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La main de Michaël Marsset apparaît dès le début du film, lorsque Leonardo DiCaprio écrit des équations sur un tableau pour calculer la trajectoire de la météorite et qu'il se rend compte de l'extinction imminente de l'humanité.

Doublure de DiCaprio : la science au service du 7e art

DON’T LOOK UP : DÉNI COSMIQUE réalisé par l’Américain Adam McKay, 2021

Deux astronomes (interprétés par Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence) découvrent qu’une météorite s’apprête à percuter la planète et à causer l’extinction de l’humanité. Ils essaient d’alerter la population de l’événement, mais ne sont pas pris au sérieux. La main de Michaël Marsset apparaît dès le début du film, lorsque Leonardo DiCaprio écrit des équations sur un tableau pour calculer la trajectoire de la météorite et qu’il se rend compte de l’extinction imminente de l’humanité.

Ce film, le deuxième le plus vu dans l’histoire de Netflix, suscite beaucoup de discussions. Satirique, il met en scène le désespoir des scientifiques face à la menace et au déni des politiciens, des médias et d’une grande partie de la population. Selon plusieurs critiques, Don’t Look Up: Déni cosmique fait écho aux sentiments d’anxiété et de découragement ressentis par certains climatologues et toutes les personnes soucieuses de la lutte contre les changements climatiques.

Quartier Libre (Q. L.) : Comment t’es-tu retrouvé à jouer le rôle de la doublure de Leonardo DiCaprio et qu’est-ce que cette expérience a représenté pour toi ?

Michaël Marsset (M. M.) : J’ai été au bon endroit au bon moment ! L’équipe de tournage a contacté la direction du Département d’astrophysique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en disant qu’elle cherchait une doublure de main pour DiCaprio. Ce courriel a été envoyé à mon superviseur, qui me l’a fait suivre. Quand je l’ai reçu, je me suis dit : « Haha, trop marrant ! » J’ai ensuite vu l’historique des courriels et je me suis rendu compte que c’était sérieux. Je me suis dit que j’allais tenter le coup. C’est une occasion unique dans une vie, je n’ai pas voulu la laisser passer et je suis très content d’y avoir participé.

Q. L. : Ça demande de l’entraînement d’écrire des équations sur un tableau ?

M. M. : Tout le monde pense : « Pourquoi a-t-il besoin d’une doublure pour faire ça ? », alors qu’on ne poserait pas la question pour jouer d’un instrument de musique, par exemple. Pour quelqu’un qui n’a jamais écrit d’équations de sa vie, ça n’aura pas l’air naturel 

Q. L. : Comment t’es-tu préparé à l’audition et au tournage à Boston ? As-tu apporté un soin particulier à tes mains ou effectué des exercices de calligraphie ?

M. M. : Je me suis peut-être coupé les ongles (rires). Pour l’audition, je ne me suis pas vraiment préparé. En revanche, au moment du tournage, j’ai été briefé par la consultante scientifique du film : Amy Mainzer, Main-zer, comme « main » (rires). C’est une professeure de l’Université de l’Arizona, experte en astéroïdes. C’est elle qui m’a donné les équations à écrire sur le tableau. Ce sont des équations issues d’une vraie publication scientifique, ça démontre l’attention portée aux détails pour le film. Je les ai bien étudiées et j’ai essayé de m’en rappeler. Et une fois sur le plateau de tournage, là, effectivement, j’avais une manucure chaque matin !

Q. L. : En combien de temps ta scène a-t-elle été tournée ?

M. M. : Quatre jours de tournage ont été nécessaires pour ma scène. La première journée, quand je suis arrivé et que l’équipe m’a appelé sur le plateau, elle m’a juste présenté le tableau et m’a dit : « Do science, please ! » ou « Do maths ! » Elle voulait à ce moment-là que j’écrive non pas les équations de la scène prévue, mais d’autres, pour un décor. Je savais que Leonardo DiCaprio jouait le rôle d’un cosmologiste [NDLR : Un professeur astronome], donc j’ai pris mon téléphone, je suis allé sur Wikipédia et j’ai cherché « équation inflation de l’univers ». J’ai écrit ce que j’y ai lu sur le tableau. Mais l’équipe ne me faisait pas tout à fait confiance, parce qu’elle a pris des photos et les a envoyées à la consultante pour vérifier
que je n’avais pas fait n’importe quoi.

La deuxième journée, elle m’a fait écrire toutes les équations sur le tableau pour la scène, j’étais filmé en gros plan sous différents angles. Le caméraman était le Suédois Linus Sandgren, qui avait travaillé sur le long-métrage La La Land [NDLR : Réalisé par l’Américain Damien Chazelle, sorti en 2016], c’est une pointure. Il me posait des questions sur les équations et sur les mathématiques, il avait l’air de s’y connaître un peu. Un autre jour, j’ai travaillé avec Leonardo DiCaprio. J’écrivais le début des équations au crayon de papier sur le tableau, ça ne se voyait pas à la caméra, et lui repassait avec un feutre par-dessus. On a fait ça quatre ou cinq fois, en étant filmés sous différents angles.

Q. L. : Qu’as-tu pensé du film et comment te positionnes-tu face au déni du réchauffement climatique et aux cris d’alerte poussés par la communauté scientifique ?

M. M. : Je pense que c’est un film important, qui a touché un public énorme. Qui a lu le rapport du GIEC [NDLR : Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat, qui regroupe actuellement 195 États] ? On en a tous entendu parler, mais on ne sait pas ce qu’il contient précisément.

Don’t Look Up : Déni cosmique porte le message des climatologues au-delà du cercle des experts et des activistes. Il montre aussi les problèmes de communication entre les scientifiques, les
journalistes et le public. Mon milieu scientifique n’est pas expressément touché par ce genre de difficultés, mais dans le milieu de la recherche sur le climat ou dans le milieu médical, et on l’a très bien vu pendant la pandémie, il y a des implications politiques extrêmement importantes et il peut y avoir de la récupération, de la manipulation ou de la déformation de propos.

Il peut aussi y avoir de l’incompréhension : un même mot dans le jargon scientifique et dans
la vie courante n’a pas la même signification. Quand on parle d’incertitude dans la vie commune, cela veut dire qu’on n’est pas sûr de ce dont on parle, alors que dans le milieu scientifique, cette incertitude a une signification précise, on parle d’intervalle de certitude.

Q. L. : Penses-tu que la satire est un genre cinématographique adapté pour conscientiser sur la nécessité de prendre soin de notre planète ?

M. M. : Oui, je le pense. J’estime que le problème est tellement urgent que nous avons besoin de multiplier les initiatives et les formats. Toute initiative est la bienvenue, et si ça fait un flop, au moins nous aurons essayé. Je pense que les générations futures ne nous en voudront pas si nous avons essayé de résoudre le problème, mais elles nous en voudront certainement si on n’essaie rien.

Q. L. : Tu penses qu’une meilleure collaboration entre la communauté scientifique et le cinéma pourrait aider ? Ou avec le monde médiatique en règle générale ?

M. M. : Je le pense vraiment. Plus on élève le niveau de compréhension scientifique de la population, des journalistes, etc., mieux c’est. Nous avons à travailler des deux côtés [NDLR : Les scientifiques et les journalistes]. Nous, en tant que scientifiques, avons très peu, voire aucune formation de communication aux médias. C’est tout un art d’expliquer et de faire de la vulgarisation. Nous avons besoin de certains scientifiques qui soient capables de communiquer avec les journalistes et le public. Et de l’autre côté, je pense qu’il existe vraiment une carence scientifique du milieu journalistique. Ce serait bien qu’il y ait des formations à l’esprit critique.

Ce que j’ai apprécié dans le film, c’est qu’il mentionne plusieurs fois le processus de révision par les pairs. Je pense qu’il y a plein de gens qui ignorent ce que c’est. C’est ce qui fait qu’on va donner une crédibilité à tel article scientifique et pas à un autre. Quand on soumet un article à une revue scientifique, il est soumis à un comité composé de personnes dans le même domaine de recherche, qui ne sont pas directement tes collègues pour qu’il n’y ait pas de conflit d’intérêts. Ce comité vérifie l’article, le raisonnement, l’intérêt, la logique et les résultats de la discussion. Le processus de publication est donc extrêmement long, mais c’est le meilleur moyen d’avoir des publications de qualité.

* «La main de Leonardo DiCaprio doublée par un diplômé», Virgine Soffer, 18 janvier 2022 – UdeMNouvelles est le canal de communication de l’Université de Montréal.

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