Après un échange étudiant pendant un trimestre à Melbourne, suivi d’un Working Holiday Visa d’un an, Annie Lafleur est revenue en 2017 à Montréal avec une idée d’entreprise. Elle a alors décidé de se réinscrire à HEC Montréal pour terminer le baccalauréat en administration des affaires qu’elle avait commencé avant de quitter la ville. Dans la foulée, elle a également posé sa candidature pour participer au programme Parcours Rémi-Marcoux, proposé par La base entrepreneuriale de HEC Montréal. La jeune femme y obtient alors la première place. C’est ainsi qu’elle a commencé la grande aventure qui la mènera à la création de Damdrinks.
Selon Inspection.canada.ca, l’appellation « lait » est exclusivement réservée au lait de mammifères. Le mot « la*t » est employé ici pour qualifier une boisson végétale. |
Une entrepreneure dans l’âme
Très jeune, Annie avait déjà la fibre entrepreneuriale. Son père est d’ailleurs à son compte depuis 22 ans. Elle n’a jamais eu peur de prendre cette voie. «Quand j’étais jeune, je voulais monter un restaurant, je savais qu’il faudrait peut-être que j’aie des jobs sur le côté pour financer mon projet, mais ça a toujours été un objectif», explique-t-elle. En s’inscrivant à sa première année de baccalauréat à HEC Montréal, elle savait qu’elle serait un jour entrepreneure, mais n’avait pas encore d’idée précise. «C’était plus clair pour moi, qui je voulais être et ce que je voulais apporter à la société, mais pas ce que je voulais faire dans la vie», poursuit-elle.
Une idée venue du terrain
«Il y avait très peu de la*ts végétaux au Canada avant que je parte en Australie en 2016, souligne-t-elle. Je buvais encore mon latte avec du lait de vache. Arrivée en Australie, j’ai découvert que [c’était] très répandu.»
En Australie, elle a travaillé comme barista dans un café en banlieue de Sydney. «On faisait tout maison, [notamment] notre la*t d’amande, précise-t-elle. Quand j’ai découvert ça, moi qui étais intolérante au lactose et qui tripait sur le café […], j’ai adoré, et très rapidement je me suis retrouvée être celle qui préparait 36 litres de la*t d’amande tous les matins.»
Annie est ainsi revenue à Montréal avec l’idée d’une entreprise dont la mission serait de fournir des la*ts végétaux de manière plus écologique, saine et gourmande.
Un accompagnement clé
Dès son retour, Annie a mis toutes ses chances de son côté. «Je savais que je voulais aller en entrepreneuriat, j’avais entendu parler du Parcours Rémi-Marcoux de l’incubateur de HEC Montréal, mais je pensais que c’était inaccessible pour moi, se souvient-elle. Un ami qui le terminait m’a donné envie de le faire. Je me suis renseignée, j’ai regardé plein de vidéos et j’ai postulé.»
L’entrepreneure a ainsi commencé le programme en janvier 2018. Elle confie que celui-ci lui a beaucoup apporté pour structurer son entreprise, aiguiser son esprit stratégique et développer son réseau d’affaires. L’aspect qui a toutefois été le plus important a été la confiance en elle et en son projet, qu’elle a développée. «Tu pars de rien et tu dois convaincre les gens qu’il y a un gros projet que tu es en train de monter et qu’ils veulent en faire partie, tu vends du rêve», mentionne-t-elle.
Grâce à des rencontres toutes les deux semaines pendant le programme pour voir son évolution et fixer de nouveaux objectifs, Annie affirme avoir pu progresser rapidement. «Il y a juste toi qui vas progresser, parce que tu es toute seule à [pouvoir] le faire», poursuit-elle. Depuis, elle a d’ailleurs implanté des rencontres hebdomadaires dans son entreprise.
Le parcours lui a même permis d’obtenir de généreuses bourses, qui lui ont donné un coup de pouce pour mener son projet à bien.
Plusieurs défis
Au départ, l’idée était de proposer aux gérants de cafés des bouteilles consignées de la*t d’amande frais pour remplacer les briques jetables habituellement utilisées. Cependant, juste avant le lancement du produit, en août 2019, le laboratoire qui le développait a déclaré que sa durée de vie n’excéderait pas deux semaines.
Malgré ce coup dur, Annie n’a pas lâché son idée et a continué à travailler sur ses produits. «Ce qui te permet de persévérer, c’est ton désir de bâtir quelque chose en particulier, c’est d’avoir une vision, déclare-t-elle. Je pense que j’ai une vision pour Damdrinks et c’est ça […] qui permet de passer au travers des moments difficiles.»
En octobre 2019, Annie et son associé, Sébastien Bureau, ont eu l’idée de lancer des la*ts végétaux concentrés en vrac à mélanger à de l’eau pour obtenir la boisson finale. Sébastien a alors vu cette idée comme une option plus pratique pour les cafés, qui stockent habituellement des centaines de briques, tandis qu’Annie y a vu l’aspect écologique des cartons économisés.
Le produit minimal viable est développé en un an, avec l’aide de plusieurs cafés qui l’ont mis en œuvre et ont fait des rétroactions pour l’améliorer. Le lancement a eu lieu en septembre 2020, et Damdrinks a lancé sa nouvelle image de marque, son nouveau site Web et de nouveaux produits comme le la*t d’avoine en mars 2022.
Une démarche écoresponsable
Un seau de 4 kg de concentré permet d’obtenir 67 litres de la*t d’amande, soit l’économie de «67 cartons de lait qui se recyclent très mal», selon les informations présentes sur le site Internet de Damdrinks.
L’huile de tournesol biologique présente dans le la*t d’avoine provient d’un producteur québécois, qui la livre dans des barils de 208 litres qu’il récupère et remplit à nouveau, tout comme les seaux — fabriqués au Canada — dans lesquels sont livrées aux clients les portions de concentré de la*t végétal. La démarche est ainsi circulaire et zéro déchet, assure l’entrepreneure, qui confie d’ailleurs que la livraison de ses produits est faite par un service carboneutre.
L’entrepreneuriat responsable se développe
Annie n’est pas la seule à avoir monté un projet engagé. Le directeur de l’accompagnement à La base entrepreneuriale de HEC Montréal, Guillaume Campeau, explique que le phénomène est de plus en plus courant. «Toutes les entreprises qu’on accompagne vont intégrer une dimension d’impact ou partir d’une problématique sociale ou environnementale, ce qui n’était pas forcément le cas par le passé», souligne-t-il.
Il ajoute que le volet impact, jusqu’à présent réservé aux entrepreneurs du parcours EntrePrism, l’un des trois de l’incubateur, va être intégré à tous les programmes pour lesquels les candidatures sont ouvertes jusqu’au 15 novembre prochain. «Pour nous, les leaders de demain doivent être des leaders responsables», affirme-t-il.
Cette tendance s’est confirmée lors de la finale du Défi48, un concours d’entrepreneuriat québécois organisé par l’entreprise de l’Outaouais Apprends & Entreprends, lequel consiste, avec seulement un dollar, à créer une entreprise et à générer des profits en seulement 48 heures. Cette année, une équipe composée de six étudiants de HEC Montréal l’a remporté avec le projet Ecozac, un sac fabriqué à partir de vieux vêtements et mettant à l’honneur l’économie circulaire.
LA BASE ENTREPRENEURIALE DE HEC MONTRÉAL, PÉPINIÈRE D’ ENTREPRISES À IMPACT Au départ, Upcycli est une plateforme de vente et d’achat de produits de seconde main. Ses fondateur·rice·s, Christopher Montoya et Elodie Lorimi, développent des outils pour mieux sensibiliser à la composition des vêtements et à leur impact écologique. Retournzy est une coopérative d’économie sociale qui offre un service de location de conte- nants réutilisables à des professionnel·le·s de la restauration, qui peuvent ainsi offrir leurs repas à emporter. «Le meilleur déchet est celui qui ne sera pas produit», déclare la cofondatrice du projet, Cindy Vaucher. 0wastecleaning a été fondée par Isamary Hernandez à partir d’une problématique personnelle : celle de ne pas trouver de produits nettoyants écologiques et abordables. En quelques mois, il a développé un système de concentré en pastilles entièrement biodégradables qui se dissolvent dans l’eau. Stimulé·e·s par des valeurs environnementales et sociales, Elisa Groslier et Nicolas Iglesias ont créé l’entreprise émergente Civision afin d’aider les entreprises et les organismes à mieux s’approvisionner, en leur fournissant des données nécessaires à leur développement auxquelles ils n’ont généralement pas accès, et à trouver de la main-d’œuvre en comprenant mieux ce dont ils ont besoin. Leur but? Contribuer concrètement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre au Québec et dans le monde. |
*Erratum: Une version précédente de cet article ainsi que la version papier mentionnent erronément que la cofondatrice du projet Retournzy se nomme Cindy Vachon. Son nom est Cindy Vaucher.