À quelques pas de la salle d’exposition, située au deuxième étage de la maison de la culture de l’arrondissement Côte-des-Neiges, l’UdeM peut se vanter d’être à l’avant-scène des développements en matière d’intelligence artificielle. Mais ici, les artistes font plutôt écho aux craintes et aux critiques qui accompagnent ces percées.
Chapeautée par la commissaire Erandy Vergara Vargas, «À travers les secrets : l’art de créer des espaces entre les lignes» regroupe ainsi des œuvres inédites de cinq artistes d’ici et d’ailleurs : Adam Basanta, Sophia Brueckner, August Klintberg, Cheryl Sim et Dayna Danger. Leur problématique est bien connue : si nos appareils en viennent à nous connaître mieux que nous-mêmes, à prévoir nos comportements, nos envies ou nos désirs, quel espace reste-t-il pour une notion d’intimité ou de vie privée?
Aimer, consommer au temps des algorithmes
L’artiste américaine Sophia Brueckner propose trois installations qui donnent à réfléchir sur la construction du rapport amoureux dans le sillage de lectures faites sur Kindle. Pour ceux et celles qui l’ignorent, l’application, propriété d’Amazon, permet à une personne de savoir quels sont les passages les plus populaires (popular highlights) dans le livre qu’elle tient. Mme Brueckner reprend à son compte ces phrases populaires, extraites de romans d’amour, et en fait un matériau de travail pour ses trois œuvres.
Adam Basanta, de son côté, s’intéresse aux algorithmes qui s’insinuent dans les modes de consommation de la population. Dans l’une de ses installations, les images d’appareils en vente défilent sur un grand écran, trop rapidement pour que le public ait une idée claire du produit montré. Ailleurs, sur une toile au mur, des traits de crayons marquent les liens unissant un pavillon, un bain et une chaise de bureau dans un quadrillage d’objets à acheter.
Apprendre à cultiver des espaces à l’écart
Cheryl Sim, dans ses trois installations évoquant les fameux «cookies», tente quant à elle de se réapproprier le terme accompagnant chaque visite des internautes sur Internet. D’abord, elle indique comment limiter leur impact, dans un dépliant à consulter sur place, puis elle donne la recette de biscuits familiale, que le public la voit réaliser sur un écran.
Quel espace reste-t-il pour l’agentivité des individus quand leurs choix sont si fortement orientés par des algorithmes? Les œuvres de l’exposition «À travers les secrets : l’art de créer des espaces entre les lignes» tentent d’apporter des réponses, en mêlant conscientisation et interactions avec le public. Après tout, il n’y a pas que des réseaux informatiques, et les échanges entre êtres humains, médiatisés hors de ces derniers, le rappellent.