visibilité», explique-elle.

À l’instar d’autres poètes comme Rupi Kaur ou Daphné B., Rachel investit donc l’espace des réseaux sociaux pour y partager sa poésie. Transférer des idées de son carnet au Web a été un processus fluide, sans véritable stratégie de mise en marché, souligne-t-elle. Ce qui compte pour elle est le désir de prendre ses marques et de partager ses créations avec le public. «Je mets en ligne des poèmes en chantier, des extraits de lectures», précise-t-elle. Derrière son alias numérique, la «petiteinsolente», elle publie notamment ce qu’elle appelle son «archivage du présent».

Rachel Lamoureux, étudiante à la maîtrise en études littéraires à l’UQAM, a publié son premier recueil À quoi jouons-nous à l’âge de 26 ans. Crédit photo : Justine Latour.

Au fil des ans, une petite communauté s’est ainsi constituée autour de son site Web (rachellamoureux.ca), de sa page Facebook et de son compte Instagram. Ce dernier compte aujourd’hui près de 1 200 abonné·e·s, dont certain·e·s en France ainsi que quelques personnalités influentes du milieu littéraire québécois.

Une émission de radio plaisante à réaliser

L’aventure radiophonique du Chaînon marquant est née d’un désir de créer du contenu culturel pertinent, à l’image des deux animateur·ice·s, Myriam et Pascal-Olivier, qui, dès les balbutiements du projet, se sont concentré·e·s sur leur volonté de faire une émission qu’il et elle auraient aimé écouter, sans trop se soucier de la place qu’ils allaient pouvoir occuper dans l’écosystème des baladodiffusions en pleine expansion.

Leur rendez-vous socioculturel explore ainsi une thématique marquante qui unit leurs centres d’intérêt en philosophie, en sociologie et en histoire, dans une ambiance conviviale, mais rigoureuse.

Le fruit du travail de Myriam et Pascal-Olivier a réussi à se répandre grâce au bouche-à-oreille. «Des gens qui nous connaissaient ont commencé à écouter l’émission et ont réalisé qu’il y avait une certaine qualité», se réjouit Pascal-Olivier. Sa collègue enchaîne et souligne que tous deux ont «vraiment tripé à faire cette émission», qui, au fil du temps, a attiré des collaborateur·rice·s devenus chroniqueur·euse·s, et qui ont fini par entraîner avec eux et avec elles d’autres auditeur·rice·s.

Avec le recul, Myriam repense à ses débuts et estime que, pour livrer une émission de qualité, elle aurait dû dès le départ «se prendre plus au sérieux». En tant qu’étudiante, elle aurait dû oser contacter des personnalités publiques plutôt que de se limiter à des invité·e·s qui faisaient partie de son cercle social. PascalOlivier partage son avis et ajoute que «quand quelqu’un a l’occasion de parler, c’est rare que la personne dise non!»

«Je crois beaucoup au bénévolat dans la vie», poursuit l’animatrice, qui occupe un autre emploi pour gagner sa vie. Elle est bien consciente que l’émission de radio lui apporte de l’expérience à ajouter à son CV. Pascal-Olivier pense quant à lui que «quand on fait quelque chose qu’on aime, le fait d’être payé devient secondaire».

 

*Rachel Lamoureux, qui s’inspire de l’écrivain·e féministe Monique Wittig, préfère la dimension universelle et neutre de poète et écrivain à poétesse et écrivaine.

 

LANCER SON BALADO

L’ancienne employée d’ICI Radio-Canada Caroline De La Motte réalise et produit des documentaires, des films ainsi que le balado

 pour Le Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM (CÉRIUM). Elle reconnait que «les médias se transforment à la vitesse de la lumière» et rendent la visibilité des créateur·rice·s émergent·e·s difficile. Elle adresse au lectorat de Quartier Libre ses recommandations pour la création d’une émission de radio ou d’un balado :

  • Oser et beaucoup travailler sont les règles de base.
  • Raconter des histoires brillantes de façon ludique et conviviale, adaptée au ton de l’émission. Bien vulgariser.
  • Mener une réflexion continue : se réinventer et s’adapter aux nouvelles technologies et aux manières de raconter.
  • Procéder à une étude de marché des balados et des émissions de radio existants.
  • Se démarquer et attirer son public cible avec du contenu et un marketing adapté.
  • Trouver sa plateforme de diffusion ou collaborer avec un organisme connu.
  • Fidéliser son auditoire avec un horaire de diffusion fixe.

 

 

Partager cet article