Culture

Le duo Andromède a sorti son premier album cet automne.

Le duo Andromède : un mythe féminisé

C’est au bar Chez Baptiste, dans le Plateau Mont-Royal, autour d’un verre, que le duo Andromède a donné rendez-vous à Quartier Libre. Derrière ce nom d’artiste se cachent Roxane Reddy et Marie-Neiges Harvey, deux amies qui viennent de sortir leur premier album. Leur passion pour la musique a commencé dès leur plus jeune âge. À six ans, Roxane, dont le père est musicien, pose ses doigts sur un piano : l’instrument incontournable dans sa famille. Au même âge, Marie-Neiges apprend le violon. Toutes les deux se mettent à chanter, avant que leurs chemins ne se croisent lors de leur première semaine de cours au Cégep de Saint-Laurent, à Montréal.

Faire sa place en tant que femmes

Avant d’en arriver à former un groupe, Marie-Neiges et Roxane ont complété un baccalauréat en musique – Interprétation jazz à l’Université de Montréal, un cursus dans lequel elles ont dû se faire une place en tant que femmes, mais aussi en tant que chanteuses de jazz. « Nous étions 64 élèves, dont 10 filles et seulement 8 chanteuses de jazz », mentionne Marie-Neiges. Leur projet musical commun leur a permis de se créer un safe space, comme elles l’appellent.

« Il y a beaucoup de dynamique de jazz instrumental versus de jazz vocal, ce n’est pas tout à fait facile de faire sa place, poursuit la musicienne. En tant que femme et chanteuse, c’est parfois compliqué, tu ne rentres pas totalement dans un moule, tu ne te fais pas tout le temps respecter. » La création d’Andromède a été un moyen pour les deux artistes d’avoir un endroit où se sentir en confiance, autonomes, dans un environnement où elles sont acceptées telles qu’elles sont. Seul le duo décide des contraintes et des exigences dans ce projet musical.

Les deux amies se sont inspirées du personnage de la mythologie grecque Andromède. Elles expliquent que cette dernière, princesse éthiopienne et fille de Cassiopée, paie les conséquences de l’arrogance de sa mère, qui déclare que sa fille est la plus belle de toutes. Andromède se retrouve alors prisonnière, nue sur un rocher, face à un monstre marin envoyé par Poséidon pour la dévorer. Heureusement pour elle, le héros grec Persée vient la libérer. « Nous changeons l’histoire, Andromède se libère seule, sans prince, détaille Marie-Neiges. Nous nous approprions la mythologie et nous mettons les femmes au pouvoir. » Roxane s’en amuse. « Ça aurait été plus hot si elle avait été une guerrière ! » déclare-t-elle.

Un album qui rend plus fort

Au-delà d’un projet musical, ce premier album est un processus de travail personnel pour les deux musiciennes, une réflexion sur elles-mêmes et sur ce qui les entoure. Elles mentionnent avoir tiré les leçons de relations déchues, qui les rendent plus fortes aujourd’hui.

« Cet album-là a fermé un chapitre de nos vies, celui de la quête identitaire, autant dans nos relations que dans notre cheminement dans la musique, souligne Marie-Neiges. Il nous a aidées à comprendre nos expériences et nos échecs, et à nous construire. C’est un album d’empowerment, pour nous et les autres. »

Les deux amies entendent ainsi proposer une œuvre qui fait du bien au public et qui l’endurcit. « L’album va dans le sens du renforcement de soi et non dans la destruction, explique Roxane. Si dans une chanson, nous parlons d’une relation qui n’a pas fonctionné, ce n’est pas pour parler d’une personne, mais plutôt pour mettre en avant le cheminement qui a été fait. Nous sommes tous capables d’avancer. »

Ce projet autoproduit, Roxane le décrit comme du folk alternatif, avec de la musique vocale. « Ce n’est pas du jazz, mais ça gravite toujours un peu autour, puisque nous l’avons étudié pendant huit ans », précise-t-elle. Cette diversité de styles s’explique par différents registres musicaux qui ont inspiré le duo. Alors que Marie-Neiges a tendance à écouter plus de musique pop, Roxane a une préférence pour le folk des années 1970.

Si elles devaient respectivement garder une seule chanson de leur liste de lecture, ce serait Baby, now that I’ve found You d’Alison Krauss and Union Station pour la première et Entangled de Genesis pour la deuxième. Pourtant, sans se concerter, dans l’ambiance musicale et décontractée du bar, quand les premières notes de la chanson québécoise Et Cetera de Gabrielle Destroismaisons retentissent, elles se lancent un regard complice et se mettent à chanter.

Sortir des codes

L’étude du jazz à l’UdeM a donné à Roxane et à Marie-Neiges les clés nécessaires pour lancer leur projet professionnel : technique et pratique du jazz, étude du répertoire musical et créations personnelles, le tout supervisé par le corps enseignant.

« Notre premier album est un mélange de chansons que nous avions chacune écrites de notre côté et que nous avons partagées et retravaillées, explique Roxane. Aucune pièce n’appartient à l’une ou à l’autre, tout a été refait ensemble. » Sur ce point, elles ajoutent que l’écriture des textes est spontanée. Les deux membres d’Andromède n’ont pas suivi de cours de poésie. « On ne sait pas si ça respecte des règles ou pas, mais parfois, il faut juste se laisser aller », déclarent-elles.

En 2019, au moment de la naissance d’Andromède, le duo a fait partie des sept finalistes du concours des arts de la scène UdeM en spectacle, lequel vise à mettre de l’avant le talent des étudiants et étudiantes de l’Université. La participation des deux musiciennes à ce concours leur a permis de se faire connaître de la communauté étudiante et des médias de l’UdeM.

Toutes deux soulignent que leur premier morceau a été présent plusieurs semaines dans le palmarès de la radio universitaire CISM 89.3 FM en mai 2020, et qu’elles ont connu un soutien important de la part de celle-ci, notamment pendant la pandémie. Après une longue interruption des concerts en raison de la situation sanitaire, Andromède devrait retrouver le public au courant de 2022. « Nous voulons jouer le plus possible, rouler à travers le Québec », souhaite Marie-Neiges.

Malgré une période compliquée pour l’industrie musicale, les deux artistes ne perdent pas leur motivation. « Nous espérons que notre musique va toucher des gens, faire un petit bout de chemin. »

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