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Dialogue avec le passé : le leg de John A. Macdonald vu par des étudiants et étudiantes en architecture

Des étudiants et étudiantes de l’UdeM ont remporté les premier et second prix du concours de la Charrette d’architecture et de design, tenu en novembre dernier. Pour l’édition 2021, les équipes participantes devaient concevoir une installation temporaire à l’endroit même où la statue de Sir John A. Macdonald se trouvait avant d’être déboulonnée. Quartier Libre a rencontré les équipes lauréates.

Une balançoire orange pour rappeler « les milliers d’enfants autochtones vulnérables pour lesquels nous sommes toujours en deuil. » Un gigantesque porte-voix pour redonner la parole « aux nombreuses communautés qui ont été réduites au silence dans la sphère publique. » Voilà les projets qui ont récolté les lauriers d’or et d’argent au terme de la 26e édition de la Charrette d’architecture et de design organisée par le Centre canadien d’architecture.

Sous le thème « Après Macdonald », les étudiantes et étudiants en architecture ont été appelés à conceptualiser une installation éphémère pour combler le vide de la Place du Canada depuis le démantèlement de la statue du 1er premier ministre canadien. Renversé de son piédestal en août 2020 à la suite du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd, ce bronze laisse derrière lui un monument inoccupé autour duquel les équipes participantes devaient matérialiser leur rapport avec le leg controversé de Macdonald. Un leg marqué, entre autres, par l’instauration des pensionnats autochtones en 1883 et par la pendaison du résistant et chef métis Louis Riel en 1885.

Une statue qui chute…

Balançoire. Premier prix du concours de la Charrette d’architecture et de design 2021. Image par Lisa Hadioui, Juan Fernando Barrionuevo et Kamelia Djennane.

« C’était un geste minime, de faire tomber quelque chose, mais la répercussion était énorme », se remémore l’étudiante à la maîtrise en architecture Kamelia Djennane. Pour elle et les deux autres membres de l’équipe ayant remporté le premier prix grâce à une balançoire orange, le démantèlement de la statue de John A. Macdonald devait s’incarner dans leur projet. « Je me souviens que nous nous sommes dit : “Il faut se baser sur ce mouvement-là, cette action de faire tomber” », ajoute Kamelia.

L’étudiant à la maîtrise en architecture Juan Fernando Barrionuevo explique que la poutre inclinée évoque la chute de la statue, alors que les chaînes de la balançoire représentent les cordes ayant permis le déboulonnement. « Je trouvais que c’était vraiment délicat comme sujet, poursuit-il. Dès que tu fais un projet sur le socle vide ou autour, c’est déjà un geste politique. »

Ce geste politique doit être évocateur, selon la titulaire d’un baccalauréat en architecture Lisa Hadioui. « Il fallait que ce soit un commentaire direct et clair qui véhiculait nos émotions, non seulement par rapport à la vie de ce premier ministre du Canada, mais également par rapport au mal qu’il a causé à la société », précise-t-elle.

Mais pourquoi une balançoire ? « Pourquoi pas un toboggan ? », répond du tac au tac Kamélia. Oui, pourquoi pas ? « La balançoire, c’est une chose qui est utilisée par les enfants et par les adultes, souligne-t-elle. Ça devient accessible et appropriable par tous. »

« C’est le seul objet qui peut être à la fois ludique et serein », ajoute sa coéquipière Lisa. Elle explique que le choix de l’emplacement de la balançoire, soit face au monument déserté, n’est pas anodin : la personne assise sur la balançoire entre inévitablement en dialogue avec Sir John A. Macdonald et son héritage. « On peut ressentir tout un amalgame d’émotions, poursuit-elle. On peut être heureux comme on peut être triste. Alors qu’un toboggan… On ne va pas ressentir de tristesse dans un toboggan ! »

… et des paroles qui résonnent

Voix. Deuxième prix du concours de la Charrette d’architecture et de design 2021. Image par Salma Alaoui, Jamila Baldé et Jean-Michaël Simard.

Pour leur part, les membres de l’équipe ayant remporté le second prix ont choisi de placer le monument inhabité au centre de leur gigantesque porte-voix. « C’est un dispositif qui permet aux gens de monter sur le socle et de leur donner une voix », explique la titulaire d’un baccalauréat en architecture Salma Alaoui.

« Ce qui nous a poussés à nous intéresser au bruit, c’est son caractère temporaire, précise l’étudiante à la maîtrise en architecture Jamila Baldé. Contrairement à une image qui est fixe et perdure dans le temps, le bruit ne dure pas longtemps, mais il a quand même un impact. »

« En général, les statues donnent une voix à une seule personne spécifique qui a le pouvoir de se faire entendre », avance Salma. Placé devant un immense mur d’écho, ce porte-voix permet, selon elle, de redonner la parole aux communautés qui ont été réduites au silence, particulièrement les communautés autochtones.

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