Culture

La capacité du livre à provoquer des rencontres semble être à l’origine de tous les projets que Mme Métayer entreprend.

Une ancienne étudiante de l’UdeM donne un second souffle à l’imprimé

« J’ai un parcours plutôt éclectique », avoue Catherine Métayer, anciennement étudiante au certificat en journalisme à l’Université de Montréal, de 2007 à 2008. Elle est aujourd’hui rédactrice en chef du magazine Beside, qui traite du rapport de l’être humain à la nature. Elle est aussi la cofondatrice de la plateforme de curation Collectif Blanc, qui partage plusieurs fois par semaine des publications inspirantes et présente des expositions de livres uniques. Mme Métayer, par l’intermédiaire de celle-ci, se consacre à la diffusion de formes d’édition novatrices. Une chose est certaine, même si son objet de prédilection est matériel, sa motivation est du domaine de l’intangible. C’est l’envie de rassembler les gens autour de réflexions significatives qui la porte.

L’ancienne étudiante au certificat en journalisme Catherine Métayer est rédactrice en chef du magazine Beside et a cofondé le Collectif Blanc. Courtoisie : Catherine Métayer

L’adepte du livre ne conçoit pas la lecture comme une activité solitaire. Selon elle, l’expérience de l’imprimé se déploie quand son propos est porté par une communauté au sein de laquelle il trouve écho. « On se tourne vers l’imprimé pour réfléchir, sur le plan individuel comme collectif », soutient-elle. La capacité du livre à provoquer des rencontres semble être à l’origine de tous les projets que Mme Métayer entreprend.

Motivée par l’acquisition de la rigueur et de l’esprit critique de la démarche journalistique, la rédactrice en chef étudie au certificat en journalisme de l’Université de Montréal de 2007 à 2008. Si elle y apprécie le contact avec ses pairs et la qualité de l’enseignement, elle n’y retrouve pas le journalisme d’avant-garde auquel elle aspire. Le programme est axé sur le monde de l’information pure et dure, qui n’est pas le sien, et elle trouve davantage écho dans les formats journalistiques plus longs et artistiques : les essais, les reportages et les enquêtes.

Le métier de publisher

Bon à savoir

Dans le monde francophone, le terme « éditeur » désigne généralement à la fois la personne ou l’organisation qui édite des textes, mais aussi qui chapeaute, imprime et diffuse des publications. De façon générale, dans le monde anglophone, les termes editor et publisher portent des sens différents. L’editor a la charge de l’édition, alors que le publisher chapeaute les publications.

La passion de la rédactrice pour les livres et ses communautés de concepteurs la mène à séjourner à Londres et à New York. Certaines rencontres la marquent plus que d’autres, dont celles avec des publishers. Encadrer les équipes de contenu, définir les stratégies de distribution, faire des choix d’impression ; le rôle de publisher approche de façon holistique la conception de publications. Cette notion rejoint Mme Métayer en tout point. « Ma passion, c’est de réfléchir à comment le contenu vit avec le design, à l’intérieur de l’objet qu’est le livre ; que tout ça soit raccord », confie-t-elle.

C’est cette passion qui la motive à faire une maîtrise en publishing à l’Université des arts de Londres de 2012 à 2013 et lui permet concevoir des livres selon cette approche artistique qui la stimule. Avec un réel souci de l’adéquation entre le contenu et le contenant.

Rassembler autour du livre

L’envie de provoquer des rencontres est aussi à l’origine de l’histoire de Beside. L’équipe fondatrice du magazine a voulu créer un objet pour rassembler les personnes urbaines, créatives, celles qui aiment le plein air, mais aussi qui sont très soucieuses d’enjeux sociaux et environnementaux et ont envie de se reconnecter à la nature, selon la rédactrice.

L’équipe de Beside part à la rencontre de ces personnes en sillonnant le Canada d’est en ouest en 2016 à bord d’un van rempli de copies de sa première édition. Son objectif : bâtir son propre réseau de détaillants et établir un contact humain auprès de ceux chez qui cette reconnexion à la nature résonne.

Exposition du Collectif Blanc
Crédit photo : Jean- Michael Seminaro

 

Habiter la nature, comme elle nous habite

« On a tous un rapport avec la nature, poursuit Mme Métayer. Malheureusement, certains d’entre nous l’ont défini autour d’un plein air un peu commercial. […] Ce n’est pas vrai que ça te prend l’équipement en GORE-TEX (ndlr : membrane imperméable micropercée de haute performance) pour faire du plein air. »

Le magazine véhicule le fait que la nature est plus accessible que le pense la population. « Si on parle de la nature, on va parler de plein air, mais on va aussi parler de la relation des Autochtones avec le territoire, de chefs qui essaient de cuisiner local, de matériaux de construction en architecture », explique la rédactrice en chef avec enthousiasme.

Le travail de Mme Métayer et de son équipe permet au magazine de remporter plusieurs prix du Magazine canadien en 2019, 2020 et 2021, notamment pour sa direction artistique par Éliane Cadieux, cofondatrice et directrice à la création.

Magazine Beside. Courtoisie : Catherine Metayer

 

La diversité en trame de fond

La curatrice place la diversité au cœur de son travail. « C’est notre richesse », soutient-elle. Elle ajoute contribuer ainsi à la création d’espaces bienveillants permettant à différentes réalités et perspectives de se côtoyer.

Beside a aussi fait le choix d’adopter l’écriture inclusive et de s’entourer d’un comité aviseur, constitué d’individus de différents milieux avec des sensibilités diverses, qui agissent à titre de conseillers en identifiant les angles morts des équipes de contenu.

Revaloriser la matérialité

 « J’admire les qualités matérielles du livre », lance la fanatique de livres. Pour certains, sa démarche pourrait s’inscrire à contre-courant. La technologie est un impératif du quotidien du XXIe siècle, un outil particulièrement fondamental dans le monde des médias. Toutefois, Mme Métayer est catégorique : l’imprimé offre une expérience inégalée.

« Il y quelque chose de particulier avec le livre, cette espèce de promesse qu’on se fait à soi-même de plonger dans une expérience qui a un début et une fin, détaille-t-elle. Dans le livre, il y a les mots, les images, les moments de pause, de réflexion, où on tourne les pages et on s’arrête. Ce sont des moments d’intégration et de réflexion. »

L’expérience tactile, ralentie et déconnectée de la lecture papier est ce que la rédactrice en chef chérit. À l’ère du dogme de l’instantanéité, elle accorde une grande valeur à cette lenteur. « C’est un luxe de s’offrir un moment de lecture en imprimé », conclut-elle.

Partager cet article