Empêtrée dans une crise financière majeure depuis plus d’un an, l’Université Laurentienne, à Sudbury, en Ontario, continue de faire parler d’elle alors qu’elle refuserait de dévoiler des documents financiers qu’elle juge confidentiels. Talonné par le gouvernement ontarien et par la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk, l’établissement bilingue pousse sa cause devant les tribunaux. Pour y voir plus clair, Quartier Libre revient sur la saga.
Située aux abords du lac Ramsey, à Sudbury, l’Université Laurentienne, fondée en 1960, accueille plus de 9000 étudiants et étudiantes chaque année. Du moins, c’était le cas avant que survienne une série d’ennuis financiers qui l’ont forcée à se placer sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), le 1er février 2021. Depuis, les inscriptions ont chuté de 14 %, passant de 9300 à 8000 entre les mois de novembre 2020 et 2021.
La nécessité de recourir à la protection judiciaire de la LACC a non seulement affaibli l’engouement des futurs Voyageurs et Lady Vees*, mais elle a surtout révélé une dette de plus de 90 millions de dollars, principalement dus à des banques canadiennes. Effectives jusqu’au 31 janvier 2022, ces mesures de protection contraignent également l’Université Laurentienne à entreprendre un plan de sauvetage d’amaigrissement sous la supervision du tribunal.
Des coupes pour survivre
Le redressement financier de l’établissement universitaire est notamment passé par la fermeture de 69 programmes, dont 28 en français. Ainsi, 30 % des programmes ont été amputés de l’offre de cours en avril 2021. Le recteur de l’Université, Robert Haché, estimait alors également que près de 10 % des étudiants et étudiantes de premier cycle seraient affectés d’une manière ou d’une autre par la mise en berne de ces programmes. Certains départements ont été entièrement supprimés, comme ceux d’études françaises et de philosophie.
De même, l’École de formation des sages-femmes a dû fermer ses portes, une annonce qui avait soulevé un tollé dans la francophonie canadienne. Une pétition pour faire revenir l’administration laurentienne sur sa décision avait rassemblé plus de 10 000 signatures partout au pays. La directrice de l’École, Lisa Morgan, affirmait dans une entrevue accordée au Devoir ne pas comprendre que ce programme, pourtant rentable pour l’Université et financé par le gouvernement ontarien, succombe à la crise financière.
De nombreux emplois, près de 200, ont également été supprimés, parmi lesquels 83 postes de professeures et professeurs qui ont été remerciés, 78 postes de membres du personnel à temps plein qui ont été renvoyés ainsi que 27 postes vacants ou départs à la retraite non renouvelés.
Aux origines de la crise
La crise financière qui secoue actuellement l’Université Laurentienne aurait plusieurs racines : grands investissements dans les infrastructures, hausse des inscriptions qui ne s’est pas concrétisée, compressions budgétaires, et même pandémie.
Déjà, en 2009, l’établissement avait le déficit le plus important de toutes les universités ontariennes. L’administration laurentienne avait ainsi décidé d’investir massivement dans ses infrastructures afin d’augmenter le nombre d’inscriptions et, du même coup, faire mousser la colonne des revenus. Sur les 160 millions de dollars prévus pour l’agrandissement de l’Université, 140 provenaient de subventions gouvernementales, d’emprunts et de dons. Au grand dam des gestionnaires, les futurs étudiants et étudiantes n’ont pas été au rendez-vous : le nombre d’inscriptions est resté à peu près inchangé entre 2010 et 2018.
En parallèle, les universités ontariennes ont subi de lourdes compressions budgétaires en 2019, alors que le gouvernement Ford abaissait les droits de scolarité de 10 %. Ce manque à gagner de 9 millions de dollars s’est ajouté à un déficit de 6 millions de dollars causé par la pandémie en 2020.
L’Université Laurentienne devant les tribunaux
Aujourd’hui, l’Université Laurentienne fait l’objet de deux enquêtes sur ses finances : l’une menée par le gouvernement ontarien et l’autre par la vérificatrice générale de l’Ontario, Bonnie Lysyk. Celle-ci a notamment été déboutée par la justice le 13 janvier dernier, alors qu’elle sommait l’établissement universitaire de lui fournir des documents financiers jugés confidentiels. Son bureau a néanmoins annoncé vouloir faire appel de cette décision.
De son côté, la législature ontarienne a délivré le 9 décembre 2021 un mandat de comparution à l’Université Laurentienne afin d’avoir accès à ces documents. Si ces attentes ne sont pas satisfaites, M. Haché et l’ancien président du conseil d’administration, Claude Lacroix, risquent la prison. Le 11 janvier dernier, l’Université a annoncé vouloir faire suspendre temporairement ce mandat par les tribunaux. Une audience a lieu ce 18 janvier pour entendre les arguments des avocats de l’établissement.
*Noms des équipes sportives masculines et féminines de l’Université Laurentienne